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DOSSIER - Protection de la vigne en France

La réglementation en pleine effervescence

MARIANNE DECOIN* - Phytoma - n°698 - novembre 2016 - page 16

La vigne est concernée par les évolutions réglementaires survenues depuis un an, sur le certiphyto, les CEPP, les autorisations et retraits de produits et l'inscription de cépages résistants... Elle pourrait l'être aussi par un prochain arrêté.
Tableau 1 : Les huit « actions standardisées » du CEPP concernant la vigne (parmi les vingt listées dans l'arrêté du 12 septembre 2016)

Tableau 1 : Les huit « actions standardisées » du CEPP concernant la vigne (parmi les vingt listées dans l'arrêté du 12 septembre 2016)

Tableau 2 : Restrictions pour le traitement des vignes proposées dans la version au 12 septembre 2016 du projet d'arrêté

Tableau 2 : Restrictions pour le traitement des vignes proposées dans la version au 12 septembre 2016 du projet d'arrêté

La réglementation encadrant la santé de la vigne a évolué depuis un an, sur les produits phytopharmaceutiques mais aussi sur les cépages résistants. Et un texte est en discussion... houleuse.

Certificats : du nouveau

Le certiphyto est valable cinq ans

Premier point, le certificat individuel, dit certiphyto, est obligatoire depuis le 26 novembre 2015. En viticulture, il fallait le certificat « opérateur en exploitation agricole » pour traiter à titre professionnel sous la houlette d'un responsable ayant choisi et acheté le produit phyto (= phytopharmaceutique) ; si on était acheteur du produit et responsable du traitement, il fallait un certificat « décideur en exploitation agricole », tous ces certificats étant valables dix ans.

Mais un décret du 11 août dernier publié le 14, puis ses arrêtés du 29 août publiés le 10 septembre, ont refondu les certiphytos. Désormais, il faudra obtenir :

- un certificat « opérateur » pour traiter sous la responsabilité d'un décideur ;

- un certificat « décideur en entreprise non soumise à agrément » pour les décideurs.

Les nouveaux certiphytos ne seront valables que cinq ans. Par ailleurs, il ne sera plus possible de les obtenir après une formation sans évaluation. Cette dernière portera sur les points abordés durant la formation.

À noter : tout cela concerne les certificats obtenus après le 1er octobre 2016. Les titulaires de certiphytos agricoles antérieurs le restent durant dix ans après obtention. Lors du renouvellement, le nouveau certificat sera valide cinq ans.

CEPP : c'est parti

Les certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) sont ceux voulus par la loi d'avenir agricole du 13 octobre 2014 (publiée le lendemain). Pour en obtenir, les distributeurs doivent justifier de la réalisation de certaines « actions standardisées ».

Une première liste d'actions a été publiée par un arrêté du 12 septembre 2016 paru au BO Agri, Bulletin officiel du ministère chargé de l'Agriculture (MAAF, ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt). Huit actions intéressent la vigne (voir Tableau 1).

Soit les distributeurs réalisent ces actions en vendant aux viticulteurs les produits et/ou OAD correspondants, soit ils achètent des certificats à d'autres opérateurs commercialisant, par exemple, le matériel. Cela leur permettra d'éviter les pénalités financières prévues après 2021.

Entrées et sorties des produits

Biocontrôle : la liste imminente

Le but de la manoeuvre est de baisser les ventes de produits phyto, sauf ceux classés de biocontrôle au sens de l'article L. 253-5 du code rural. Mais on attend la liste de ces derniers.

Elle doit être présentée le 9 novembre à la CPPMFS (Commission des produits phytopharmaceutiques, des matières fertilisantes et des supports de culture) avec ses critères de définition.

Ce dernier point est aussi attendu que la liste elle-même. En effet, quand de nouveaux produits obtiendront leur AMM (autorisation de mise sur le marché), ces critères permettront de savoir lesquels seront sur la liste.

Quatre nouveautés

En attendant, depuis un an, quatre autorisations ont apporté de l'inédit :

- l'arrivée sur vigne de Trebon 30 EC, insecticide à base d'étofenprox ; déjà autorisé sur d'autres cultures (colza, entre autres), il a eu une extension d'usage sur vigne contre les cicadelles et tordeuses de la grappe ;

- l'extension d'usage contre le black-rot de Forum Top, fongicide associant le diméthomorphe et le métirame déjà connu sur vigne contre le mildiou ;

- l'arrivée de l'herbicide Elan qui introduit deux substances inédites sur la vigne, à savoir l'oryzalin et le penoxsulame ;

- l'arrivée des fongicides Safran et Brezza, associations inédites de substances connues sur vigne, le tétraconazole et le fenbuconazole ; ils visent l'oïdium et le black-rot.

Produits retirés du marché

En parallèle, trois séries de retraits de produits sont à signaler. D'abord, l'utilisation des herbicides à base d'amitrole (alias aminotriazole) est interdite depuis le 31 décembre 2015. Certains d'entre eux étaient autorisés sur vigne.

La seconde série est celle des herbicides à base de glyphosate formulés avec des tallow-amines, soit 126 produits différents (plus les seconds noms de marque). Plus de 25 d'entre eux étaient autorisés sur vigne. Leurs AMM sont retirées mais ils restent vendables jusqu'au 31 décembre 2016 et utilisables jusqu'au 31 décembre 2017. Pour trouver leur liste, voir le « Lien utile » p. 19.

La troisième série est à venir. C'est celle des produits étiquetés selon l'ancien code européen dit DPD (directive préparation dangereuse). Depuis le 1er juin 2015, les fabricants n'étiquettent plus ainsi. Mais des produits fabriqués auparavant sont stockés chez des viticulteurs ou distributeurs. Ils sont utilisables jusqu'au 1er juin 2017. Ensuite, ce sera interdit... Ceci étant, les mêmes produits restent autorisés avec le nouvel étiquetage conforme au code mondial dit CLP (classification, labelling, packaging).

Cépages résistants : les voilà

Un principe et trois étapes

Quittons un instant les produits phyto pour un autre moyen de préserver la santé de la vigne : la tolérance variétale.

Des cépages résistant au mildiou et à l'oïdium, maladies qui occasionnent le plus de traitements sur vigne, sont utilisés dans divers pays européens. En 2016, plusieurs ont été proposés à l'inscription en France.

Celle-ci doit se faire en trois étapes : avis du CTPS (Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées), avis de FranceAgriMer, puis signature ministérielle. Le CTPS s'est réuni le 19 septembre dernier et FranceAgriMer le 19 octobre.

Le CTPS a proposé l'inscription définitive de quatre cépages. Tous allemands (université de Fribourg), ils se nomment monarch noir, muscaris blanc, prior noir et sauvignier gris. Le comité a proposé le classement temporaire de onze autres cépages :

- bronner blanc, johanniter blanc, solaris blanc viennent eux aussi de Fribourg ;

- saphira blanc vient de l'université allemande de Geisenheim ;

- cabertin noir, pinotin noir et divico noir sont suisses.

- IJ58, IJ134, Col-2011G et Col-2007G sont issus de l'Inra, en France.

Le 19 octobre, FranceAgrimer a approuvé ces propositions et ajouté d'autres cépages, certains d'origine italienne. Cela porte le total à vingt-trois, dont dix ne pourront pas voir leur nom marqué sur les étiquettes des vins qui en contiendront. Il reste au ministre de l'Agriculture à signer. Le CTPS prévoit de nouveaux examens le 13 décembre.

Pratiques de traitement : vers le chambardement ?

Rappel sur les textes existant aujourd'hui

Passons aux pratiques de traitement. Elles sont régies par un arrêté du 12 septembre de 2006 publié le 21 du même mois. Cet arrêté, cosigné des ministres chargés de l'Agriculture, de l'Environnement et de la Santé, vise :

- le moment des pulvérisations et poudrages, interdits si le vent dépasse force 3 (soit 19 km/h) ;

- leur lieu, avec des ZNT (zones non traitées) d'au moins 5 m de large le long des cours et points d'eau et des règles pour réduire les ZNT supérieures à 5 m (moyens antidérive) ;

- les délais de rentrée, après le traitement, de personnes sur les lieux traités ;

- le devenir des effluents (fonds de cuve, eaux de lavage des appareils, etc.), avec la reconnaissance officielle de procédés de traitement de ces effluents et l'encadrement de l'épandage et de la vidange des fonds de cuve dilués après rinçage.

En 2011, l'arrêté « lieux publics » du 27 juin publié le 28 juillet a restreint le choix des produits dans les zones non agricoles accueillant le public, avec des règles plus strictes dans celles accueillant des enfants et des personnes vulnérables. À l'époque, cela ne touchait pas les vignes.

Mais, en 2014, la loi d'avenir a créé des restrictions supplémentaires « à proximité » des lieux accueillant des enfants et personnes vulnérables, c'est le cas par exemple de vignes proches d'écoles.

Cependant, la mesure n'était pas applicable immédiatement. Du reste, la loi ne précisait pas la notion de « proximité ». Une note de service du MAAF, publiée au BO Agri du 4 février 2016, a chargé les préfets de département de publier des arrêtés d'application et leur donnait des indications pour fixer les règles locales. Plusieurs départements ont pris des arrêtés préfectoraux en ce sens.

Abrogation demandée

En parallèle, des agriculteurs se plaignaient de l'arrêté de 2006. C'était le cas surtout en vergers : difficulté avec la vitesse du vent, les délais de rentrée de 24 et 48 h de certains produits, etc. L'ANPP (Association nationale pomme-poire) a fait appel au Conseil d'État. Ce dernier a publié un arrêt le 6 juillet 2016. Ce texte exige l'abrogation de l'arrêté de 2006 dans un délai de six mois, donc d'ici le 6 janvier 2017.

À noter : cet arrêt sanctionne le fait que le projet d'arrêté n'avait pas été notifié à la Commission européenne alors qu'il contient des « exigences » dépassant la « simple transposition intégrale d'une norme internationale ou européenne ». Dans ce cas, une directive (n° 98/34/CE du 22 juin 1998) exige de notifier le projet à la Commission. En revanche, le Conseil d'État ne sanctionne aucune disposition de l'arrêté de 2006 ! Les ministères cosignataires pouvaient, légalement, notifier puis publier un texte quasi identique. Mais...

- l'ANPP demandait des assouplissements ;

- des ONG ont réclamé des durcissements.

Point de situation provisoire

Les ministères planchent donc sur un nouveau texte. Dans sa rédaction mi-septembre, il allait dans le sens du durcissement.

Par exemple, parmi les produits affectés de délais de rentrée de 48 heures :

- il y aurait toujours les produits allergisants (codés R42 ou R43 selon le code DPD, et H334 ou H317 selon le code CLP), mais...

- s'y ajouteraient les produits CMR (cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques) ; aucun produit cancérogène ou mutagène avéré n'est autorisé sur vigne, cependant il reste des produits soupçonnés ou susceptibles de l'être.

La règle sur la vitesse du vent serait maintenue mais avec mesure calibrée (Tableau 2).

L'obligation de ZNT, maintenue le long des cours d'eau, serait étendue le long des zones non cultivées adjacentes (Tableau 2).

Les zones à traitements restreints seraient maintenues près des écoles, hôpitaux... Et, surtout, créées le long des habitations. Sur vigne, elles seraient de 20 mètres, certaines mesures antidérive autorisant leur réduction à 5 mètres. Dans ces zones, les seuls poudrages et pulvérisations possibles seraient à base de produits non classés ou à classements bénins (détails Tableau 2).

Ces restrictions le long des habitations sont sujettes à polémique :

- la profession agricole n'en veut pas ;

- les ONG en veulent davantage.

Enfin, l'arrêté de 2006 semblait permettre de traiter les effluents à l'aide de procédés non officiellement reconnus si rien n'en sort ou si ce qui en sort part en filière « déchets dangereux ». La rédaction future l'interdirait.

Depuis mi-septembre, les ministères ont continué à travailler sur le texte. Une récente déclaration ministérielle promet une nouvelle version identique « pour l'essentiel » à l'arrêté de 2006, mais sans plus de précision. Le projet de texte, qui doit être présenté le 9 novembre à la CPPMFS, sera soumis à consultation publique en France. Il sera notifié à la Commission européenne.

Hypothèses pour le 7 janvier

Or, citons l'article 9 de la directive 98/34 : « Les États membres reportent l'adoption d'un projet [de tel texte] de trois mois à compter de la date de la réception par la Commission. » N'étant pas encore notifié le 31 octobre, l'arrêté ne peut sortir le 6 janvier...

Passé cette date limite d'abrogation de l'arrêté de 2006, allons-nous vivre un temps de vide juridique ? Pas sûr. La déclaration ministérielle promet l'absence de ce vide. Trois hypothèses se dessinent :

- le délai imposé par le Conseil d'État est dédaigné, et l'ancien texte n'est pas abrogé tant que le nouveau n'est pas publié ;

- d'ici le 6 janvier, l'ancien arrêté est abrogé et un nouveau est publié ; ce texte passerait le relais à un troisièm«e arrêté publié en respectant les procédures européennes ;

- l'ancien arrêté est abrogé d'ici le 6 janvier, sans que le nouveau soit encore publié.

Dans ce dernier cas, le vide juridique ne serait pas total. En effet, dans les vignes :

- il faudrait continuer à respecter les ZNT précisées dans les AMM des produits ; elles sont en général lisibles sur leurs étiquettes ;

- les traitements près des écoles, hôpitaux... resteraient soumis à restrictions là où il existe des arrêtés préfectoraux ; il n'y aurait pas encore de restrictions près des habitations ;

- le traitement des effluents et l'épandage sur la parcelle seraient interdits (l'arrêté de 2006 les autorise par dérogation) ;

- il n'y aurait pas de règle « vitesse du vent » ;

- sur les délais de rentrée... ce n'est pas clair.

Bien sûr, les traitements d'hiver sont rares et les seuls produits anti-esca (Esquive WP et, par dérogation en 2016, Vintec) sont bio (à base de Trichoderma atroviride) et non classés. Mais le printemps viendra...

RÉSUMÉ

CONTEXTE - La réglementation touchant la santé de la vigne a évolué depuis un an et va continuer.

ÉVOLUTIONS RÉALISÉES - Les changements notables sont :

- la refonte du certiphyto ;

- l'expérimentation sur les CEPP, et ses « actions standardisées » ;

- la gamme phytopharmaceutique (nouvelles AMM et retraits) ;

- la gamme variétale (cépages résistants au mildiou et à l'oïdium).

ÉVOLUTIONS POSSIBLES - La publication de la liste officielle des produits de biocontrôle est attendue en novembre 2016.

Un arrêt du Conseil d'État publié le 6 juillet dernier exige l'abrogation de l'arrêté du 12 septembre 2006 dans un délai de six mois. Des discussions sont en cours autour de la rédaction d'un projet de nouvel arrêté. Elles portent sur les évolutions possibles des règles touchant les ZNT (zones non traitées), les délais de rentrée, la vitesse du vent et le traitement des effluents phytopharmaceutiques.

MOTS-CLÉS - Vigne, réglementation, certiphyto, CEPP (certificat d'économie de produits phytopharmaceutiques), actions standardisées, produits phytopharmaceutiques, biocontrôle, AMM (autorisation de mise sur le marché), retraits, cépages résistants, arrêté du 12 septembre 2006, abrogation.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEUR : *M. DECOIN, Phytoma.

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIEN UTILE : https://ephy.anses.fr/var/default/files/liste_des_produits_a_base_de_glyphosate_faisant_lobjet_dun_retrait_a_compter_1er_juillet_2016.pdf

RÉFÉRENCE : arrêt du Conseil d'État n° 391684.

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