Sur une des vignes du Bordelais, support de tests en 2013, un des ceps ayant subi un abroutissement par des cervidés. Après cela, on a pulvérisé le nouveau répulsif (en curatif, donc). Les repousses n'ont pas été touchées, signe d'efficacité du produit. Photo : P. Gaudin
4. M. Moulin, responsable de Ets Favart, à Arbis (33), a suivi les essais tel celui rapporté Tableau 1. Photo : P. Gaudin
6. Un de ces plants deux mois après (le 4 septembre). On voit encore le produit sur les feuilles déjà formées lors du traitement. Photo : P. Gaudin
Un nouveau répulsif d'origine naturelle est autorisé en France depuis le printemps dernier sous le n° d'AMM 2120057. Nommé Trico, ce produit de Kwizda à base de graisses de mouton est distribué par Solutions & Plants.
Ce qu'il faut en savoir, en général
Autorisations actuelles et recommandations
Pour l'instant, cette spécialité est autorisée comme répulsif contre les cervidés pour des applications par pulvérisation, d'une part sur arbres forestiers (feuillus et conifères) à 20 l/ha, d'autre part à 15 l/ha sur vigne et cultures annuelles : maïs, tournesol, soja et colza. Sur ces dernières, on peut l'appliquer jusqu'à quatre fois par an.
Sur vigne, on peut pulvériser le produit une ou deux fois par an. La période de traitement va du débourrement au stade BBCH 61, c'est-à-dire le début de la floraison.
Sur feuillus et conifères de forêt, l'application peut être réalisée une fois par an, et ceci en pépinière ou en plantation car la décision d'AMM ne précise rien à ce sujet.
Pour avoir une action répulsive supérieure à un mois, le fournisseur Kwizda, fort de plusieurs années d'utilisation du produit en Autriche, conseille une proportion de 10 l du produit pour 30 à 50 l d'eau. Il préconise de ne pas descendre sous une concentration de 20 % en Trico (soit 10 l du produit pour 50 l d'eau).
Classement très favorable, reconnu biocontrôle
Ce nouveau répulsif est « sans classement » toxicologique comme écotoxicologique, c'est le classement le plus favorable possible.
Comme il est, en plus, d'origine naturelle, le produit est porté sur la liste Nodu vert biocontrôle 2013. Il n'est donc pas comptabilisé dans les calculs du Nodu (nombre de doses-unités) et de l'IFT (indice de fréquence de traitement) des spécialités dont il faut faire reculer l'utilisation dans le cadre du plan Ecophyto. Au contraire, il fait partie des produits de biocontrôle recommandés dans le cadre de ce plan.
Il est efficace, les utilisateurs du produit en Autriche depuis des années le savent bien. En France, les tests réalisés en 2013 sur vigne comme sur arbres forestiers le confirment. Nous les présentons ici.
Précision : vu le type de produit et le mode d'application autorisés, il s'agit de tests grandeur nature sans répétition ni témoin adjacent. De ce fait, il n'y a pas d'analyse statistique des résultats.
Résultats sur vigne
Expérimentation grandeur nature en vignoble de Cognac
Dans le vignoble de Cognac (département de la Charente), les dégâts de chevreuil sont croissants chaque année malgré les prélèvements des chasseurs.
En lien avec la Fédération de chasse de la Charente, le nouveau répulsif a été testé sur vignes installées chez plusieurs viticulteurs suivis par M. Gervais, du service technique et MM. Pelletier et Mappa, du service développement de la Fédération de chasse. Les traitements ont été faits par pulvérisation sur deux ou trois rangs de vigne en bords de parcelle. Ils ont été effectués dans des conditions difficiles : en curatif. Cela rend l'effet répulsif plus difficile, d'autant que la pluviométrie mensuelle était supérieure à 100 mm !
Les retours sont satisfaisants : la persistance d'action est suffisante à la dose de 10 l du produit associé à un maximum de 30 à 50 l d'eau. L'Encadré 1 rapporte le témoignage de MM. Bordier et Subin (photos 2 et 3) des Ets Subin.
Nous avons mis en place courant janvier un plan d'action pour les utilisations de printemps 2014 avec un protocole précis.
Nous allons travailler également le positionnement de la méthode avec diffuseur, une nouvelle piste intéressante.
Évaluation dans le Bordelais sur vigne installée
Le vignoble bordelais, notamment l'Entre-Deux-Mers, est très touché par les dégâts de chevreuil, et certaines parcelles sont chaque année condamnées. M. Moulin (photo 4), responsable de Ets Favart, à Arbis (33), y a effectué un gros travail de conseil et développement autour de ce produit.
Le répulsif a été préconisé en pulvérisation, dès les premières attaques. Il a donc été appliqué en curatif. La forte pluviométrie a gêné les interventions mais montré la bonne persistance du produit (photo 1 p. 43).
Le Tableau 1 correspond à une parcelle systématiquement détruite pour partie tous les ans (viticulteur : M. Garandeau, à Baigneaux). L'application du produit en curatif a bien fonctionné durant 40 jours : application le 25 avril, premier retour des animaux vers le 10 juin.
Le 3 juillet 2013, des diffuseurs du produit ont été installés sur cette même parcelle. Au 3 septembre, aucune attaque d'animaux n'avait encore été constatée.
Évaluation du traitement sur plants
Dans le même vignoble, sur une parcelle plantée le 1er juillet 2013, les plants ont été au préalable pulvérisés au Trico pur (photo 5). Le 4 septembre, aucune attaque n'était constatée. Le produit était encore visible sur le feuillage (photo 6). La sélectivité a été parfaite malgré les fortes chaleurs de juillet.
Suivi de trois parcelles avec diffuseurs en protection préventive
Le produit agissant par son odeur, nous avons testé son utilisation à l'aide de diffuseurs (photo 7). L'expérimentation a été réalisée sur trois parcelles. Le protocole a consisté à installer un diffuseur à chaque bout de rang et un tous les 5/6 m sur le tour de la parcelle, soit environ 80 diffuseurs à l'hectare (photo 8). Aucune entrée ni aucun dégât d'animaux n'a été constaté sur ces trois parcelles, après deux mois de surveillance. Cette technique, plus pratique et économe en produit que la pulvérisation, va être mise en avant en 2014.
Résultats sur arbres forestiers
Tests en pépinière de feuillus en Charente
Dans les Charentes, la vigne n'est pas le seul végétal attaqué par les chevreuils. Les soucis d'abroutissement des végétaux ligneux en pépinières sont croissants depuis dix ans.
Le 21 mars 2013, le produit a été pulvérisé pur sur une parcelle sensible de pépinière arbustive de M. Daganaud. Le traitement a été réalisé en faisant le tour de la parcelle sur une largeur de 10 à 20 m et en insistant sur les bouts de rang (dose 5 ml par plant). Résultat : aucun dégât de chevreuil n'a été constaté, et ceci sans aucun souci de sélectivité (photo 9). Les animaux n'ont commencé à revenir qu'en septembre, soit une persistance de six mois.
M. Daganaud, en collaboration avec la Fédération de chasse, va développer Trico afin de limiter les dégâts : « Par son aspect pratique d'utilisation et son faible coût/ha par passage (80 à 100 euros), c'est une bonne alternative face à la protection mécanique coûteuse. »
Test en forêt de mélèze en Limousin
Ce répulsif a été testé sur une plantation de mélèzes limousine de 12 hectares (1 600 pieds/ha). Dans cette parcelle, les dégâts se faisaient d'habitude en sortie d'hiver, en frottis par le chevreuil. Les jeunes arbres étaient protégés par des piquets de fer.
Le produit a été appliqué en pulvérisant sur trois rangs les pourtours de la parcelle, soit environ un tiers de la parcelle (40 l de Trico) soit 6 à 8 000 plants (photo 10). Le résultat a été très satisfaisant.
M. Bouthillon, gestionnaire de forêt et référent auprès d'Unisylva (photo 11), estime le coût de l'opération à « 100 euros par hectare (passages compris) en travaillant sur le tiers de la surface ». Selon lui, l'application de ce produit « est de loin la méthode la moins coûteuse, en veillant à bien traiter les entrées ». Il compte désormais se passer des piquets de fer grâce à l'application du répulsif.
Test en forêt de mélèze dans l'Est
La coopérative Bois et Forêt de l'Est a effectué un test sur mélèzes développés de 1 m à 3 m en butte à de l'écorcage par des cerfs. À noter que la parcelle de 80 ares (environ 600 pieds) est encastrée dans une grande forêt, et donc très exposée.
Le produit a été pulvérisé en curatif, après constat de premiers dégâts début avril 2013, à une dose de 8 ml par plant.
Début septembre, soit cinq mois après l'application, aucun nouveau dégât n'était constaté, les animaux n'étaient pas revenus.
Test sur jeunes douglas dans l'Est
La même coopérative a testé le produit pour une application sur jeunes douglas, juste avant leur plantation en avril 2013 sur une parcelle de 1 ha incluse dans un parc boisé de 30 ha. Celui-ci accueille une population de chevreuils estimée à une vingtaine d'individus par le propriétaire.
Les 1 100 pieds de douglas en godets ont été traités individuellement par trempage de leur partie aérienne dans du Trico pur (5 ml/plant, photo 12).
Selon M. Jolissaint, technicien forestier de la coopérative (photo 13) : « Cinq mois après le traitement, aucun dégât n'a été constaté sur les douglas. Par contre, toutes les repousses de ronces, saules, trembles, noisetiers, hêtres et frênes présentes sont attaquées. »
Une deuxième application a été programmée en protection hivernale vu la forte pression des animaux. M. Jolissaint a référencé Trico et va développer cette technique sur ses plantations de résineux et de peupliers, soit par trempage des plants, soit par pulvérisation en pur.
<i>1 - Témoignage</i> en Cognac
MM. Bordier (photo 2), technicien, et Subin (photo 3), gérant des Ets Subin à Mesnac (Charente, Vignobles du Cognac), témoignent :
« Trente viticulteurs clients des Ets Subin ont testé Trico principalement en mai 2013. Le printemps frais et très pluvieux a retardé la végétation et augmenté les attaques de chevreuil.
Les utilisations du répulsif ont été faites essentiellement en curatif mais avec des pluies de 70 mm après traitement. Pour autant, la persistance d'action répulsive a été supérieure à un mois.
Les pulvérisations ont été pratiquées sur les rangs extérieurs de la parcelle avec une concentration de 20 à 50 %. Toutes les techniques de pulvérisation (pompe à dos/atomiseur/jets portés/panneaux) ont été pratiquées.
Pour toutes, le retour est très satisfaisant avec une parfaite sélectivité. Pour 2014, les interventions devront être plus préventives pour une meilleure protection/développement de la vigne, et nous comptons tripler son usage. »