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Les phytoséiides dans les vergers français de fruits à noyau et à coque

MARIE-STÉPHANE TIXIER*, IVSON LOPES*, GUY BLANC**, JEAN-LUC DEDIEU** ET SERGE KREITER* - Phytoma - n°663 - avril 2013 - page 9

Comptages, suite. Moins complets que pour les pommiers dans Phytoma de mars dernier, ce sont les tout premiers résultats sur les Phytoseiidae présents dans les autres vergers.

Les acariens de la famille des Phytoseiidae sont connus pour l'activité prédatrice de certaines espèces vis-à-vis de différents ravageurs des cultures, ceci à partir de populations présentes et sans réalisation de lâchers.

Mais, autant on les connaît bien sur vigne et de mieux en mieux sur pommier, autant on en savait peu sur la situation dans les autres vergers. Une enquête menée en 2012 lève le voile sur sept espèces fruitières.

Pourquoi avoir mené cette enquête

Alliés « spontanés »

Prédateurs polyphages, les Phytoseiidae sont naturellement présents dans les agrosystèmes même lorsque leurs proies préférentielles sont en faibles quantités ou absentes. Ils constituent de réels alliés pour lutter contre les ravageurs, car en étant efficaces et naturellement présents dans les parcelles, ils évitent les pullulations d'acariens (voire insectes) ravageurs à moindre coût pour les agriculteurs.

Cependant, chaque espèce de Phytoseiidae a ses propres attributs et exigences de développement. Ainsi, caractériser leur présence et leur diversité dans les agrosystèmes est indispensable pour mener à bien un contrôle biologique efficace.

Connaissances quasi-nulles

Les espèces de Phytoseiidae présentes dans les agrosystèmes pérennes sont assez bien connues dans les vignobles et dans les vergers de pommiers français. En revanche, les connaissances de cette faune auxiliaire dans les autres productions fruitières sont quasi-nulles. C'est pourquoi, en 2012, un inventaire des espèces de Phytoseiidae sur abricotier, cerisier, pêcher, noyer, noisetier, châtaignier et prunier a été initié et les premiers résultats sont présentés ici.

Comment et où prélever

72 parcelles de 7 espèces fruitières

Les échantillons ont été prélevés sur 72 parcelles dans plusieurs régions françaises de mai à septembre 2012 (Tableau 1).

Sept espèces fruitières ont été échantillonnées. Elles représentent neuf cultures différentes. En effet, on différencie le pêcher du nectarinier au sein de Prunus persica, et le prunier d'Ente du prunier chez Prunus domestica.

Prélèvements et identification

Dans chacune des parcelles, 50 feuilles ont été prélevées entre mai et septembre 2012. Chaque feuille a été observée séparément et tous les Phytoseiidae ont été comptabilisés et collectés. Les femelles ont été montées entre lame et lamelle dans du liquide de Hoyer.

Elles ont été ensuite identifiées à l'aide d'un microscope à contraste de phase, en utilisant la bibliographie adéquate pour chacun des genres rencontrés.

Résultats, globaux

Tendance par espèce végétale

Le tableau 2 montre le nombre de parcelles occupées par des Phytoseiidae. Toutes les parcelles échantillonnées ne présentaient pas de Phytoseiidae : on n'en a trouvé aucun dans certaines parcelles de chataîgnier, noyer, pêcher, nectarinier et prunier. En revanche, toutes les parcelles d'abricotier, cerisier, noisetier et prunier d'Ente abritaient des Phytoseiidae.

Les taux d'occupation sont élevés, excepté pour le pêcher au sens large (pêche et nectarine). Cette espèce végétale présente des feuilles très glabres et fines, ce qui pourrait expliquer une présence moindre de Phytoseiidae sur ces arbres. Cependant, d'autres facteurs comme les traitements phytosanitaires pourraient aussi être des éléments d'explication.

Les quatre parcelles de nectarines sans Phytoseiidae se trouvent dans la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA) et sont plantées avec des variétés différentes. Les parcelles de pêcher sans Phytoseiidae, également plantées avec des variétés différentes, sont localisées dans des régions différentes.

Le nombre de parcelles de noyer occupées par des Phytoseiidae est également faible. Cependant il est difficile de conclure vu le faible nombre de parcelles considéré (deux).

Des effectifs de Phytoseiidae assez variables

Les effectifs de Phytoseiidae sont assez variables d'une espèce végétale à l'autre et même à l'intérieur d'une espèce végétale. Ainsi, des parcelles avec des effectifs faibles ont été observées pour toutes les spéculations, excepté pour le noyer (mais une seule parcelle a été considérée) et le noisetier.

De même, des effectifs importants ont été observés pour la majorité des espèces végétales, excepté pour le pêcher et dans une moindre mesure pour le prunier.

Même sur abricotier, qui présente des feuilles glabres, les effectifs étaient supérieurs à 0,2 Phytoseiidae/feuille dans deux parcelles sur les trois observées (Tableau 3).

Douze espèces dont trois principales

Douze espèces de Phytoseiidae ont été identifiées.

L'espèce majoritairement observée, toutes spéculations et régions confondues, était Amblyseius andersoni (Chant) (50 % des individus trouvés). Cette espèce a été trouvée sur 7 cultures fruitières (5 espèces végétales) et dans 3 des 5 régions considérées. Il semblerait qu'A. andersoni, en pleine expansion dans les vergers de pommiers en France, colonise aussi d'autres spéculations fruitières de façon assez généralisée.

La deuxième espèce la plus observée était Euseius finlandicus (Oudemans) (13 % des individus trouvés), trouvée dans 4 spéculations. Cette espèce est présente dans 4 des 5 régions échantillonnées (pas Languedoc-Roussillon).

La troisième espèce la plus abondante est Typhlodromus (Typhlodromus) pyri Scheuten. Elle représente 8,4 % des individus échantillonnés dans toute l'étude et était présente sur 5 cultures (4 espèces végétales) dans uniquement deux régions.

Les autres espèces sont soit importantes dans une seule culture, soit trouvées très occasionnellement.

Les espèces rencontrées varient en fonction des cultures ; c'est pourquoi une présentation culture par culture est proposée.

Résultats culture par culture

Abricotiers, premier signalement d'A. andersoni

Dans les trois parcelles d'abricotiers situées en région Rhône- Alpes, l'espèce très largement majoritaire était Amblyseius andersoni. Un seul individu de T. pyri a été observé.

La présence de Phytoseiidae sur abricotier est très peu étudiée ; c'est la première fois que A. andersoni est reportée sur cette culture, alors que T. pyri a été observé sur abricotier en Ukraine.

Cerisier, première pour A. andersoni mais à confirmer, compter avec E. finlandicus

Six espèces de Phytoseiidae ont été observées sur cerisier, pour huit parcelles étudiées (Figure 1).

L'espèce majoritaire était A. andersoni suivie d'Euseius finlandicus et de T. pyri. Les trois autres espèces [Kampimodromus aberrans (Oudemans), Euseius gallicus Kreiter et Tixier et Paraseiulus triporus (Chant & Yoshida-Shaul)] n'ont été observées que sporadiquement.

Les espèces rencontrées diffèrent dans les deux régions échantillonnées.

En région PACA, seulement deux espèces ont été trouvées, l'espèce très largement majoritaire étant Euseius finlandicus ; un seul individu d'A. andersoni a été observé. E. finlandicus a été observée dans les trois parcelles.

En région Rhône-Alpes, six espèces ont été observées, l'espèce majoritaire étant A. andersoni, suivie de T. pyri. En fait, A. andersoni n'était présent que dans deux parcelles sur cinq, T. pyri dans également deux parcelles sur cinq et enfin E. finlandicus dans une seule parcelle. La dominance d'A. andersoni est donc uniquement liée aux effectifs importants trouvés dans seulement deux parcelles.

Il est intéressant de noter que dans les parcelles avec A. andersoni, ni T. pyri ni E. finlandicus n'ont été observées et vice versa.

Les espèces de Phytoseiidae généralement rencontrées sur cerisier appartiennent au genre Euseius (comme E. finlandicus, E. gallicus). La présence de A. andersoni était donc inattendue et il est à noter que c'est la première fois que cette espèce est signalée sur cerisier. Cependant, A. andersoni n'était vraiment dominante que dans deux parcelles sur huit ! Davantage d'échantillonnages sont donc nécessaires pour confirmer la colonisation des vergers de cerisiers par A. andersoni.

Châtaignier, E. finlandicus majoritaire

Trois espèces de Phytoseiidae ont été observées sur châtaigniers (quatre parcelles occupées en région Aquitaine).

L'espèce majoritaire rencontrée était Euseius finlandicus. Les deux autres espèces, Neoseiulus californicus (McGregor) et Neoseiulella tiliarum (Oudemans), n'ont été trouvées que sporadiquement. Ces résultats sont assez conformes à ce qui est signalé dans la littérature ; c'est cependant la première fois que N. californicus est observée sur châtaignier.

Nectarine et pêcher, A. andersoni comme attendu

Amblyseius andersoni est l'espèce majoritairement trouvée sur ces cultures (huit parcelles occupées). Dans les sept parcelles où on a trouvé des Phytoseiidae en région PACA, c'était même la seule espèce présente. En revanche, dans l'unique parcelle en région Languedoc-Roussillon où on a trouvé ces acariens, il s'agit de l'espèce N. californicus pour... un seul et unique individu ! Ces deux espèces sont fréquemment observées sur pêchers en Europe.

Noisetier, les attendus N. tiliarum et K. corylosus

Cinq espèces de Phytoseiidae ont été observées dans les quatre parcelles étudiées (Figure 2).

Neoseiulella tiliarum était majoritaire, suivie de Kampimodromus corylosus Kolodochka et T. pyri. Cette dernière espèce n'a cependant été observée que dans un seul verger (avec K. aberrans) en région Midi-Pyrénées.

Kampimodromus aberrans et A. andersoni ont été observées mais de façon très sporadique (1 individu de chaque espèce).

Il est intéressant de noter que K. corylosus et N. tiliarum ont été observées dans les mêmes parcelles et qu'elles étaient majoritaires aussi bien en Midi-Pyrénées qu'en Aquitaine. Ces deux dernières espèces sont très fréquemment signalées des noisetiers en Europe.

Noyer, E. finlandicus dans une parcelle

Dans l'unique parcelle dans laquelle on a observé des Phytoseiidae, une seule espèce, E. finlandicus, était présente en quantité importante. Il est assez habituel de la trouver sur noyer.

Prunier d'Ente, diversité dont d'abord A. andersoni et P. horridus puis T. pyri

Sur les 25 parcelles de prunier d'Ente échantillonnées en région Midi-Pyrénées (département du Lot-et-Garonne), huit espèces de Phytoseiidae ont été rencontrées (Figure 3). Il faut donc tout d'abord souligner cette diversité importante. L'espèce la plus abondamment observée était A. andersoni, suivie de Phytoseius horridus Ribaga et dans une moindre mesure de T. pyri. Les cinq autres espèces n'ont été trouvées que sporadiquement.

Amblyseius andersoni a été observée dans 22 parcelles sur 25, P. horridus dans 14 sur 25 et T. pyri dans 4 sur 25.

Dans 7 parcelles, A. andersoni était la seule espèce présente. On l'a plus souvent trouvée conjointement avec P. horridus. Dans la majorité des parcelles, les effectifs d'A. andersoni étaient supérieurs à ceux de P. horridus. Cependant, dans quelques parcelles, ces deux espèces étaient en effectifs égaux et, dans une parcelle, P. horridus était l'unique espèce observée.

Typhlodromus pyri était également présente dans les mêmes parcelles qu'A. andersoni, excepté dans une parcelle dans laquelle elle a été observée avec E. finlandicus.

La présence d'A. andersoni sur Prunus domestica a été signalée de Slovaquie. Ce n'est cependant pas l'espèce que l'on rencontre majoritairement dans la littérature.

De même, P. horridus est très rarement observée dans les parcelles cultivées et n'avait jamais été signalée sur pruniers. C'est une espèce plutôt rencontrée dans le sud de l'Europe et sur différentes plantes et arbustes. Sa biologie est inconnue.

Prunier, variations

Dans les parcelles de pruniers, quatre espèces de Phytoseiidae ont été identifiées.

L'espèce dont les effectifs sont majoritaires est A. andersoni suivie de N. californicus. Ces deux espèces étaient cependant absentes du verger de prunier échantillonné en Rhône-Alpes, dans lequel la seule espèce trouvée était T. pyri.

De plus, il est à souligner qu'alors qu'A. andersoni était présente dans les 6 parcelles échantillonnées en région Midi-Pyrénées, N. californicus n'était présente que dans une seule parcelle et un seul individu de P. horridus a pu être observé.

Conclusion

Diversité entre régions et cultures

Le tableau 4 résume les résultats de l'inventaire des principales espèces de Phytoseiidae identifiées dans les vergers des productions fruitières étudiées. Les espèces de Phytoseiidae varient en fonction des espèces végétales et, parfois, des régions dans lesquelles les échantillonnages ont été réalisés.

Amblyseius andersoni domine sur abricotier et cerisier en région Rhône-Alpes. Mais sur cerisier en région PACA, c'est E. finlandicus qui est principalement observée.

Sur pêcher (et nectarine), A. andersoni domine en PACA mais, en Languedoc-Roussillon, cette espèce était absente de l'unique parcelle échantillonnée.

Sur noisetier, les deux mêmes espèces dominent dans les deux régions échantillonnées (N. tiliarum et K. corylosus).

Enfin sur prunier et prunier d'Ente, A. andersoni domine dans la région Midi-Pyrénées alors que dans la seule parcelle échantillonnée en Rhône-Alpes, c'est T. pyri qui était uniquement présente. De plus, P. horridus a été retrouvée de façon abondante sur prunier d'Ente.

Certains résultats sont inattendus

Certains de ces résultats étaient assez attendus, il s'agit de la présence de E. finlandicus sur cerisier, châtaignier et noyer, de K. corylosus et N. tiliarum sur noisetier. En revanche, d'autres résultats sont plus inattendus.

Il s'agit tout d'abord de la présence abondante d'A. andersoni sur cerisier, pêcher, abricotier et prunier. Il semble que tout comme ce qui a été observé dans les vergers de pommiers, cette espèce colonise d'autres espèces fruitières et plus particulièrement en régions Midi-Pyrénées et Provence-Alpes-Côte-d'Azur.

Les changements de pratiques culturales pourraient expliquer cette recrudescence. Mais le nombre de parcelles étudiées doit être plus important pour pouvoir conclure.

Enfin, la présence de P. horridus est un autre résultat inattendu. L'espèce est assez rare, pratiquement jamais signalée dans les parcelles cultivées. Des bryobes ayant été observés dans ces mêmes vergers, la présence abondante de P. horridus pourrait être liée à la présence de ces tétranyques, proies potentielles. Mais il n'est pas possible de soutenir l'hypothèse : rien n'est connu sur la biologie de P. horridus.

Premier aperçu réalisé

Ces travaux ont permis de dresser un premier aperçu des espèces de Phytoeiidae présentes dans les vergers français de fruits à noyau et à coque. Le nombre de parcelles (par spéculation fruitière) n'est cependant pas encore suffisant pour proposer une cartographie complète et représentative des espèces de Phytoseiidae, telle que nous l'avons fait pour le pommier.

Des travaux complémentaires sont envisagés pour compléter cet inventaire et confirmer les tendances émises.

<p>Remerciements : À l'ensemble des techniciens régionaux de Bayer, ainsi qu'à tous les agriculteurs et les acteurs techniques ayant participé à l'échantillonnage des parcelles et à l'envoi des échantillons, sans lesquels aucune étude n'aurait été possible.</p>

Tableau 1 - Espèces fruitières étudiées, nombre de parcelles échantillonnées et régions considérées.

Tableau 2 - Nombre de parcelles échantillonnées, dont celles présentant une occupation par au moins un Phytoseiidae.

Tableau 3 - Effectifs de Phytoseiidae observés dans les parcelles des différentes espèces fruitières trouvées occupées par ces acariens.

Fig. 1 : Cerisier, résultats de 8 parcelles.

Espèces de Phytoseiidae (%) échantillonnées sur cerisier en France en 2012. Premier signalement d'A. andersoni sur cette culture.

Fig. 2 : Noisetier, résultats sur 4 parcelles.

Espèces de Phytoseiidae (%) sur noisetier dans la région Midi- Pyrénées. Une faune à part, avec dominance de N. tiliarum suivie de K. corylosus.

Fig. 3 : Prunier d'Ente, les 25 parcelles.

Espèces de Phytoseiidae observées sur pruniers d'Ente de la région Midi-Pyrénées. Nette dominance d'A. andersoni dans cette culture.

Tableau 4 - Synthèse de la prépondérance des espèces principalement observées dans les vergers échantillonnés en 2012. (***) dominant (**) abondant (*) moyennement abondant

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RÉSUMÉ

- CONTEXTE : Les Phytoseiidae sont des ennemis naturels de ravageurs bien connus et naturellement présents dans les agrosystèmes. Plusieurs espèces permettent un contrôle biologique des acariens phytophages. La connaissance des espèces présentes dans les parcelles est requise car chacune a ses spécificités. Or, la connaissance des espèces de Phytoseiidae dans les vergers français de fruits à noyau et à coque était quasi-nulle.

- ÉTUDE : L'objectif de cette étude était donc d'inventorier les espèces de Phytoseiidae dans 9 productions (7 espèces) fruitières de cing régions administratives françaises.

- RÉSULTATS : Les espèces diffèrent selon les spéculations. Comme attendu, Euseius finlandicus a été observée sur cerisier, châtaignier et noyer et Kampimodromus corylosus et Neoseiulella tiliarum étaient majoritaires sur noisetier.

Cependant, de façon surprenante, A. andersoni a été l'espèce majoritairement observée, du fait de sa dominance sur prunier, pêcher, cerisier et abricotier.

Il semblerait que cette espèce, tout comme cela a été observé sur pommier, colonise les vergers français, notamment en régions Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Midi-Pyrénées. Cependant, des études supplémentaires sont nécessaires pour dresser une cartographie complète et pour confirmer ces tendances.

- MOTS-CLÉS : fruits à noyau, fruits à coque, prédateurs, lutte biologique, phytoséiides, distribution, échantillonnage.

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