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Sur le métier

Éric Thouvenin, la logistique des auxiliaires

PAR CHANTAL URVOY - Phytoma - n°692 - mars 2016 - page 64

Directeur industriel de Biotop, Éric Thouvenin produit chaque année des trichogrammes pour protéger 120 000 hectares de maïs contre la pyrale, mais aussi des coccinelles et des punaises prédatrices. Une activité qui requiert la précision d'une montre suisse alliée à une haute sécurité industrielle pour maîtriser ce produit vivant et faire en sorte qu'il exprime sa pleine efficacité, au bon endroit et au bon moment.
 Photo : C. Urvoy

Photo : C. Urvoy

Après quelques années passées en qualité dans le domaine de la nutrition animale, Éric Thouvenin s'est orienté très vite vers la production, puis la direction d'usine dans ce même secteur, avant d'intégrer Biotop, producteur de solutions de biocontrôle. Quand on entend « Biotop », on pense « trichogrammes contre la pyrale du maïs ».

En effet, leur développement a constitué le point de départ de la création de la société à Valbonne en 1985. Depuis, l'entreprise a bien grandi. Elle compte aujourd'hui une quarantaine de salariés et deux sites : la R&D, à Valbonne, et la production, transférée à Livron-sur-Drôme en 2009 dans une nouvelle usine de 12 000 m2.

Elle se concentre toujours sur les trichogrammes mais également sur les prédateurs comme les coccinelles, les punaises et les acariens.

Anticiper la production

Une production bien orchestrée par Éric Thouvenin depuis 2011, mais pas simple à mettre en oeuvre. Il s'agit de manipuler du matériel vivant et donc de composer avec ses contraintes. En effet, les trichogrammes sont en général utilisés en juin-juillet contre la première génération de pyrale et fin juillet-début août contre la seconde, et ce sur 120 000 ha.

« Or il nous est impossible de produire les centaines de kilos de larves de trichogrammes nécessaires en une période tout aussi courte », fait remarquer Éric Thouvenin. Il faut donc anticiper ! Ce qui se révélerait facile à réaliser pour des produits chimiques l'est beaucoup moins avec des macro-organismes.

Contrôle qualité et diapause

« En octobre-novembre, des trichogrammes adultes sont placés dans des chambres climatisées en présence d'oeufs de papillon. Les femelles, qui pondent un seul oeuf par oeuf de papillon, peuvent en parasiter une soixantaine. »

Ensuite, pour se développer et durant ses stades larvaires, l'embryon de trichogramme se nourrit de l'oeuf de papillon. Ce dernier changera de couleur extérieure quand la larve, avant de passer au stade nymphe, produira un cocon noirâtre. C'est ce qui permet de faire la différence à l'oeil nu entre les oeufs parasités (noirâtres) et les autres.

« À ce stade, nous réalisons une mise en diapause lente par un procédé thermique confidentiel, poursuit Éric Thouvenin. Cette diapause, qui peut durer neuf mois, est indispensable car s'il nous faut seulement quelques jours pour produire un lot, cinq mois sont nécessaires pour obtenir la production de l'année. »

Des contrôles qualité sont régulièrement réalisés à toutes les étapes de diapause pour vérifier la stabilité biologique du produit.

Surveillance rapprochée

Mais pour maintenir la diapause, des mesures de surveillance draconiennes sont nécessaires pour éviter, par exemple, une panne d'électricité.

« L'usine dispose de deux groupes électrogènes qui nous assurent chacun six jours de fonctionnement et d'une salle de sécurité vide pour accueillir le stockage en cas de panne d'une salle de diapause. Toutes les salles sont sous alarme 24h/24, 7j/7. Sur les 85 salles de production, une quinzaine sont sensibles et nécessitent un contrôle de la température matin et soir, même le week-end. Pour les autres, ce sont des contrôles hebdomadaires. C'est là où la notion de "production industrielle" prend tout son sens. »

L'élevage d'auxiliaires demande en effet de la précision, une haute technicité et une attention permanente.

Une logistique en flux tendu

De mai à août, les larves de trichogrammes sont « réveillées » au fur et à mesure des commandes des clients. Elles sont doucement sorties de diapause selon une méthode qui permet une émergence en plusieurs vagues de sortie. Il faut en effet, dans chaque plaquette ou capsule de trichogrammes déposée dans le maïs, quatre stades différents pour couvrir toute la durée du vol de la pyrale. Les trichogrammes sont ensuite conditionnés en plaquette ou capsule dans la foulée, puis livrés aux distributeurs, soit dans un camion réfrigéré, soit en caisses isothermes. Les dates optimales de lâchers sont déterminées région par région par Biotop grâce à des modèles, puis transmises aux distributeurs afin qu'ils puissent organiser la logistique.

Les trichogrammes ne pouvant pas se conserver au-delà de quelques jours (leur développement se poursuit dans les plaquettes ou capsules), le distributeur doit en effet les transmettre immédiatement aux agriculteurs pour une application dans la journée.

En cas d'impossibilité d'application immédiate, le produit peut être conservé un à deux jours dans un endroit frais (cave ou bac à légumes du réfrigérateur), mais « plus ils sont appliqués rapidement, mieux c'est ! »

Buis, vigne et légumes

Parallèlement à la production des trichogrammes, il faut gérer celle des punaises prédatrices qui démarre en octobre pour une utilisation en novembre, et celle des coccinelles à partir de janvier pour un usage en mars. Pour l'avenir, plusieurs pistes d'évolution des trichogrammes pour le maïs sont dans les tuyaux, mais nous n'en saurons pas plus, confidentialité oblige !

« Nous sommes également bien avancés dans l'utilisation des trichogrammes pour lutter contre la pyrale du buis, l'eudémis (tordeuse de la vigne) et Mamestra brassicae la noctuelle du chou », annonce le directeur industriel. Biotop va aussi se lancer dans la production d'acariens prédateurs des mouches blanches et des thrips sous serre.

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BIO EXPRESS

ÉRIC THOUVENIN

1998. Licence et maîtrise de biochimie à Nancy (Meurthe-et-Moselle).

1999. Master 2 de productions animales environnement hygiène et qualité à Tours (Indre-et-Loire).

Responsable qualité de huit usines de Nutrition Animale Cofna (In Vivo NSA) à Tours.

2001. Responsable assurance qualité de sept usines de nutrition animale Evialis (In Vivo NSA) à Saint-Nolff (Morbihan).

2003. Responsable production de l'usine DP Nutrition (In Vivo NSA) à Pommevic (Tarn-et-Garonne).

2007. Directeur de l'usine Safe (InVivo NSA) à Augy (Yonne).

2011. Directeur Industriel de Biotop, filiale d'InVivo, à Livron-sur-Drôme (Drôme).

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