Retour

imprimer l'article Imprimer

Actus - Réglementation

MALADIES PROFESSIONNELLES PARKINSON ET CANCER, PESTICIDES AU TABLEAU

Phytoma - n°654 - mai 2012 - page 4

DÉCRET N° 2012-665 DU 4 MAI 2012, JORF DU 6 MAI. ANNEXE II , LIVRE VII DU CODE RURAL ET DE LA PÊCHE MARITIME. ANNEXE II DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE.

Depuis le 7 de ce mois de mai, date d'entrée en vigueur d'un décret du 4 publié le 6, la maladie de Parkinson peut être reconnue, en agriculture et métiers assimilés, comme maladie professionnelle « provoquée par les pesticides ». Lesquels ? Par ailleurs, un type de cancer particulier peut être reconnu comme maladie professionnelle liée à une substance interdite comme pesticide phyto mais encore utilisée ailleurs. Quel cancer, quel produit ? Réponses.

Le décret daté du 4 mai ajoute un « tableau 58 » aux « tableaux des maladies professionnelles en agriculture ». Chacun de ces tableaux annexés au Code rural cite une (des) affection(s), le(s) facteur(s) responsable(s), les travaux susceptibles de les provoquer et les délais de prise en charge. Précision : ces tableaux concernent les professionnels assujettis au régime agricole (MSA) ; pour les personnes assujetties au régime général, les tableaux des maladies professionnelles sont annexés au Code de la Sécurité sociale.

Parkinson : produits phytos mais pas seulement

Point important à noter : ce tableau 58 ne concerne pas seulement l'application de produits phytos agricoles.

Rappelons que ces produits, dont la majorité (mais pas la totalité) sont des pesticides, voient leurs autorisations gérées par le ministère chargé de l'agriculture dans le cadre du règlement européen n° 1107/2009(1). Or, une note annexée au tableau 58 précise que le terme de « pesticides » désigne en l'occurrence :

– les produits phytos agricoles, mais aussi ceux destinés aux ZNA, zones non agricoles (même cadre légal)...

– les produits légalement classés « biocides » comme les désinfectants de locaux ou de matériel, dont les autorisations sont gérées par le ministère chargé de l'environnement dans le cadre de la directive européenne n° 98/8...

– et les « antiparasitaires vétérinaires ».

Et ceci, que ces produits « soient autorisés ou non au moment de la demande ».

En revanche, le tableau 58 ne désigne pas de substances ou de familles chimiques en particulier.

Pourtant les pesticides sont très variés, aussi bien les phytos que les autres, et n'ont pas tous les mêmes effets.

Ainsi une étude épidémiologique américaine publiée en 2011(2) a pointé une augmentation du risque en cas d'exposition à l'herbicide chimique paraquat et à l'insecticide biologique roténone, tous deux interdits d'emploi en France respectivement depuis 2007 et 2011.

D'autres travaux ont montré que l'on peut induire des troubles de type parkinsoniens par exposition à certains neurotoxiques.

Quel type de travaux pour l'exposition ?

Revenons au tableau 58. Il précise que les travaux « susceptibles de provoquer cette maladie » sont « la manipulation et l'emploi des produits », mais aussi le « contact avec les cultures, les surfaces, les animaux traités » ainsi que « l'entretien des machines destinées à l'application des pesticides ». Ces machines sont aussi bien les pulvérisateurs et autres matériels de traitement en végétation (poudreuse, microgranulateur, etc.) que les appareils de traitement de semences ou plants et tout équipement destiné à appliquer des désinfectants.

Durée et délais

Important : pour que l'affection puisse être reconnue, il faut que l'exposition ait duré au moins dix ans.

Par ailleurs le délai de prise en charge est d'un an. Autrement dit, la maladie doit avoir été diagnostiquée dans un délai inférieur ou égal à un an après la fin de l'exposition aux pesticides en question.

En tout cas, c'est la première fois que la maladie de Parkinson est reconnue comme maladie professionnelle agricole.

Formol et cancer

Le décret crée aussi un tableau 28bis reconnaissant une forme précise de cancer, le « carcinome du nasopharynx », comme pouvant être provoqué par « l'aldéhyde formique et ses polymères ». La maladie était déjà reconnue dans le régime général (Tableau 43bis de ce régime).

Il faut dire que l'aldéhyde formique, dit aussi formaldéhyde ou méthanal ou, pour le grand public, formol, est classé depuis 2004 par le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer, alias IARC, International Agency for Research on Cancer) comme cancérogène certain (« groupe 1 »).

Le délai de prise en charge est de 40 ans, sans durée d'exposition minimum en agriculture.

Pour les personnes relevant du régime agricole, le formaldéhyde n'est plus autorisé comme produit phyto suite à une décision européenne de 2007(3), mais est encore utilisé comme biocide. Le tableau 28bis le cite pour des « opérations de désinfection » (il y a du formaldéhyde dans des désinfectants pour locaux d'élevage et de stockage et pour du matériel), de « préparation des couches dans les champignonnières », de « traitement des peaux » et de « travaux en laboratoire ».

Hors de l'agriculture, les usages possibles sont nombreux, même s'il semble que l'on s'achemine vers une interdiction.

Certains pesticides... et d'autres produits

Reste une question : est-ce la première fois qu'un ou des pesticides phytos peuvent être reconnus comme responsables d'une maladie professionnelle agricole ?

La réponse est non : dans les autres tableaux, certaines affections étaient déjà reconnues comme pouvant être liées à de tels produits. Mais, pour un tableau donné, les produits phytos ne sont souvent qu'une des causes possibles. En lisant le Code rural et celui de la Sécurité sociale, on découvre la variété des usages concernés.

Deux exemples :

– cancers liés à l'arsenic et ses composés minéraux, utilisés en « traitements anti-cryptogamiques de la vigne » à l'arsenite de soude, cancérogène certain interdit depuis 2001 (Tableau 10 du régime agricole) et auparavant dans des arséniates de plomb(4), mais aussi dans la fabrication des produits phytos, le « travail du cuir, en verrerie, en électronique », des travaux miniers, etc. (Tableaux 20, 20bis et 20ter du régime général) ; le délai de prise en charge est de 40 ans ;

– hémopathies (maladies du sang) notamment leucémies et syndromes myélo-prolifératifs, causées par le benzène (Tableaux 19 du régime agricole et 4 du régime général) ; ce cancérogène certain n'est plus un co-formulant de produits phytos même si on peut en trouver des traces (la loi limite son taux à 0,1 % depuis 1993) ; il est utilisé dans l'industrie comme intermédiaire de fabrication de divers produits (ex. « dissolvant de résines naturelles ou synthétiques », Tableau 4) et, plus grand public, dans les « carburants contenant du benzène » (Tableau 4) à un taux ne devant pas dépasser 1 % aujourd'hui mais qui pouvait atteindre 5 % jusqu'en 2000(5). Délai de prise en charge : 15 ans (agriculture) ou 20 ans (ailleurs).

<p>(1) Qui a remplacé, le 14 juin 2011, la directive 91/414 entrée en vigueur en juillet 1993 (avant cela, il y avait une réglementation en France sans cadre européen).</p> <p>(2) Tanner C. M. <b>&amp; al.</b>, 2011 – Rotenone, paraquat and Parkinson's disease. <i>Environ Health Perspect</i> 2011, Juin ; 119(6) : 886-872.</p> <p>(3) Décision n° 2007/442/CE du 21 juin 2007, publiée au JOUE du 28 juin ; elle concerne une bonne centaine de substances, dont le formaldéhyde.</p> <p>(4) On trouve des produits à l'arséniate de plomb dans l'<i>Index phytosanitaire</i> 1972, à jour au 1er juin 1972. En revanche ils ont disparu de l'<i>Index</i> 1974, édité en octobre 1974, signe de leur retrait du marché entretemps.</p> <p>(5) Source : Fiche toxicologique Benzène de l'INRS (Institut national de recherche et de sécurité), référence FT 49, mise à jour 2011. Accès libre sur le net.</p>

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :