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dossier - Mauvaises herbes

Pourquoi et comment désherber le maïs, avec des herbicides et/ou mécaniquement Le maïs face à ses adventices

Valérie Bibard* - Phytoma - n°639 - décembre 2010 - page 24

Faut-il désherber le maïs ? La réponse est résolument « oui ». Comment faut-il le désherber ? Pas de la même façon qu'il y a dix ans car la flore adventice des parcelles où le maïs est cultivé a évolué. Panorama des quatre grands types de stratégies applicables pour désherber le maïs aujourd'hui, des critères de choix entre elles et des conditions de leur mise en œuvre. Et puis détails sur l'un des quatre grands types de stratégies, celui dit « mixte » et qui associe herbicides et désherbage mécanique. Le tout se base sur dix ans de travail de terrain d'Arvalis-Institut du végétal.
 Liseron des haies (ph. V. Bibard)

Liseron des haies (ph. V. Bibard)

En médaillon, bineuse, ci-contre, houe rotative. Bien entendu, celle-ci doit être utilisée avant la levée de la culture et jamais sur des maïs tels qu'on les voit ici.      Quant au binage, il se pratique en post-levée après un herbicide appliqué, soit en plein, soit seulement sur le rang, l'inter-rang étant alors désherbé uniquement mécaniquement.

En médaillon, bineuse, ci-contre, houe rotative. Bien entendu, celle-ci doit être utilisée avant la levée de la culture et jamais sur des maïs tels qu'on les voit ici. Quant au binage, il se pratique en post-levée après un herbicide appliqué, soit en plein, soit seulement sur le rang, l'inter-rang étant alors désherbé uniquement mécaniquement.

Pourquoi désherbe-t-on un maïs ? Quelle que soit la façon dont on voudra ou on pourra désherber, il faut le faire pour atteindre deux grands objectifs majeurs.

Pourquoi désherber ?

Tout d'abord pour préserver le potentiel de rendement de cette culture qui est très sensible à la compétition des adventices. Non désherbé, un maïs peut accuser une perte de rendement très significative allant jusqu'à 100 % dans les situations extrêmes.

Autre raison, on désherbe pour préserver le patrimoine de la parcelle. En effet, les adventices ont une capacité de production de graines très importante et chaque adventice non contrôlée contribue à augmenter le potentiel grainier de la parcelle. Celle-ci devient alors plus difficile à cultiver et plus coûteuse, ce qui en diminue la valeur patrimoniale...

Face à la flore adventice des maïs

Le maïs nécessite donc de soigner son désherbage et, pour cela, on a besoin de solutions diversifiées et très efficaces.

Dans une parcelle de maïs, on trouve d'abord des dicotylédones dites « classiques ». Ce sont des espèces qui étaient déjà présentes avant le retrait de l'atrazine, c'est-à-dire celles des genres chénopodes, morelles et amarantes, ainsi que les renouées persicaires.

Depuis, sont apparues d'autres espèces dites « dicotylédones émergentes » ou « nouvelles » parmi lesquelles on peut citer principalement la mercuriale annuelle, la renouée des oiseaux, la renouée liseron (toutes trois font l'objet de l'article p. 28), mais aussi le mouron des oiseaux et puis localement d'autres espèces comme l'arroche dans l'Ouest et le datura ou la lampourde dans le Sud-Ouest.

Par ailleurs, on rencontre également les graminées estivales que sont le panic pied-de-coq, les sétaires et les digitaires et, plus récemment, les pâturins.

Et son évolution

Ces dernières années les populations d'adventices ont évolué. On constate en effet une légère diminution en fréquence des dicotylédones classiques. Inversement, les dicotylédones émergentes augmentent en fréquence et en densité. Quant aux graminées, si leur fréquence est à peu près stable, les densités sont en légère augmentation.

Côté vivaces, on observe une augmentation de la présence des liserons (photo en médaillon), tant en fréquence qu'en densité, dans la quasi-totalité des zones de production de maïs, principalement dans celles à rotations courtes.

Comment désherber avec des herbicides

Quatre grands types de stratégies

Face à cette diversité floristique, le producteur de maïs dispose de quatre grands types de stratégie de désherbage.

Il peut intervenir en pré-levée de la culture et des adventices avec des herbicides racinaires.

Il peut aussi intervenir en post-levée de la culture et des adventices avec des herbicides foliaires.

Il peut encore combiner ces deux types de produits en intervenant d'abord en pré-levée puis en post-levée.

Enfin, il peut mettre en œuvre une stratégie mixte combinant à la fois des interventions chimiques et mécaniques. Nous évoquerons plus loin les trois types de stratégies mixtes.

Choisir ses herbicides selon la flore dominante

C'est toujours le type de flore dominante de la parcelle qui doit guider le choix de la stratégie de désherbage.

En effet, si cette flore dominante se compose surtout de graminées estivales, le producteur a intérêt à s'orienter vers une stratégie mettant en œuvre un herbicide racinaire en pré-levée. Certes il y a des herbicides foliaires efficaces face aux graminées, mais c'est parmi les produits racinaires, notamment ceux de la famille des chloroacétamides, que l'on a les meilleures efficacités sur graminées estivales.

À l'inverse, si la flore se compose majoritairement de dicotylédones et a fortiori de dicotylédones émergentes plus difficiles à contrôler, c'est parmi les herbicides foliaires de post-levée que la panoplie disponible offre les spectres les plus larges et les meilleures efficacités.

Conditions de mise en œuvre de ces produits

Il ne suffit pas d'avoir identifié la stratégie et les produits les mieux adaptés à la flore que l'on souhaite contrôler, encore faut-il connaître les conditions optimales de mise en œuvre des produits afin d'optimiser leur efficacité. Le grand nombre d'essais réalisés depuis plus de dix ans nous permet de disposer aujourd'hui d'une base de données de plus de 3 000 essais à partir de laquelle on peut identifier les critères les plus déterminants sur l'efficacité des produits.

On observe ainsi que pour les produits racinaires utilisés en pré-levée, l'humidité du sol est le critère prépondérant. On estime qu'il faut compter 10 mm de pluviométrie minimum dans la décade suivant le traitement pour assurer une bonne efficacité de ces produits.

Inversement, pour les produits foliaires utilisés en post-levée, l'humidité du sol importe peu. C'est plutôt celle de l'air, l'hygrométrie, qui est déterminante. L'exploitation de nos bases de données nous permet de fixer un seuil pertinent de 70 % d'hygrométrie, en dessous duquel le risque d'échec est plus important.

Par ailleurs, un autre critère est prépondérant pour le succès des produits foliaires : le stade des adventices. Il est impératif d'intervenir sur des stades très jeunes, 2-3 feuilles maximum pour bénéficier de l'efficacité de ces produits.

Comment désherber avec moins d'herbicides

Trois types de stratégies mixtes

Comme évoqué dans l'encadré p. 24, Arvalis-Institut du végétal a intensifié ses travaux sur la recherche de solutions de désherbage permettant de réduire le recours aux herbicides. Pour cela, nous avons travaillé plusieurs approches faisant intervenir le désherbage mécanique. Pour le maïs, on identifie trois stratégies.

On peut en effet introduire un binage en post-levée après un herbicide chimique de pré-levée, que ce dernier soit appliqué en plein sur toute la parcelle ou localisé sur le rang de maïs.

Le binage peut aussi intervenir suite à un premier traitement chimique de post-levée.

Enfin, il est possible d'intervenir mécaniquement de façon très précoce sur la culture, avant la levée, avec une houe rotative ou une herse étrille. Le rattrapage se fait alors chimiquement.

Avantage au binage de post-levée

Les résultats des différents essais conduits sur cette thématique montre que l'option « binage », après une pré-levée ou une post-levée chimique, semble plus fiable que l'intervention mécanique précoce avec herse ou houe. Le binage s'effectue alors entre 3 et 7 feuilles du maïs, selon le stade de l'intervention chimique préalable.

La question des vivaces

Il convient toutefois d'être particulièrement vigilant sur les parcelles présentant une forte infestation en vivaces et notamment en liseron. En effet, chaque intervention mécanique revient à sectionner les rhizomes de la vivace et chaque portion de rhizome va donner naissance à une nouvelle plante. Ainsi, le désherbage mécanique conduit à accélérer la multiplication végétative des populations de vivaces, ce qui est contraire à l'objectif même du désherbage.

Bilan agronomique

Arvalis-Institut du végétal a publié au Columa 2007 une synthèse comparant différentes approches du désherbage du maïs, du chimique conventionnel au tout mécanique, en passant par différentes combinaisons possibles « chimiques + mécanique » (Phytoma n° 603). La comparaison porte à la fois sur l'efficacité des stratégies et sur les contraintes de mise en œuvre.

La principale conclusion à retenir est qu'il est possible de désherber un maïs en réduisant le recours aux herbicides, mais jamais sans contrepartie. En effet l'introduction de techniques de désherbage mécanique nécessite d'effectuer au minimum 2 voire plutôt 3 passages pour obtenir une efficacité comparable à un désherbage chimique conventionnel.

Par ailleurs, le résultat du désherbage est souvent moins fiable, ce qui signifie que le risque d'échec est plus grand.

Cela s'explique par le fait que les interventions mécaniques sont plus exigeantes vis-à-vis des conditions agro-météorologiques pour leur mise en œuvre. Le nombre de jours disponibles est donc plus faible pour une intervention mécanique que pour une intervention chimique (rappelons qu'il s'agit du nombre de jours, durant la période de désherbage du maïs, réunissant les conditions favorables à une bonne efficacité de l'intervention), alors que le temps de travail est plus élevé avec le désherbage mécanique.

Bilan environnemental

La consommation d'herbicides est diminuée avec l'introduction du désherbage mécanique par rapport à un désherbage conventionnel. Dans les situations où un diagnostic approprié, basé sur la démarche CORPEN (outil Aquaplaine proposé par Arvalis-Institut du végétal), a permis de mettre en évidence un risque d'entraînement des produits vers la ressource en eau, le recours au désherbage mixte peut apparaître comme une des solutions pertinentes.

Si on considère la consommation énergétique, une intervention mécanique est plus consommatrice qu'une intervention chimique. Toutefois, il faut y soustraire la consommation nécessaire pour la fabrication des herbicides dont l'utilisation est réduite. Le bilan global reste à faire.

Et bilan économique

Enfin, le coût d'une intervention mécanique est plus faible que celui d'une intervention chimique notamment parce qu'il y a le coût des produits à soustraire. Mais comme il faut multiplier le nombre d'interventions pour une efficacité comparable, il n'y a pas grande économie à attendre. Ainsi, une éventuelle baisse de rendement du maïs (ou de la culture suivante en cas de salissement important de la parcelle) ne sera pas compensée par une diminution de coût de production.

De ce fait, et à moins de mesures incitatives significatives, cette méthode alternative qu'est le désherbage mécanique du maïs ne se développera que si ses résultats techniques sont acceptables.

Ce à quoi Arvalis-Institut du végétal travaille.

Demain, désherber davantage après semis précoces

Rappelons que le maïs est une culture pour laquelle le désherbage est indispensable. C'est un point crucial de l'itinéraire technique pour la réussite de la production et ce d'autant plus que la généralisation progressive des semis précoces complique encore la donne.

En effet, le temps d'installation de la culture devient plus long et les gabarits de maïs sont plus compacts laissant entrer la lumière plus durablement entre les rangs ce qui augmente la durée de compétition des adventices. Ainsi, il est indispensable d'avoir une protection plus longue face aux levées d'adventices. Par ailleurs, l'avancée des semis favorise une nouvelle flore, plus printanière, avec notamment des dicotylédones telles que les véroniques, linaires et autres pensées...

Parallèlement, ces dernières années, plusieurs nouveautés herbicides sont venues augmenter la panoplie des solutions disponibles, notamment en post-levée. Elles offrent ainsi de réelles possibilités pour l'optimisation des solutions de désherbage du maïs.

<p>* Arvalis-Institut du végétal - 21, chemin de Pau 64121 Montardon. v.bibard@arvalisinstitutduvegetal.fr</p>

Arvalis et le désherbage du maïs

Les informations sur lesquelles se base cet article sont issues de nombreux essais, comme les préconisations d'Arvalis-Institut du végétal en général du reste.

Concernant le désherbage du maïs, nous conduisons chaque année depuis dix ans entre 100 et 150 essais sur le sujet de façon à couvrir une grande diversité de situations dans toutes les zones de production de maïs. La plupart de ces essais sont réalisés avec des partenaires régionaux tels que des chambres d'agriculture, des organismes économiques et toute autre structure de conseil agricole de bonne volonté.

Il y a 10 ans, l'objectif de ces réseaux d'essais était de suivre le comportement des stratégies de désherbage sans atrazine pour voir comment elles allaient devoir évoluer. Puis nous avons axé les travaux vers la recherche de solutions efficaces face aux nouvelles espèces d'adventices jusqu'alors sensibles à l'atrazine et devenues compliquées à contrôler dans les maïs.

Les thèmes travaillés dans nos essais évoluent avec l'actualité. Ainsi, ces dernières années, nous avons orienté une partie de nos travaux vers la recherche de solutions de désherbage permettant de réduire le recours aux herbicides tout en conservant une efficacité suffisante sur la diversité des flores.

Par ailleurs ces essais nous servent également de support pour évaluer les innovations herbicides.

Résumé

Cet article, basé sur des références issues du réseau d'essais d'Arvalis-Institut du végétal, fait le point de la situation du désherbage du maïs en France aujourd'hui.

Après avoir rappelé les raisons de désherber le maïs, il présente la flore adventice de cette culture et son évolution lors de la dernière décennie, ainsi que les quatre grands types de stratégies de désherbage possibles.

Il donne les critères de choix des herbicides en fonction de la flore dominante de la parcelle et insiste sur l'importance des conditions de mise en œuvre de ces produits (humidité du sol, hygrométrie de l'air, stade des adventices...)

Il évoque, pour le grand type de stratégie dit « mixte » (associant les herbicides au désherbage mécanique dans le but de réduire l'utilisation des premiers), trois types de stratégies. Il fait la synthèse de leurs efficacités agronomiques (il y a des différences entre stratégies), leurs contraintes de mise en œuvre et leur bilan.

Mots-clés : maïs, adventices, flore dominante, désherbage, herbicides, binage, stratégies, Arvalis-Institut du végétal.

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