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dossier - Bonnes pratiques phytosanitaires avant le traitement

Un Certiphyto peut en cacher d'autres

Marianne Decoin* - Phytoma - n°626 - octobre 2009 - page 18

Ce qu'on sait de la future obligation réglementaire de certification « phyto » et de sa mise en place expérimentale
 ph. Tecnoma

ph. Tecnoma

Si la loi Grenelle 2 est adoptée dans son état actuel, tous les applicateurs professionnels de produits phytopharmaceutiques devront à terme être titulaires d'un Certiphyto, et pas seulement les distributeurs, conseillers et applicateurs à compte de tiers. Donc y compris les agriculteurs traitant sur leur propre exploitation. Mais pour ces derniers, utilisateurs agricoles « en compte propre », ce permis de traiter devrait demander un parcours de formation plus léger que ceux exigés d'autres catégories à certifier ; il sera obligatoire plus tard même si on peut se faire « phyto-certifier » d'avance. Quoi qu'il en soit, parmi les 8 catégories de Certiphyto, celles des agriculteurs se distinguent des autres. Précisions.

Le Certiphyto sera la certification exigée pour les professionnels ayant affaire aux produits phytopharmaceutiques et prévue dans l'axe 4 du plan Ecophyto 2018. Il sera créé dans le cadre de la loi française Grenelle 2 en cohérence avec la directive européenne (1) « Utilisation durable des pesticides ». Ainsi le Grenelle de l'Environnement, ses lois et son plan Ecophyto font que la France prend de l'avance sur la réglementation européenne.

Qui devra être « phyto-certifié » ?

Cette certification sera une reconnaissance de compétence en matière phytopharmaceutique : produits, législation, pratiques. Les formations permettant d'acquérir ces compétences doivent par principe favoriser la connaissance et l'adoption des bonnes pratiques en la matière.

En effet celles-ci contribuent à la réduction d'usage des pesticides, objectif d'Ecophyto 2018 (et à celle de leurs mauvais usages avec les risques associés). Voilà pourquoi ce dossier évoque la question. En abrégeant « phytopharmaceutique » en « phyto » dès maintenant.

En juin dernier(2), on savait que le Certiphyto allait concerner trois publics :

– les professionnels de la distribution de ces produits phytos,

– ceux de leur application pour le compte de tiers (en agriculture et zones non agricoles),

– mais aussi ceux du conseil en la matière.

Les deux premiers publics étaient déjà concernés par le certificat dit DAPA comme « distribution et application de produits antiparasitaires » exigé par la loi d'agrément de 1992 (3) dans le cadre de l'agrément DAPA. En revanche

Les questions de juin

Mais en juin on ne savait pas encore si le Certiphyto allait être exigé pour les applicateurs à la fois non agricoles et non prestataires. Il s'agit de ceux appliquant des phytos chez leur employeur (employés de mairie, de golf, etc.) ; ces services intégrés n'étaient pas touchés par le DAPA.

Et surtout, surtout, pour les agriculteurs. Ils sont plusieurs centaines de milliers.

Aujourd'hui on sait.

Tout le monde devra avoir son Certiphyto. Mais ce ne sera pas le même pour tout le monde.

Trois mentions pour huit catégories et quatre voies

Tout d'abord, il y aura trois mentions possibles :

– utilisations agricoles,

– utilisations non agricoles,

– conseil/vente,

et non quatre comme envisagées en juin. Les mentions conseil et vente ont été regroupées.

Ensuite, ces mentions se déclinent en huit catégories. Le tableau 1 expose les mentions et catégories, et le tableau 2 p. 20 ce qui va changer pour chaque professionnel concerné.

De plus, il y a aura le choix entre quatre voies d'accès au Certiphyto. Ces voies A, B, C et D sont balisées dans l'encadré 1.

Agriculture en compte propre, le Certiphyto c'est nouveau

Ensuite, pour les agriculteurs traitant sur leur exploitation, soit les deux catégories d'utilisateurs agricoles (décideurs et opérateurs) en compte propre(4), le Certiphyto aura, au moins dans un premier temps, des exigences relativement légères.

Pour ces deux catégories, les niveaux minimum de diplôme de base sont moindres que pour les vendeurs, les conseillers et les autres décideurs. Et pour les agriculteurs n'ayant pas de diplôme donnant le Certiphyto et ne voulant pas passer de QCM (encadré 1), il suffira de suivre une formation de deux jours maximum. Attention, ce certificat sera exigé des opérateurs comme des décideurs. Donc un chef d'exploitation agricole qui envoie son ouvrier traiter devra avoir son Certiphyto.

Si les exigences en terme de formation sont moindres que pour d'autres catégories, c'est qu'il y a beaucoup de personnes à former et que ces exigences sont inédites.

Tous les autres, formation « plus ou moins façon DAPA »

Pour les autres catégories de personnes à « phyto-certifier », les exigences sont plus proches de celle de l'ancien DAPA notamment en termes de durée de formation.

Attention, Phytoma l'avait publié mais il faut le répéter : dans la distribution, TOUS les vendeurs et technico-commerciaux ayant des produits phytos à vendre devront être certifiés et pas seulement un salarié sur dix comme avant avec le DAPA.

De même les applicateurs à compte de tiers, agricoles (entrepreneurs de travaux agricoles) ou non (entreprises du paysage) devront voir certifier TOUS les opérateurs et décideurs et pas un sur dix comme avec le DAPA.

Du côté des applicateurs en zones non agricoles, devront être certifiés non seulement les prestataires de service mais encore, c'est nouveau, ceux en compte propre que le DAPA ne concernait pas.

Et, là encore, tous les opérateurs et décideurs et pas seulement un sur dix.

Enfin, et là aussi c'est nouveau, tout conseiller en matière de phyto devra être « phyto-certifié ».

Avec des nuances entre eux

Pour les conseillers, vendeurs, décideurs (agricoles et non agricoles) de l'application à compte de tiers, les niveaux de diplôme exigés pour obtenir un Certiphyto par la voie A seront proches de ceux du DAPA et plus élevés que ceux exigés des opérateurs (agricoles ou non).

L'obligation, c'est quand ?

Tout cela ne sera obligatoire qu'après publication des textes d'application de la loi Grenelle 2, dont le projet a été adopté au Sénat le 8 octobre mais pas encore par l'Assemblée nationale. Donc pas en 2009. Et en deux temps.

Pour les uns, 2010 ou 2011 sauf certifiés DAPA et jeunes diplômés

D'abord, pour les six catégories pour lesquelles les exigences se rapprochent de celles du DAPA (Tableau 1) l'obligation de Certiphyto devrait devenir effective rapidement après la sortie des textes d'application de la loi. Une application courant 2010 ou 2011 est envisagée.

Les personnes déjà titulaires d'un certificat DAPA devraient être reconnues certifiées jusqu'à la fin de sa durée de validité qui est de 5 ans. Donc les certificats DAPA obtenus ou renouvelés en 2008 « vaudront Certiphyto » jusqu'en 2013.

Autre point : tout titulaire d'un diplôme reconnu par la DGER sera considéré comme phyto-certifié durant les 10 ans suivant l'obtention de ce diplôme. Bon à savoir pour les étudiants et jeunes diplômés à la recherche de travail.

2014 pour les agriculteurs, avec sursis pour les jeunes diplômés

En revanche pour les deux catégories agricoles en « compte propre » (décideur et utilisateur), l'obligation ne devrait probablement commencer qu'en 2014.

Les jeunes agriculteurs titulaires depuis moins de dix ans d'un diplôme donnant désormais droit au Certiphyto, ou qui obtiendront un tel diplôme d'ici 2014, seront considérés comme certifiés jusqu'au dixième anniversaire de l'obtention dudit diplôme.

Peut-on se faire « phytocertifier » d'avance ?

On peut devancer l'appel

Mais en attendant que les Certiphytos soient obligatoires, on peut déjà se faire certifier.

En effet, la DGER du MAAP(5) a lancé une expérimentation grandeur nature de formation, avec l'aide précieuse d'AgroSup Dijon qui a planché sur les contenus et préparé les QCM d'évaluation. C'est de ce (gros) travail que vient la fixation des mentions et catégories déjà citées ainsi que la proposition d'options différentes en agriculture : grandes cultures et grande polyculture/élevage, petite polyculture/élevage, viticulture, arboriculture, pépinière/maraîchage de plein champ, cultures sous serres (légumes et plantes ornementales), productions tropicales, plus l'option 3D/fumigation/épandage aérien qui intéresse aussi les applicateurs en zones non agricoles.

Pourquoi le proposer

Cette expérimentation grandeur nature a pour but de roder le système. Ses enseignements permettront aux mentions, catégories, options, listes de diplômes, QCM et parcours de formation définitifs d'être plus pertinents que s'ils sortaient en direct d'un bureau parisien. La DGER et la DGAL sont allées au-devant d'heures de concertations, contestations, analyses, réécritures... Bon courage.

L'expérimentation 2009-2010

Nous l'avions écrit en juin, les centres de formation voulant réaliser des formations et évaluations Certiphyto pouvaient se porter candidats pour cela à partir du 25 mai dernier.

Après examen par la DGER et participation à une rencontre à Rambouillet début juillet, la DGER a délivré une habilitation provisoire à 270 organismes de formation, dont certains sont eux-mêmes des réseaux. Une centaine d'autres candidatures étaient en cours d'examen en septembre : la liste pourrait s'allonger.

Des formations et évaluations vont démarrer cet automne. Certaines pour les agriculteurs (voir encadré 2), d'autres pour les applicateurs non agricoles, d'autres pour les conseillers et vendeurs, le tout par les voies B, C, C', D et/ou D'. Les centres de formations et évaluation transmettront leur attestation aux DRAAF qui signeront les Certiphytos, délivrés ensuite par l'intermédiaire de FranceAgriMer. On attend la sortie d'un texte ministériel (arrêté ou avis) pour officialiser le fait que les certificats obtenus durant cette phase expérimentale seront bien de vrais Certiphytos valables dix ans.

L'intérêt pour le futur certifié

Mais pour un agriculteur, un entrepreneur du paysage, un conseiller ou un technico-commercial, quel est l'intérêt de devancer l'appel ? Pour les gens motivés par le contenu des formations elles-mêmes, celui de les suivre et d'apprendre, par exemple, des bons tuyaux sur les bonnes pratiques. Et ceci sans attendre.

Pour ceux qui n'aiment pas quitter leur exploitation ou leur entreprise pour aller se former, celui de se voir certifié pour dix ans. Ce sera la durée de validité des Certiphytos délivrés entre le 1er octobre et la fin de l'expérimentation prévue pour septembre 2010. Alors que cette durée risque d'être réduite par la suite.

<p>* Phytoma.</p> <p>(1) Votée par le Parlement européen le 13 janvier 2009 et adoptée par le Conseil européen le 24 septembre 2009.</p> <p>(2) « <i>Formation, certification, vers le Certiphyto</i> », dans <i>Phytoma</i> n° 622-623 de juin 2009, p. 7 à 9.</p> <p>(3) Loi n° 92-533 du 17 juin 1992 dite Loi d'agrément publiée au <i>JORF</i> le 18 juin 1992, applicable depuis le 1er janvier 1996.</p> <p>(4) Les chefs d'exploitation qui traitent eux-mêmes brigueront un Certiphyto décideur/opérateur.</p> <p>(5) Direction générale de l'Enseignement et de la Recherche du ministère de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Pêche.</p>

1 - Les quatre voies d'accès au Certiphyto

Ce que nous avions écrit en juin reste valable avec les quatre voies au choix (A, B, C, D), mais des choses se sont précisées.

Nouveau, la voie C se décline désormais en C et C' et la voie D en D et D'. Ceci pour différencier les deux catégories d'utilisateurs agricoles en compte propre (décideurs et opérateurs, que nous allons appeler désormais agriculteurs) des six autres catégories.

Voie A : sortir d'une formation reconnue

Pour entrer par la voie A, il faut être titulaire depuis moins de dix ans d'un diplôme inclus dans une liste qui sera disponible à la DGER.

Précision : pour les trois catégories d'opérateurs (agricoles en compte propre, agricoles à compte de tiers et non agricoles), des diplômes du niveau 5 suffiront : certains CAP ou anciens BEP. Pour les autres, il faudra au moins un niveau 4 (bac ou équivalent), voire 3. Certaines formations professionnelles de qualité suivies récemment pourraient être reconnues.

Voie B : se faire évaluer directement

On peut obtenir son Certiphyto en passant simplement une évaluation sous forme de QCM (questionnaire à choix multiple).

Bien sûr, les exigence seront adaptées à la catégorie du candidat et aux options qui l'intéressent : les céréaliers, viticulteurs et planteurs de banane ne rempliront pas le même QCM.

Cela peut intéresser des professionnels titulaires d'un diplôme « phyto-certifiant » depuis plus de dix ans et qui se sont maintenus à niveau.

Voie C : suivre un parcours formation -évaluation-complément

Le principe de la voie C est : une première formation avec un QCM au bout, reconnue comme suffisante si le candidat réussit son QCM mais suivie d'une autre formation dans l'autre cas. On ne repasse pas de QCM à la fin de la formation complémentaire.

La voie C proprement dite, pour les agriculteurs, est d'une première journée de formation suivie d'une deuxième si nécessaire.

La voie C', pour les six autres catégories, garde le même principe mais pour des durées plus longues, elles-mêmes variant selon les catégories et comparables à celles de l'ancien DAPA.

Voie D : suivre une formation sans évaluation

Dans la voie D, le simple fait d'assister à une formation donnera le Certiphyto à la sortie. Cela peut intéresser ceux que rebute tout examen théorique. En contre-partie, la durée de formation est celle qu'on aurait passée dans la voie C en suivant la formation complémentaire.

Pour les agriculteurs, la formation est donc de deux jours (voie D proprement dite). Pour les six autres catégories, elle peut être plus longue à l'image des formations DAPA (voie D').

2 - Certiphyto dans le Gard : devancer l'appel, en pratique

 ph. R. Cavalier

ph. R. Cavalier

La Chambre d'Agriculture du Gard a obtenu son habilitation comme centre de formation et d'examen Certiphyto pour les agriculteurs (utilisations agricoles en compte propre, catégories décideur et opérateur).

Or, indépendamment du Certiphyto et avec l'aide du Conseil général du département, elle avait monté un site pilote de démonstration des bonnes pratiques phytosanitaires au mas d'Asport, domaine acheté par le Conseil général en 2006 (photo). Stockage des produits phytos, aire de remplissage/lavage du pulvérisateur avec les matériels inventés par Renaud Cavalier, de la Chambre d'Agriculture (Top Remplissage, le tout nouveau Top Incorporation, Rinçotop, etc.), quatre procédés de traitement des effluents à comparer (Phytobac Biotisa, Phytobac Hermex, Héliosec et Osmofilm)... et aussi des bâtiments où on peut se réunir. Elle va utiliser ce mas comme site de formation pour le Certiphyto.

R. Cavalier explique : « Ainsi, nous n'aurons pas que du théorique en salle, mais aussi une partie pratique et visuelle. On pourra faire des démonstrations voire faire manipuler les stagiaires. Bien sûr il y aura des apports théoriques, par exemple sur la législation, mais ce sera illustré et appliqué. »

Le 18 septembre, il était prêt à démarrer.

Cet article fait partie du dossier Bonnes pratiques phytosanitaires avant le traitement

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Résumé

Le Certiphyto, certificat attestant de la compétence des professionnels ayant affaire aux produits phytopharmaceutiques et dont l'obtention sera rendue obligatoire par la future loi Grenelle 2, existera en trois mentions concernant huit catégories de personnes – les agriculteurs en font partie – avec des options proposées. Il y aura quatre voies d'accès différentes possibles (le tout est cité dans l'article ainsi que les évolutions que cela représentera par rapport à l'ancien certificat DAPA lié à la Loi d'agrément de 1992). Les exigences et les délais de mise en obligation diffèrent, notamment entre les agriculteurs et les autres catégories. Une expérimentation grandeur nature est en cours jusqu'en juin 2010 ; les Certiphytos qui seront attribués dans son cadre seront valables de plein droit.

Mots-clés : bonnes pratiques phytosanitaires, réglementation, Loi Grenelle 2, Certiphyto, formation, agriculteurs, applicateurs professionnels, distributeurs, conseillers, certificat DAPA (distributeurs et applicateurs de produits antiparasitaires), Loi d'agrément du 17 juin 1992.

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