Champignons aériens du buis : de nouveaux parasites détectés

Les maladies méconnues du buis sont étudiées depuis 2015 par l'institut Astredhor. Elles font ici l'objet du troisième et avant-dernier volet d'une série d'analyses, menées en complément du programme de recherche SaveBuxus.

Présentés dans Phytoma en février 2018 (n° 711, p. 14 à 18), des résultats d'analyses préliminaires effectuées sur des buis porteurs de lésions foliaires avaient permis d'établir que ces végétaux, bien que prélevés dans un même environnement, étaient porteurs d'une grande variété de champignons dont certains suspectés d'être phytopathogènes.

Les observations rapportées ensuite (Phytoma n° 715, juin-juillet 2018, p. 24 à 27) avaient mis en lumière l'implication probable des oiseaux dans l'expansion de la cylindrocladiose à l'échelon local.

Visées de ce travail

Cibler les complexes parasitaires du buis en milieu urbain et périurbain

Les travaux complémentaires qui font l'objet de cette troisième publication avaient trois objectifs principaux :

- préciser les liens éventuels entre la diversité fongique trouvée sur le buis et le mode de conduite des végétaux (buis cultivés, présents à l'état sauvage, plantes en massifs, haies basses ou hautes, ou en bacs) tout en diversifiant les origines des échantillons ;

- tenter d'établir une typologie des maladies liées aux agents révélés par l'analyse mycologique, sur la base d'un inventaire préalable des symptômes récurrents sur des buis observés dans la moitié nord de l'Europe (France, Royaume-Uni, Allemagne, Irlande, Belgique, Pays-Bas) ;

- rechercher la présence de trois champignons non diagnostiqués lors de la première campagne d'échantillonnage, cités dans la littérature comme des parasites courants du buis, à savoir Macrophoma candollei, renommé Dothiorella candollei, Fusarium buxicola, renommé Cyanonectria buxi, et Mycosphaerella buxicola.

Focus sur trois espèces

De nombreuses références mentionnent la présence sur buis de D. candollei (ex. : M. A. Hansen, Virginia Polytechnic Institute and State University, 2009), mais il n'existe pas de description formelle de ses symptômes. Son statut, également, reste incertain. Pathogène de faiblesse ou envahisseur secondaire des nécroses, il se pourrait qu'il soit uniquement saprophyte. Notons que l'on ne dispose pas de séquence dédiée de ce champignon dans GenBank, ce qui complique son identification.

On dispose en revanche d'une séquence ADN confirmée pour Cyanonectria buxi qui a été étudié dans une étude phylogénétique dédiée au genre Fusarium, à ses espèces reliées et à leurs anamorphes (H. J. Schroers et al., 2011).

Quant à Mycosphaerella buxicola, son existence est incertaine d'après les éléments de la base de données de référence MycoBank. Néanmoins une simple étude morphologique permet une identification au niveau du genre, ce qui constitue, le cas échéant, une probabilité d'occurrence suffisante pour les besoins de cette étude.

Échantillonnage et analyses

Automne 2015, au jardin de Bagatelle

L'ensemble de ces travaux sur les champignons parasites du buis s'appuie sur deux séries de prélèvements effectués à partir de fragments et de tissus vivants de buis porteurs de lésions foliaires.

Une première série de quinze échantillons a été prélevée en novembre 2015 au parc de Bagatelle, un jardin historique de l'ouest parisien où des buis centenaires bordent des massifs plantés depuis près de deux siècles et demi. Ces buis sont taillés annuellement pour être maintenus à 15 cm de hauteur. Une particularité de ce site de prélèvement est la proximité (jusqu'à quelques mètres) de foyers actifs de cylindrocladiose, maladie bien reconnaissable induite par Calonectria pseudonaviculata. Toutefois, tous les échantillons prélevés en étaient indemnes.

Automne 2017, l'étude est étendue à trois régions

Une seconde série de vingt-trois échantillons a été prélevée fin octobre 2017. Cette saison est idéale pour l'échantillonnage, les symptômes étant plus facilement apparents grâce à l'humidité élevée associée à des températures restant douces, conditions propices au développement de maladies.

Les organes prélevés sont de jeunes rameaux aux feuilles matures (ou endurcies) formées les mois précédents, porteurs de lésions suspectes ou de taches foliaires. Un seul échantillon est exclusivement composé de tiges dépéries ou en cours de desséchement.

Ces échantillons sont d'origine variée :

- cinq échantillons correspondent à des buis situés en zone périurbaine (Bas-Rhin, Nord-Pas-de-Calais) ;

- seize échantillons proviennent de zones urbaines presque exclusivement rattachées à Paris intra-muros ;

- deux échantillons sont issus du Parc floral (Vincennes).

En ce qui concerne le mode d'entretien des végétaux, treize échantillons correspondent à des buis taillés de bordure de 15-20 cm de hauteur, quatre échantillons à des haies de buis monospécifiques de 1 mètre environ, cinq échantillons à des buis de massifs ou en plantation isolée, et un spécimen à un buis en bac. Seuls deux échantillons proviennent de buis non taillés.

Parmi les buis de bordure, deux échantillons proviennent du jardin de la comtesse du parc du château de Robersart (Nord), un échantillon du mont Sainte-Odile (Bas-Rhin), un des abords de l'Hôtel de ville de Paris, deux d'un parterre aménagé de la Cité internationale universitaire de Paris, et les sept autres des jardins du Luxembourg, aux abords immédiats du palais.

Des investigations sur la sensibilité d'un cultivar à la cylindrocladiose

Le nombre plus élevé de prélèvements effectués au sein du jardin du Luxembourg est lié au fait qu'à la suite d'une épidémie de cylindrocladiose qui a décimé la plupart des buis existants antérieurement, une autre espèce, Buxus microphylla <201B>Faulkner', donnée selon la bibliographie comme résistante à la maladie, a été replantée depuis 2016 dans les parterres. Mais les gestionnaires de la division des jardins du Sénat ont fait état de dégâts significatifs sur ces buis. Il s'agissait donc de vérifier quel organisme était incriminé sur ce cultivar.

Observations et analyses

Pour dix-neuf échantillons, les symptômes ont pu être classés selon leur aspect visuel en six catégories (Tableau 1). Les analyses de séquençage ont été effectuées par analyse biomoléculaire sur les champignons isolés sur tissus vivants à la marge des lésions sur feuilles. À l'exception des buis du jardin du Luxembourg, les prélèvements sur un site donné sont aléatoires sans répétition des prélèvements. Ne disposant pas d'une connaissance suffisante sur les variétés, voire les espèces de buis prélevés, cet aspect a été éludé. Pourtant, son importance ne doit pas être négligée, comme nous le verrons par la suite notamment à propos des buis en provenance d'Asie.

Les champignons hôtes du buis

Vingt-quatre taxons identifiés

Les premières analyses avaient révélé une exceptionnelle diversité fongique (trois à quatre espèces/isolats de champignons en moyenne par échantillon, dont certains n'ayant jamais encore été signalés sur des buis en France ni en Europe), avec une fréquence élevée du genre Fusarium, ainsi que d'une espèce proche du groupe anamorphique des Phoma, probable pathogène opportuniste de faiblesse (Boerema & Noordeloos 1992 ; Boerema et al., 2004). Par ailleurs, la nature des données collectées n'avait pas pu permettre de préciser la pathogénicité des champignons identifiés, ni d'établir un lien éventuel avec les symptômes constatés, le postulat de Koch n'étant pas pratiqué sur les isolats détectés.

Les analyses effectuées sur la seconde série de prélèvements ont permis d'identifier vingt-quatre taxons différents (Tableau 2).

Le genre Phoma est omniprésent

Indépendamment du type du buis ou de son mode d'entretien, il ressort nettement des analyses que le genre Phoma est omniprésent, souvent associé à son anamorphe Epicoccum. On le recense en effet sur la quasi-totalité des échantillons de cette seconde série (vingt et un cas sur vingt-trois). L'espèce P. aliena, décelée sur un seul échantillon de la série du parc de Bagatelle, est cette fois très représentée. Seuls les échantillons nos 7 et 11 sont exempts de Phoma ; ils sont en revanche porteurs d'une même espèce de Fusarium, quoiqu'ils proviennent de sites distants de quelques kilomètres l'un de l'autre.

L'échantillon n° 11 présente en outre la particularité d'être porteur de trois espèces du genre Fusarium exclusivement, dont deux espèces bien établies, et l'une proche d'une espèce connue (forme atypique). L'échantillon n° 5 présente cette même similitude, comptant trois Phoma uniquement, dont un spécimen apparenté à une espèce bien définie, et un taxon non spécifié.

Alternaria : sur 50 % des prélèvements

Le genre Alternaria est ensuite le plus fréquent dans ces échantillons. Il a été détecté sur onze échantillons, soit près de la moitié des cas. Notons qu'il n'y a pas eu cette fois d'identification au niveau de l'espèce, ces champignons étant probablement représentatifs d'un complexe d'espèces, plutôt que d'une espèce unique.

Comme dans la précédente campagne d'analyses qui avait permis de mettre en évidence deux espèces (A. alternata et A. arborescens), les différentes souches d'Alternaria ne sont ici jamais isolées seules à la marge des lésions (à partir de terminaison hyphale). Ceci conduit à supposer qu'ils n'en sont probablement pas responsables. On pense par conséquent que leur comportement est de type endophyte, ou envahisseurs secondaires des nécroses, par temps très humide uniquement, étant donné leur biologie (Marie-Alix d'Halewyn et al., 2016).

Fusarium : une occurrence sur trois

En troisième position du classement des champignons révélés par cette série d'analyse, le genre Fusarium est retrouvé sur sept échantillons, soit près d'un tiers des cas étudiés.

Au parc de Bagatelle, seule l'espèce sambucinum avait été mise en évidence, l'identité des sept autres taxons n'ayant pu être précisée. Cette fois, deux nouvelles espèces sont identifiées : F. equiseti et F. flocciferum. Deux autres spécimens sont proches des espèces F. avenaceum et F. lateritium, et trois autres sont restés indéterminés.

L'isolat proche de Fusarium lateritium interroge, car une illustration de ses symptômes proposée par l'Oregon State University sur un buis asiatique (Buxus microphylla var. koreana) semble conforter un rôle pathogène. Or dans le cas de l'échantillon français, non seulement ce champignon a été isolé au sein d'une cohorte de six autres champignons, mais les dégâts observés diffèrent grandement de ceux issus du diagnostic établi en Amérique du Nord.

Encore plus surprenant, sa séquence génétique indique qu'il serait proche de Cyanonectria buxi, l'une des trois espèces de champignons couramment cités sur buis dans la littérature, et qui n'avait pas été repérée lors de la première campagne d'analyses. Ces deux entités ne formeraient-elles qu'une seule et même espèce ?

Une espèce peu commune,

au rôle incertain

Autre inconnue, les échantillons nos 7 et 20 hébergent tous deux un champignon encore jamais signalé en France, dont il n'existe qu'un holotype originaire d'Italie (2014) : Dothiora buxi. On ne sait pas grand-chose de ce champignon, si ce n'est que l'espèce D. cactorum lui serait rattachée (Crous & Groenewald, 2017), et qu'il s'agirait peut-être d'un organisme saprophyte. De fait, la question reste entière, car l'échantillon n° 7 comporte effectivement des tiges desséchées ou en cours de dépérissement, sans raison évidente, quand le n° 20 n'est constitué que de tissus vivants, avec nécroses apparentes.

D'autres taxons identifiés

Les analyses révèlent aussi les genres Sordaria, Acremonium et Ophiosphaerella qui sont soit de simples contaminants d'hygiène générale (air, matériaux, substrats), soit des organismes saprophytes a priori non pathogènes du buis.

C'est également peut-être le cas de Leptosphaeria et Boeremia exigua, taxons apparentés au genre Phoma, quoique pour B. exigua il soit établi qu'une variété induit des taches foliaires sur l'hortensia, et une autre produit des effets identiques sur le laurier-rose.

Seul un isolat assimilé à Septoria buxicola, détecté en duo avec Phoma aliena sur l'échantillon n° 8, interpelle véritablement. S'agirait-il d'un parasite spécialisé du buis ? La nature des symptômes observés (photo 7, échantillon n° 8) ne l'exclut pas totalement, mais la concomitance avec un Phoma empêche de conclure avec certitude.

Forte sensibilité à la cylindrocladiose

Les résultats de l'analyse de deux des échantillons (nos 9 et 13) prélevés au jardin du Luxembourg confirment les indications des gestionnaires de la division des jardins du Sénat sur la sensibilité de Buxus microphylla 'Faulkner' à la cylindrocladiose (photo 8). Dans les conditions de culture, sa sensibilité à la maladie est même élevée.

Cette observation pourrait résulter du fait que ce buis n'est pas traditionnellement utilisé en tant que buis de bordure compte tenu de sa croissance juvénile rapide (80 à 130 mm/an). De ce fait, les études antérieures sur cette espèce ont pu porter sur des buis non taillés, de forme naturelle. Or il est probable que le volume condensé façonné par l'écrêtage augmente sa sensibilité à la maladie. Notons cependant qu'Astredhor a identifié la faible tolérance de cette variété à la cylindrocladiose dès 2016, dans le cadre du programme SaveBuxus, à contre-courant des données générées par ailleurs dans le monde.

Espèce inédite

Enfin, une nouvelle espèce de parasite, Pseudonectria foliicola, a été identifiée au jardin du Luxembourg, dans un patio jouxtant le Sénat. Il s'agit d'une première détection en France, et sans doute même en Europe sur un buis en plantation. Les symptômes associés se superposent ici avec Calonectria pseudonaviculata, et ne correspondent pas à ceux de Pseudonectria buxi, absent de l'analyse. Sans être très spécifiques, ils se présentent sous forme de taches foliaires nécrotiques (photo 9).

La découverte de ce parasite fait écho à une étude italienne (A. M. Vettraino et al., 2017) au sujet d'une pépinière de plantes sentinelles établie en 2008, à Pékin, en Chine. Des nécroses semblables observées sur feuilles de buis en 2013 avaient été attribuées à Pseudonectria foliicola, seul micro-organisme identifié par séquençage de nouvelle génération à haut débit.

Quelques pistes de réflexions

Végétaux importés : les risques encourus

Qu'ils soient exotiques ou non, la plupart des végétaux d'import sont porteurs de micro-organismes constitutifs des cortèges d'endophytes propres à leur milieu d'origine. Parmi eux, des parasites latents non réglementés, donc non surveillés, peuvent être véhiculés. Ces organismes sont potentiellement dangereux pour la flore européenne, qui ne dispose probablement pas de défenses génétiques appropriées.

Or, de plus en plus de buis de bordure issus de l'espèce-type européenne sont remplacés par des buis asiatiques moins sensibles à la cylindrocladiose. Rien ne garantit que l'on ne risque pas d'introduire d'autres germes indésirables, dont les spores, se déposant sur des buis européens adjacents, s'avéreront pathogènes pour eux. Les champignons Pseudonectria foliicola et Phyllosticta sp. nov. (Qiu Liu et al., 2009) seraient peut-être inféodés au seul buis asiatique, mais rien ne présume de leur comportement sur notre buis commun (espèce sempervirens), puisqu'ils n'ont pas évolué ensemble.

Ces champignons pourraient aussi causer des dommages à leur plante-hôte originelle, sous l'effet d'un autre climat ou dans d'autres milieux de culture.

Importer des buis en provenance d'Asie a déjà contribué à faire entrer la pyrale sur notre territoire avec les conséquences que l'on sait. Le développement des échanges de végétaux entre l'Asie et l'Europe risque a minima de favoriser davantage de parasitisme de faiblesse. Certaines communautés de micro-organismes, jouant d'un effet cumulatif, pourraient s'en trouver renforcées et devenir pathogènes.

Échecs et avancées de ces recherches

Parmi les trois champignons spécifiquement recherchés dans le cadre de ces nouvelles analyses, un seul a été identifié : Fusarium buxicola. En revanche, Mycosphaerella buxicola et Dothiorella candollei n'ont pu être révélés. En ce qui concerne D. candollei, seuls les champignons situés en marge de lésions (tissus vivants) ayant été isolés dans cette étude, il se peut que nous soyons passés à côté d'un organisme à mode de vie saprophyte.

Quant à M. buxicola, il aurait peut-être simplement été confondu dans le passé avec des champignons apparentés au genre Phoma. D'après Aveskamp et al. (2010), auteurs d'une étude d'envergure sur la caractérisation du genre Phoma et ses espèces reliées, si plusieurs téléomorphes ont été identifiés dans ce genre, pour la majorité des espèces de Phoma, les structures de reproduction restent à découvrir, leur induction requérant des conditions particulières. La découverte de plusieurs téléomorphes avec des anamorphes au phénotype indiscernable n'est pas rare en mycologie, et s'applique notamment au genre Mycosphaerella (Crous et al., 2009).

Toutefois, les techniques d'identification morphologique par isolement avec mise en culture en boîte de Pétri ne permettent d'observer dans la majorité des cas que la forme imparfaite du champignon (son anamorphe), d'où de possibles confusions si l'on s'en tient à l'analyse visuelle sans séquençage de l'ADN.

En outre, le genre Mycosphaerella est phylogénétiquement distinct des Didymellaceae (Schoch et al., 2006 ; Crous et al., 2009) quand les anamorphes issus du genre Phoma s'avèrent génétiquement similaires à Didymella (De Gruyter et al., 2009), d'où la supposition que si M. buxicola existe, il soit inféodé à des buis poussant dans d'autres milieux que ceux pris en compte jusqu'ici, par exemple en climat méditerranéen dont aucun échantillon de notre étude n'est issu. Notons qu'Ascochyta buxicola, parfois cité dans la littérature, pourrait relever du même cas de figure, mais inversé, s'agissant cette fois d'une forme anamorphique.

Le mode d'entretien influence l'expression des symptômes

Cette étude n'a finalement pas permis de relier un dégât particulier à un agent pathogène donné. Aucun micro-organisme fongique ne semble induire en propre de signes véritablement discriminants bien discernables qui permettraient par exemple de nommer une maladie précise (ex. : Phoma du buis, alternariose, fusariose...). Les symptômes sont sans doute de cause multifactorielle, et leur variabilité peut s'expliquer par exemple par la diversité de la texture ou de l'épaisseur des feuilles, différente selon les espèces de buis considérées.

D'après nos constatations, le mode d'entretien du buis ne joue pas forcément un rôle prépondérant dans la nature ou la quantité de micro-organismes qu'il héberge, la part d'endophytes pouvant être très variable, mais il a certainement une influence sur la persistance de symptômes éventuels. Les buis taillés de bordure expriment pratiquement la totalité des symptômes répertoriés, sauf le type « taches échancrées » que l'on ne retrouve que sur des buis de haie non taillés, ou taillés à une fréquence faible.

Par ailleurs, il semblerait que l'ampleur de la diversité fongique soit surtout liée au site de prélèvement, soit à son environnement. Les pratiques culturales, la vigueur des buis, leur origine, ou l'ancienneté d'une parcelle peuvent en partie expliquer ce constat.

Taille, faible hauteur et sol appauvri favorisent les dépérissements

Sur des buis à volume aérien suffisant (plus de 40 cm de hauteur), les lésions ou taches foliaires sont en général sans gravité, et font partie de la vie de l'arbuste. Elles peuvent disparaître ou réapparaître en fonction de l'état de faiblesse de la plante. Une simple taille suffit en général à les éliminer. À l'inverse, pour des buis de bordure de taille inférieure à 20 cm, ces taches peuvent perdurer pendant toute la vie de la plante.

Plus le buis est stressé, plus ces menues atteintes risquent d'interférer avec son métabolisme (photosynthèse réduite), de nuire à son équilibre, ou d'amenuiser ses mécanismes de défense naturels, au risque de compromettre les autres processus vitaux.

En revanche, si la plante est dans des conditions favorables, elle élimine la plupart du temps naturellement ces parasites lors de la formation de nouvelles pousses ; les feuilles âgées les plus atteintes chutent, et si la maladie ne jouit pas des conditions idéales pour se propager aux nouvelles pousses, elle est vouée à disparaître à terme.

Parmi les causes de faiblesse du buis, la plus fréquente est sans conteste le manque d'eau pour de jeunes buis transplantés ou dont les racines ne sont pas suffisamment installées dans le sol. D'autres parasites généralistes, comme le Phytophthora, peuvent également constituer une importante cause de dépérissement. Certaines variétés de buis y sont particulièrement sensibles, notamment par fortes températures, lorsque le sol est engorgé d'eau, par exemple après un épisode orageux.

Les buis de bordure sont naturellement les plus fragiles ; leur taille régulière favorise différentes formes de parasitisme, alimentées par l'introduction régulière de nouveaux plants (qui remplacent ceux qui dépérissent au fur et à mesure) avec un historique cultural différent, surtout pour ceux provenant de pays éloignés.

Conclusion et perspectives

Variabilité et richesse fongique du buis

De cette étude, on retiendra que le buis est une plante prédisposée à abriter sur ses parties aériennes des spores de champignons présents dans l'air en grandes quantités. Ceux-ci peuvent s'y déposer, et sporuler ou germer en conditions favorables.

Au fil du temps, selon les biotopes, ces micro-organismes épiphylles forment des cortèges d'espèces, pour la plupart endophytes, parasites, ou saprophytes, composante naturelle du buis dont la variabilité et la richesse sont aujourd'hui encore mal connues. Ceux-ci peuvent se comporter, au gré de l'état de faiblesse du buis, comme des pathogènes secondaires, ou se spécialiser vis-à-vis de leur hôte en tant que pathogène primaire. D'autres parasites, opportunistes ou de faiblesse, se développent à la faveur de lésions provoquées par diverses causes, biotiques ou abiotiques. Leurs rôles respectifs dans le processus d'infection foliaire ne sont pas complètement établis à ce jour.

Des Phoma et leurs apparentés

À ce stade, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur la catégorisation des organismes hôtes du buis, mais on peut noter dans la quarantaine d'échantillons étudiés la prédominance du genre Phoma qui semble engendrer des décolorations sectorielles ou des dépigmentations foliaires. On suppose également que l'agressivité d'un organisme peut dépendre de la souche ; ainsi une même espèce peut être endophyte, parasite de faiblesse large ou parasite ciblé.

L'arrivée de la cylindrocladiose a modifié le contexte d'expression des autres maladies du buis : en affaiblissant les buis qui peinent à survivre à ses attaques, elle a favorisé divers parasitismes de faiblesse, principalement imputable à Pseudonectria buxi, ainsi qu'à d'autres représentants de la famille des nectriacées, dont le genre Fusarium et ses anamorphes, mais aussi de la famille des didymellacées, incluant le genre Phoma et ses nombreux apparentés. Le parasitisme de faiblesse était probablement jusqu'alors dominé par cette famille de champignons.

Quant à la fusariose du buis, elle ne serait pas a priori attribuable à Fusarium buxicola : il s'agirait en fait de complexes à Fusarium, dont la réalité recouvre jusqu'à plusieurs espèces différentes.

Phytopathologie complexe

Ces travaux ont permis de mettre en lumière l'existence sur des buis français de trois champignons originaux, sans pour autant résoudre les aspects de phytopathologie, fort complexe, de cette plante. Nous sommes encore loin de comprendre tous les mécanismes qui interagissent entre agents fongiques, certains se traduisant par la manifestation de symptômes légers, et dans les cas les plus graves par un dépérissement. Certains champignons endophytes vivent ainsi aux dépens d'autres champignons (mycoparasitisme), contenant peut-être leur pathogénicité sur le buis. Si l'équilibre est rompu, des dégâts peuvent survenir.

En 2019, Astredhor souhaite compléter cette étude avec une troisième vague de prélèvements sur des buis porteurs de symptômes foliaires situés en milieu naturel dans le sud de la France. En parallèle, on envisage l'application du postulat de Koch pour certains des organismes qui ont été isolés et conservés dans des banques mycologiques du BCCM, afin de préciser leur pathogénicité sur des buis bien portants ainsi que sur des buis stressés.