Retour

imprimer l'article Imprimer

Actualités - Opinion

Lettre ouverte de deux observateurs des filières ornementales européennes

Le Lien Horticole - n°746 - mars 2011 - page 4

MARIE-FRANÇOISE PETITJEAN – BRAND WAGENAAR

« De nombreux observateurs, dont nous sommes, tirent la sonnette d'alarme sur la perte de compétitivité de la production française. L'éditorial de Francis Ginestet, intitulé « Une ambition pour la pépinière » et paru dans le Lien horticole n° 742 du 2 mars 2011, nous amène à réagir et à vous faire part de nos réflexions.

En 2008, nous avons “planché” à la demande du Bureau horticole régional sur un diagnostic resituant le positionnement des bassins de production européens, les opportunités et menaces des évolutions constatées, et proposé des axes de redéploiement pour la filière. Nous avons alors avancé l'hypothèse que le scénario de repli observé dans la filière des fleurs coupées était déjà bien engagé dans les plantes dites « de serre chaude » et se dessinait pour les plantes vivaces et les végétaux de pépinière. La mutation profonde dans les habitudes de consommation et de jardinage des Européens les conduits à privilégier la « petite pépinière » prête à poser, prête à fleurir, bref, qui tient sa promesse de décor immédiat sans effort. Petit à petit, mais plus rapidement ces dernières années, la concurrence étrangère se met en ordre de marche pour répondre à ces nouvelles attentes : études et développements de concepts marketings, alliances entre entreprises, initiatives logistiques...

Les salons et la presse étrangère rendent compte de cette dynamique. Lors des dernières éditions des salons Plantarium et FloraHolland Trade Fair aux Pays-Bas, IPM en Allemagne, nous avons été frappés par ces avancées, portées par une forme de volontarisme et une conviction de conquête des marchés émergents. Nous ne devons pas accepter comme une fatalité de voir notre marché grignoté par les Allemands, les Néerlandais et les Italiens de Pistoia sur la pépinière, la montée en puissance néerlandaise sur les vivaces, la force de l'azalée belge, autrefois vendue à nos horticulteurs en vert et aujourd'hui valorisée en plante finie avec un signe de qualité officiel européen (IGP), le développement des exportations italiennes d'aromatiques (souvent en certification AB) et d'anthémis en provenance d'Albengha, la croissance régulière des exportations espagnoles...

On peut légitimement évoquer les distorsions de concurrence et se draper dans la dignité d'une qualité supérieure.

Oui, il y a en France un savoir-faire et une tradition horticole de qualité, mais cette qualité ne constitue plus un avantage comparatif suffisant par rapport à une offre concurrente mieux organisée et souvent qualitative. L'attractivité d'une offre réside aujourd'hui dans la capacité à fournir des volumes suffisants de produits en phase avec les tendances du marché, avec des services qui en facilitent l'accès et l'usage pour les distributeurs et les consommateurs et à un niveau de prix acceptable. Cela suppose des volumes et des moyens pour développer une offre de produits et services marketés. Bien sûr, la tendance à l'achat local est une opportunité de (re)développer les circuits courts qu'il faut saisir, mais ces circuits ne sont pas en capacité d'absorber l'intégralité de la production française et ils ne répondront qu'à une partie de la demande.

Nous faisons appel à un autre regard, basé sur une vision globale des enjeux, la curiosité, des alliances objectives autour d'intérêts communs pour gagner ensemble du pragmatisme au-delà des considérations politiques. Ce n'est qu'à ce prix que la filière se maintiendra face à ses concurrents européens. La France a de bons professionnels, des idées et des initiatives qui vont dans le bon sens. Le Lien horticole s'en fait régulièrement l'écho. Il faut peut-être y ajouter une envie collective de gagner, un forum qui fédère et structure les énergies qui veulent avancer, au-delà des étiquettes, qui « brident » les bonnes volontés. Nous connaissons les difficultés que vous rencontrez quotidiennement dans vos entreprises et ne voulons en aucun cas critiquer ou donner des leçons. Nous souhaitons simplement vous alerter sur des mouvements de fond qui annoncent de nouvelles offensives commerciales de la part de vos concurrents et sur l'urgence de reprendre la main. La pépinière française a potentiellement les moyens de maintenir sa place, à condition de prendre conscience des enjeux et de se donner les moyens collectifs de relever ces défis. Le plan de reconquête prôné par l'édito du Lien horticole est plus que jamais d'actualité. »

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :