Les dégâts de gibiers sont de plus en plus fréquents en viticulture, au point qu'ils peuvent nuire à la viabilité de certaines exploitations. À ce jour, la pose de clôtures électriques reste la solution la plus utilisée, car « la plus efficace. Mais leur mise en place et leur entretien sont coûteux et contraignants », souligne Alexandre Hote, jeune vigneron chargé des questions environnementales au sein de l'ODG Tavel, où les sangliers abondent. Récemment, de nouvelles solutions sont apparues, elles semblent satisfaire leurs premiers utilisateurs
Trico et Rep'Clac : Deux répulsifs efficaces contre les chevreuils
Trico, distribué par la société Solutions et plants, située dans le Calvados, est homologué depuis 2012. Il s'agit d'un répulsif 100 % naturel à base de graisse de mouton. Son prix est de 18 €/l, soit 225 €/ha. Rep'Clac, homologué depuis février 2011, est distribué par l'entreprise Protecta, basée dans le Vaucluse. Il est composé d'huile de poisson. Son prix est de 25,80 €/l ou de 93,60 euros pour cinq litres, soit entre 90,30 et 65,52 €/ha. Ces deux produits concentrés doivent être dilués dans de l'eau avant d'être pulvérisés sur les jeunes pousses.
Solutions et plants recommande deux applications maximum de Trico par saison, entre le stade trois feuilles et le début de la floraison, afin d'éviter tout impact négatif sur la qualité des vins. Pour renforcer son efficacité, le produit doit être appliqué avec un pulvérisateur à mains ou à panneaux récupérateurs. Aucun autre traitement ne doit être réalisé pendant une semaine avant et après.
En revanche, Protecta assure que Rep'Clac peut être administré par pulvérisation classique et à tous les stades végétatifs. La société suggère qu'il peut suffire de ne traiter que la périphérie des parcelles d'au moins quelques hectares. L'intervention a alors lieu sur une bande de 10 mètres de largeur tout autour des vignes concernées. Protecta n'a mené aucune étude concernant un éventuel délai entre l'application du produit et celles des traitements phytosanitaires traditionnels. Concernant les interrogations vis-à-vis de possibles modifications sensorielles des moûts ou vins, aucun essai ne permet d'y répondre, mais Protecta préconise un délai avant récolte de quatre à cinq semaines.
Les chevreuils stoppés net. Les deux distributeurs se rejoignent en recommandant l'emploi des deux produits seuls, par temps sec et lorsque la température est inférieure à 30°C. Si des précipitations sont attendues, il est fortement conseillé d'interrompre la pulvérisation afin de prévenir tout risque de lessivage. La persistance d'action est évaluée à quatre à six semaines pour Trico et à trois à cinq semaines pour Rep'Clac.
Daniel Bouillard, propriétaire du domaine du Puits faucon, à Burie (Charente-Maritime), a testé en 2013 ces deux produits sur des parcelles concernées depuis toujours par les dégâts de cervidés. « Trico et Rep'Clac ont montré une efficacité très satisfaisante, affirme-t-il. Les chevreuils avaient commencé à manger les jeunes pousses. L'application des produits à la dose conseillée par le fournisseur, soit 15 l/ha pour Trico et 3,5 l/ha pour Rep'Clac, les a stoppés net. J'ai réalisé la première en tout début de pousse avec des panneaux récupérateurs, permettant une bonne imprégnation du feuillage. J'ai renouvelé à la date indiquée, soit quatre à cinq semaines après ma première pulvérisation, mais je n'ai pas utilisé les panneaux récupérateurs ; l'efficacité a été moindre. » Comme il est conseillé de ne plus utiliser Trico à partir de la floraison, le Charentais a arrêté les applications pour les deux produits à ce stade. « Mais il n'y a pas eu de grande conséquence car, une fois la vigne bien développée, les chevreuils ne sont plus un problème chez moi. Cette année, je vais poursuivre les traitements avec Trico, car je l'avais placé sur une parcelle où la pression est la plus forte et j'en suis pleinement satisfait ».
Kryos : Une balise qui effraie tout gibier
Un nouveau système écologique antianimal nuisible a vu le jour : la balise Kryos, de la société Bestwarden, basée à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Ce dispositif émet des ultrasons et des sons simulant la présence de prédateurs : des cris de détresse de congénères et/ou des détonations. Selon Bestwarden, les animaux se sentant en danger quitteraient alors la zone, devenue inhospitalière. La société ajoute que les émissions sonores sont aléatoires et modulables en intensité et en fréquence, ce qui éviterait les effets d'accoutumance.
Autonome en énergie car 100 % solaire, l'entreprise assure que la balise ne demande aucune maintenance et peut protéger de 2 500 à 10 000 m² en fonction de la configuration du site.
Il est possible de sélectionner quatre animaux sur une balise, ce qui permet de s'adapter au besoin du moment : antilapins lors des plantations, anticervidés pendant la pousse des bourgeons et antisangliers et antioiseaux lors des récoltes. La balise Kryos peut fonctionner autant en mode jour qu'en mode nuit, selon l'espèce visée. Le prix de vente conseillé est de 1 488,50 euros. De nombreux accessoires sont disponibles en complément de gamme : détecteurs d'animaux, émetteurs olfactifs, liaison smartphone...
La commercialisation est essentiellement opérée par des distributeurs (JEP à Tavers, dans le Loiret, Racine à Brignoles, dans le Var...), mais il est également possible de passer directement par la société Bestwarden.
José Lievens, cogérant de Champagne Jacques Picard, à Berru (Marne), utilise la balise Kryos sur sa propriété depuis le mois de juillet dernier. « Nous l'avons d'abord placée sur une jeune vigne où nous avions déjà constaté des dégâts de lapin plus tôt en saison, rapporte-t-il. Je me suis basé sur l'observation des crottes fraîches dans la parcelle pour déterminer son efficacité. Au bout d'un mois et demi, il n'y en avait plus. Les cris de rapace envoyés par la balise ont provoqué un stress important sur ces nuisibles, entraînant leur déménagement de la zone. Il s'agit vraiment d'un outil bien adapté aux animaux grégaires, ayant le réflexe de mettre en place une protection par le groupe.»
Un outil qui a un prix. Mais cet aspect n'arrête pas le viticulteur. « Il est nécessaire de voir cet investissement sur le long terme, car il peut être étalé sur l'ensemble de l'exploitation, en fonction des dégâts, du nuisible et de la période, estime José Lievens. J'ai également pris en option le détecteur d'animaux qui se déclenche lors du passage d'un animal à une distance inférieure à 30 mètres. De plus, ce leurre s'adapte à une viticulture respectueuse de son environnement, car il n'y a aucune pollution chimique ou odorante. La seule limite serait le risque de nuisance sonore en cas de proximité avec des habitations. »
Fonctionnement autonome. Christine Fischer, gérante des Champagnes Moutaux, a elle aussi observé l'efficacité de la balise Kryos. « J'ai positionné la balise un peu tard en saison, c'est-à-dire à la mi-septembre. Les sangliers avaient déjà prélevé du raisin sur mes parcelles. Après avoir découvert leur itinéraire pour entrer dans les vignes, j'ai placé la balise ainsi que le détecteur. Après cela, j'ai noté une nette amélioration. Les prélèvements de raisins se sont arrêtés et je n'ai plus constaté de trace de leur passage. »
José Lievens note que la balise fonctionne de manière autonome et que, pendant la durée d'utilisation, il n'a eu aucune maintenance à effectuer. Christine Fischer n'a connu aucun problème durant le mois de fonctionnement mais juge que sa période d'utilisation réduite ne lui permet pas de se prononcer.