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Les trichogrammes ne lâchent pas l'affaire

CHRISTELLE STEF - La vigne - n°286 - mai 2016 - page 40

Biotop commercialise une souche de trichogramme pour lutter contre l'eudémis, la cochylis et l'eulia. Cet auxiliaire s'est révélé aussi efficace qu'un insecticide lors d'essais à Cognac.
PARCELLE DE TEST  à Cognac ayant subi une forte pression d'eudémis. Les trichogrammes en complément de la confusion sexuelle ont été efficacite. M. GIRAUD/BIOTOP

PARCELLE DE TEST à Cognac ayant subi une forte pression d'eudémis. Les trichogrammes en complément de la confusion sexuelle ont été efficacite. M. GIRAUD/BIOTOP

LES DIFFUSEURS  sont accrochés au fil de palissage ou à un sarment à raison de 100 unités par hectare. M. GIRAUD/BIOTOP

LES DIFFUSEURS sont accrochés au fil de palissage ou à un sarment à raison de 100 unités par hectare. M. GIRAUD/BIOTOP

Trichogrammes. © G. SENTENAC

Trichogrammes. © G. SENTENAC

Connaissez-vous les trichogrammes ? Il s'agit de minuscules guêpes qui parasitent les oeufs de certains papillons. Ces auxiliaires sont utilisés avec succès pour lutter contre la pyrale du maïs. En viticulture, ils ont été testés il y a vingt ans pour combattre les tordeuses de la grappe. Mais, à l'époque, les résultats furent décevants. La technique a donc été abandonnée. Depuis, les choses ont évolué.

Après quatre années d'essais, Biotop relance ce procédé de lutte alternatif. Cette filiale d'InVivo commercialise cette année une souche de trichogramme pour lutter contre l'eudémis, la cochylis et l'eulia. Les insectes sont emprisonnés dans des diffuseurs en carton biodégradable protégés de la pluie par une couche pelliculée. Dotés d'un petit crochet, ils s'accrochent à un fil de palissage ou à un sarment. On en pose 100 par hectare. À l'intérieur, ont été placés des oeufs de pyrale de la farine (Ephestia kuehniella) stérilisés et parasités par des trichogrammes.

« Ces auxiliaires sont à différents stades de développement, ce qui permet des émergences échelonnées sur deux semaines, précise Julien Séguret, expert des trichogrammes chez Biotop. Dès que les guêpes éclosent, elles sortent des diffuseurs et partent en quête d'oeufs de tordeuses à parasiter. « Comme elles sont sensibles à la chaleur, il faut installer les diffuseurs à l'intérieur du feuillage, bien à l'ombre. » Et, contrairement à la confusion sexuelle, nul besoin d'avoir une surface minimum pour que la technique opère.

Les diffuseurs sont vendus par plaque de vingt-cinq unités. Comme ils ne se conservent pas, il faut les poser sitôt réceptionnés. De même, ils doivent être commandés au moins une semaine à l'avance pour avoir la garantie de les obtenir à temps. « Plus les personnes intéressées nous contactent tôt, mieux c'est », insiste Charlène Lejeune, responsable commercial France chez Biotop. Pour couvrir une génération de tordeuses, il faut effectuer deux lâchers à quinze jours d'intervalle pour un coût total entre 150 et 170 €/ha. C'est beaucoup plus cher qu'un insecticide et aussi plus cher que la confusion sexuelle si l'on compte quatre lâchers pour couvrir deux générations.

Comment Biotop est-il parvenu à ce résultat ? Tout est parti de sa collection de 800 souches de trichogrammes. Biotop en a choisi 19 qu'elle a testées en laboratoire. « Toutes ont parasité les oeufs d'eudémis », rapporte Julien Séguret. Ensuite, les expérimentateurs ont poursuivi leurs tests au vignoble. Ils ont prélevé des grappes dans le Var et dans les Alpes-Maritimes. Ils y ont fait pondre des femelles d'eudémis, puis ils les ont remises au vignoble. Là, ils ont lâché les 19 souches de trichogrammes. Deux jours après, ils ont récupéré les grappes et constaté qu'une souche parasitait nettement plus les oeufs que toutes les autres. « On l'avait déjà repérée, mais nous souhaitions lui trouver un challenger. Nos résultats montrent qu'elle est vraiment la plus performante », précise le spécialiste.

En 2014 et en 2015, Biotop est passé à la vitesse supérieure. La société a mis en place un test à grande échelle dans le vignoble de Cognac avec Rémy Martin et la chambre d'agriculture de Charente. Le négociant lui a prêté 9,4 ha de vignes dans une de ses propriétés certifiée HVE niveau 3. « Ces parcelles subissent une très forte pression d'eudémis. Nous les protégeons par confusion sexuelle. Mais cela ne suffit pas à contrôler les tordeuses. Dans le cadre de notre politique environnementale, nous recherchons des alternatives pour supprimer les insecticides », justifie Denis Fougère, le directeur des domaines Rémy Martin. « Nous voulions voir si les trichogrammes peuvent être une solution de biocontrôle, en complément de la confusion sexuelle », ajoute Laurent Duchêne, de la chambre d'agriculture de Charente.

En 2014 et 2015, les expérimentateurs ont lâché des trichogrammes une fois par semaine en juillet et août, réalisant huit lâchers au total pour couvrir deux générations d'eudémis. Depuis, Biotop a intégré des trichogrammes à plusieurs stades de développement dans ses diffuseurs. Ainsi, un même lâcher apporte deux semaines de protection. « Le temps de pose n'est pas très long : il faut compter 20 minutes par hectare », précise Laurent Duchêne.

Les résultats sont prometteurs. Dans la partie protégée uniquement par la confusion sexuelle, le nombre de perforations oscillait entre 2 et 5,5 en moyenne par grappe. Dans ces conditions, les lâchers de trichogrammes en complément de la confusion ont eu une efficacité comprise entre 42 et 77 %. Ils ont donc été aussi efficaces, voire d'une efficacité supérieure à un traitement insecticide ovo-larvicide (efficacité comprise entre 40 et 52 %) ou à deux traitements à base de Bacillus thuringiensis (55 à 68 %). C'est ce qui a amené Biotop à commercialiser dès cette année la technique auprès des coopératives. Les essais avec la chambre d'agriculture de Charente et le groupe Rémy Cointreau se poursuivent.

Le soufre, un fongicide à éviter

Les traitements au soufre sont incompatibles avec les lâchers de trichogrammes, qu'il s'agisse de soufre poudre ou de soufre mouillable. Cette matière active est loin d'être neutre envers les auxiliaires. Les trichogrammes n'y échappent pas. « Pour qu'un lâcher soit efficace, la vigne ne doit pas avoir reçu de soufre pendant les quatre à six semaines qui le précèdent. Si les producteurs traitent au soufre en début de saison, ils ne pourront recourir aux trichogrammes que pour contrôler les deuxième et troisième générations d'eudémis », précise Julien Séguret chez Biotop. Autre contrainte : les traitements insecticides. En zone de lutte obligatoire contre la cicadelle de la flavescence dorée, il faut attendre la fin de la rémanence des insecticides pour lâcher des trichogrammes. Sinon, ces insectes supportent la plupart des autres fongicides et des herbicides.

Lâchers par voie aérienne sur maïs

Voilà un procédé qui n'est pas prêt à arriver en viticulture. Pour lutter contre la deuxième génération de la pyrale du maïs, Biotop a développé des capsules de trichogrammes à épandre par voie aérienne à l'aide d'ULM ou de drones. À cette période, le feuillage du maïs est assez développé pour que les capsules tombent dedans, bien à l'ombre. En effet, ces capsules ne doivent surtout pas tomber au sol car elles sont alors exposées au soleil et à la chaleur, ce que les trichogrammes ne supportent pas. Dans ces conditions, ils meurent au sein des capsules faisant perdre toute efficacité au traitement.

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