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DOSSIER - Jardins, espaces verts, forêts une lutte sans frontière

Pyrale du buis : une efficacité insuffisante des trichogrammes

MARINE VENARD*, THOMAS DEFFERIER*, MATHILDE CAPELLI*, ETTY COLOMBEL*, THOMAS ENRIQUEZ*, ARNAUD CARTIER*, CYRIELLE DIGOUT*, SARAH GRAUBY*, JEAN-MARC DEOGRATIAS**, NICOLAS GUIBERT**, VINCENT ANDREOLA** ET ÉLISABETH TABONE* *UEFM Inra Paca - Antibes. **Ast - Phytoma - n°727 - octobre 2019 - page 28

L'emploi de trichogrammes peut s'intégrer dans la stratégie de lutte contre Cydalima perspectalis en parcs et jardins. Les études se poursuivent pour valider la technique.
 1. Jardin à la française du château de Villandry (Indre-et-Loire) utilisant le buis pour l'art topiaire.  2. Essais de lutte par trichogrammes en buis linéaires à Astredhor Sud-Ouest GIE Fleurs et plantes, à Villenave-d'Ornon (Gironde).

1. Jardin à la française du château de Villandry (Indre-et-Loire) utilisant le buis pour l'art topiaire. 2. Essais de lutte par trichogrammes en buis linéaires à Astredhor Sud-Ouest GIE Fleurs et plantes, à Villenave-d'Ornon (Gironde).

 Photo : 1. Cetu Innophyt 2. Astredhor SO - 2018

Photo : 1. Cetu Innophyt 2. Astredhor SO - 2018

Fig. 1 : Comparaison du pourcentage d'efficacité des trois souches Y, Tc et P en fonction de la distance au point de lâcher (cm) à 30 °C

Fig. 1 : Comparaison du pourcentage d'efficacité des trois souches Y, Tc et P en fonction de la distance au point de lâcher (cm) à 30 °C

Fig. 3 : Dispositif de lâchers sur buis linéaires

Fig. 3 : Dispositif de lâchers sur buis linéaires

Fig. 2 : Dispositif de lâchers de Trichogramma sp. sur buis isolé

Fig. 2 : Dispositif de lâchers de Trichogramma sp. sur buis isolé

Fig. 4 : Plan d'expérimentation       Répartition des souches et des pièges à phéromones (ronds bleus) sur buis linéaires.

Fig. 4 : Plan d'expérimentation Répartition des souches et des pièges à phéromones (ronds bleus) sur buis linéaires.

Fig. 5 : Dispositif de lâcher pour l'étude de la dispersion sur buis linéaires

Fig. 5 : Dispositif de lâcher pour l'étude de la dispersion sur buis linéaires

Fig. 6 : Évolution des températures moyennes sur le site d'expérimentation en 2018

Fig. 6 : Évolution des températures moyennes sur le site d'expérimentation en 2018

 Photo : 4. T. Defferier - 2018. 5. T. Enriquez - Inra 2015

Photo : 4. T. Defferier - 2018. 5. T. Enriquez - Inra 2015

Fig. 7 : Taux d'efficacité des trichogrammes sur oeufs d'élevage (pyrale) en buis isolés       Les lettres a et b indiquent les différences significatives et les barres l'erreur standard moyenne.

Fig. 7 : Taux d'efficacité des trichogrammes sur oeufs d'élevage (pyrale) en buis isolés Les lettres a et b indiquent les différences significatives et les barres l'erreur standard moyenne.

Fig. 8 : Taux d'efficacité des trichogrammes sur oeufs d'élevage (pyrale) en buis linéaires       Les lettres a et b indiquent les différences significatives et les barres l'erreur standard moyenne.

Fig. 8 : Taux d'efficacité des trichogrammes sur oeufs d'élevage (pyrale) en buis linéaires Les lettres a et b indiquent les différences significatives et les barres l'erreur standard moyenne.

Fig. 9 : Taux d'efficacité sur oeufs d'élevage selon la distance au point de lâcher en buis linéaire de 8 m       Les barres représentent l'erreur standard moyenne.

Fig. 9 : Taux d'efficacité sur oeufs d'élevage selon la distance au point de lâcher en buis linéaire de 8 m Les barres représentent l'erreur standard moyenne.

Papillon invasif venu de l'est de l'Asie (Mally et Nuss, 2010), la pyrale du buis (PDB), Cydalima perspectalis (Walker, 1859) (Lepidoptera : Crambidae), est un ravageur spécifique du buis (Marumayama et Shinkaji, 1993). Depuis 2008, il est largement répandu en France (Feldtrauer et al., 2009).

Cydalima perspectalis

Une menace pour les buxaies et les parcs et jardins

Les chenilles de la pyrale du buis consomment les feuilles des buis, entraînant une défoliation totale de ce dernier, et peuvent aller jusqu'à s'attaquer aux écorces des rameaux. Cette pyrale menace les buxaies naturelles, ainsi que les buis patrimoniaux des parcs et jardins à la française historiques (photo 1). Nombre de propriétaires et de collectivités déplorent la disparition de leurs buis, quelle que soit l'espèce ou la variété plantée. Beaucoup abandonnent la lutte, arrachent leurs buis et cherchent des plantes de substitution. En conséquence, le risque économique est indéniable pour les pépiniéristes qui cultivent et commercialisent du buis. De ce fait, il existe une forte attente de solutions efficaces de lutte contre Cydalima perspectalis.

Programme SaveBuxus

De par l'évolution de la législation et de la réglementation, les moyens de biocontrôle et autres méthodes alternatives aux traitements chimiques de synthèse sont désormais les seules solutions disponibles, sauf exception (entre autres : organismes nuisibles réglementés), pour les gestionnaires professionnels de jevi (jardins, espaces végétalisés et infrastructures) ou les particuliers (loi Labbé 2017). C'est dans ce cadre que le programme SaveBuxus (2014-2020) a été lancé pour améliorer les connaissances sur le ravageur du buis Cydalima perspectalis et proposer de nouvelles méthodes de lutte efficaces, respectueuses de l'environnement et de la santé humaine. Le laboratoire Biocontrôle (Inra UEFM) a contribué à ce projet par la recherche de parasitoïdes oophages du genre Trichogramma comme agents de lutte biologique contre la pyrale du buis. L'objectif est de déterminer leur efficacité contre la pyrale du buis et leur capacité de dispersion dans les buis.

Modalités de lâchers des trichogrammes

Suivi de la courbe de vol de pyrale

En 2018, les expérimentations ont été conduites sur des parcelles d'Astredhor Sud-Ouest GIE Fleurs et plantes, à Villenave-d'Ornon (Gironde) (photo 2).

Quatre pièges à phéromones de pyrale du buis (BUXatrap - phéromone Ginkobuxus - Sumiagro) ont été placés dans la zone d'expérimentation de buis linéaire de 200 m² et huit autres sur le site de 11 000 m² où sont dispersés les buis isolés. Ils servent à piéger les premiers papillons émergents et repérer le début du vol. Ce repérage permet de définir la date de démarrage des lâchers de trichogrammes ainsi que celle du prélèvement des oeufs de pyrale. Un suivi visuel du développement des larves et des nymphes permet aussi d'anticiper le vol des papillons.

Une pression en ravageur à ajuster : BtK et incorporation de chrysalides

Pour contrôler la densité de la pyrale, un traitement au Bacillus thuringiensis var. kurstaki (BtK) a été effectué en sortie de diapause (avril 2018) pour mettre à zéro la population de ravageur sur toutes les modalités. Puis, pour avoir une attaque homogène sur l'ensemble des buis, des chrysalides, issues du laboratoire Inra Antibes, ont été placées fin mai 2018 in situ.

Production des trichogrammes

Trois espèces de trichogramme ont été utilisées :

- Trichogramma brassicae (Y) (commercialisée contre la pyrale du maïs) ;

- Trichogramma dendrolimi (Tc) (espèce indigène de la collection de trichogrammes de l'Inra UEFM Antibes) ;

- la souche Trichotop Buxus (P) (commercialisée contre la pyrale du buis).

Les trichogrammes étaient élevés sur des oeufs d'Ephestia kuehniella Zeller (Lepidoptera : Pyralidae) en laboratoire (25 °C, 70 % HR et 14 h jour/10 h nuit) (photo 3), suivant la technique d'élevage mise au point par l'Inra (Colombel et al., 2017). Chaque semaine, les tubes contenant des plaquettes d'oeufs d'E. kuehniella, parasités par les trichogrammes, étaient envoyés à Astredhor pour une réception le lendemain.

Déroulement des lâchers de trichogrammes

Dans la lutte biologique avec les trichogrammes, seules les femelles nous intéressent puisque ce sont elles qui parasitent les oeufs-hôtes (ici les oeufs de la pyrale du buis) dans lesquels la descendance se développe. Les mâles ne sont présents que pour féconder les oeufs et permettre une descendance. Le nombre de femelles trichogramme lâchées et le nombre de points de lâcher ont été déterminés lors des études en laboratoire de 2016 et 2017 (tableau). Les lâchers avaient lieu en fin de journée sous forme de plaquettes d'oeufs parasités, dans une pochette grillagée pour éviter la prédation. La semaine suivante, les plaquettes étaient remplacées et retournées à l'Inra Antibes pour le contrôle du taux d'émergence.

Lâchers d'oeufs d'élevage

À la suite du traitement BtK de sortie de diapause, des difficultés ont été rencontrées pour trouver des oeufs pondus naturellement dans les buis. Les tests statistiques ont montré que les résultats avec les oeufs naturels n'étaient pas assez robustes. Il a donc été décidé d'utiliser des oeufs de pyrale, âgés de moins de 24 h, pondus en laboratoire sur brin de buis (photo 4). Cinq brins comportant en moyenne quinze oeufs par brin étaient placés sur chaque modalité, soit un total de 75 oeufs de pyrale par modalité. Les brins sont enfoncés dans le bouchon d'un tube rempli d'eau pour empêcher le dessèchement des feuilles de buis et conserver une bonne qualité des oeufs. Les tubes étaient disposés sur chacune des parcelles et laissés sur le terrain pendant cinq jours. Ils étaient ensuite récupérés et renvoyés à l'Inra d'Antibes pour l'analyse du nombre d'oeufs avortés (jaunes) et parasités (noirs) (photo 5), sept jours après la récupération et mise en incubation à 25 °C, 75 % HR. À ce stade, les oeufs parasités sont bien noirs puisque, dans ces conditions, les trichogrammes émergent au bout de dix jours. On obtient ainsi des taux d'avortement et de parasitisme. La somme des deux donne le nombre d'oeufs tués qui correspond à l'efficacité globale des trichogrammes. Ces tests sont qualifiés d'expérimentations avec des « oeufs d'élevage ». Les résultats ont été étudiés statistiquement grâce au logiciel R (GLM/loi binomiale et comparaison de Tukey).

Les modalités de lâcher selon les types de buis

En buis isolé, le point de lâcher était placé au centre du buis à la base du tronc (Figure 2). Les espèces de trichogramme et les témoins (buis sans traitement) ont été disposés de manière randomisée dans la zone d'essais pour limiter les effets environnementaux (Figure 4). En buis linéaires, chaque point de lâcher était placé à 1 m de chaque extrémité de la parcelle à la base du tronc (Figure 3). Les espèces de trichogrammes et les témoins (buis sans traitement) ont été disposés de manière randomisée entre les différents linéaires de buis pour limiter les effets environnementaux (Figure 4). Dans les deux cas, la même espèce de trichogramme était lâchée sur le même buis isolé ou sur la même parcelle élémentaire tout au long de l'expérimentation. De même, les parcelles témoin (buis isolés ou buis linéraires sans lâcher de trichogrammes) étaient toujours au même endroit. Les lâchers de trichogrammes sur les oeufs d'élevage ont été effectués de juillet à octobre au rythme d'un lâcher par semaine avec alternance d'une semaine sur deux buis linéaire/buis isolé. Pour les essais de dispersion (Figure 5), chaque point de lâcher était placé à 1 m d'une des extrémités à la base du tronc. Les essais ont été effectués entre août et octobre 2018. Les résultats ont été étudiés statistiquement grâce au logiciel R (régression linéaire).

Bilan de l'efficacité des trichogrammes

Suivi de la température

Les températures, pendant toute la durée de l'expérimentation, étaient en moyenne supérieures à 25 °C (Figure 6). L'expérimentation s'est arrêtée lors de la semaine 43 en raison de températures trop faibles (moins de 18 °C) et de l'absence de papillons piégés.

Taux d'efficacité des trichogrammes sur les oeufs de pyrale

Buis isolés : six lâchers sur oeufs d'élevage (douze répétitions) ont été effectués en buis isolés de mi-juillet à mi-octobre.

Les souches P et Tc sont les plus efficaces (p-value = 6,0 × 10-8) et parasitent davantage (p-value = 9,7 × 10-8) que la souche Y (Figure 7). Il faut aussi noter que les oeufs de pyrale du buis témoin ont été parasités, indiquant une dispersion des trichogrammes au-delà de chaque parcelle d'expérimentation.

En parallèle, les taux de parasitisme ont été comparés selon la température moyenne de la semaine d'exposition des oeufs d'élevage. Dans les essais en buis isolés, il n'y a pas eu d'impact significatif de la température sur le taux d'efficacité (p-value = 0,27) et sur le taux de parasitisme des trichogrammes (p-value = 0,58).

Buis linéaires : sept lâchers sur oeufs d'élevage (quinze répétitions) ont été effectués en buis linéaires de mi-juillet à mi-octobre. En ce qui concerne le taux d'efficacité, aucune différence significative n'apparaît entre les souches (p-value = 0,29) (Figure 8). Cependant, comme en buis isolés, Tc et P parasitent mieux que Y (p-value = 0,0019).

En parallèle, les taux de parasitisme ont été comparés selon la température moyenne de la semaine d'exposition des oeufs d'élevage. Il s'avère qu'en buis linéaire, plus les températures sont élevées, moins le taux de parasitisme des trichogrammes est élevé (p-value = 0,0016). En effet, la température maximum létale pour les trichogrammes est de 35 °C (Frandon, 2016) et l'optimum thermique se situe entre 17 et 27 °C en moyenne, selon les espèces (Russo et Voegelé, 1982).

Capacité de dispersion des trichogrammes

Étude de la dispersion en buis linéaires : six lâchers sur oeufs d'élevage ont été effectués en buis linéaires de mi-août à mi-octobre (six répétitions par souche).

Le taux d'efficacité de la souche P est négativement relié à la distance au point de lâcher (p-value = 0,045) : plus les oeufs du ravageur sont loin, moins ils sont touchés par les trichogrammes (Figure 9).

Impact de la forme des buis

Une meilleure dispersion des trichogrammes sur buis isolés

Les résultats d'efficacité des trichogrammes observés en buis isolés sont meilleurs que ceux des bordures. Sans doute en raison d'une meilleure dispersion des trichogrammes verticalement (géotropisme négatif et phototropisme positif) plutôt qu'horizontalement. Par ailleurs, étant donné l'impact négatif des hautes températures sur l'efficacité des trichogrammes, il est possible que la végétation et la densité des buis isolés, en donnant plus d'ombre et en ayant une plus grande évapo-transpiration, favorisent la survie et donc l'efficacité des trichogrammes. En effet, les résultats montrent que dans cette configuration les températures ne touchent ni le parasitisme ni l'avortement, contrairement à ce qui se passe en buis linéaire. Les témoins présentant du parasitisme par les trichogrammes montrent que les trichogrammes se sont dispersés au-delà des parcelles traitées, limitant la portée des résultats. Le comportement de dispersion étant contexte-dépendant, la capacité de dispersion des trichogrammes dans le buis est difficile à évaluer.

Vers une stratégie de lâchers

Efficacité vs coût

Les trichogrammes montrent une efficacité visible dans les conditions de l'essai mais insuffisante pour une utilisation seule. Les trichogrammes sont en effet sensibles aux fortes températures de l'été, d'où une action limitée sur les oeufs de la pyrale lors des vols de juillet/août. En 2018, dans nos essais, lors des pics de température de plus de 35 °C, moins de 80 % des trichogrammes ont émergé des plaquettes envoyées sur le terrain et l'efficacité observée a été quasiment nulle sur les oeufs de la pyrale. Ajouté à cela, les descendants ne peuvent être pris en compte étant donné la faible survie embryonnaire (Venard et al., 2016). Enfin, le BtK, qui a prouvé son efficacité, est moins onéreux (voir CR projet SaveBuxus).

Après ces essais, la souche Y (Trichogramma brassicae) est éliminée puisque son taux de parasitisme est toujours significativement inférieur à ceux des autres souches. En buis isolé, son efficacité totale est également moins bonne. Tc et P semblent équivalentes. Il n'est pas possible de les départager avec des critères d'efficacité mais il s'avère que la souche P Trichotop Buxus est thélytoque (c'est-à-dire, que sa population est constituée uniquement de femelles) et déjà commercialisée. Or, pour avoir la même efficacité entre une souche thélytoque et une souche bisexuée, et donc lâcher le même nombre de femelles, il faut produire plus de trichogrammes pour les souches bisexuées que pour les souches thélytoques. Sur ces critères, nous retenons la souche P.

En 2019, un des objectifs est de tester une stratégie de lâcher des parasitoïdes économiquement réaliste et de vérifier sa viabilité (fréquence et quantités) en combinaison avec d'autres méthodes de biocontrôle (Bacillus thuringiensis, piégeage) pour une protection durable des buis. Les essais se poursuivent à Villenave-d'Ornon avec Astredhor Sud-Ouest.

REMERCIEMENTS Ces études ont été possibles grâce au soutien financier de Plante & Cité, de l'interprofession Val'hor, de l'AFB via le plan Écophyto, de la région Pays de la Loire, de la Fondation de France et du ministère de la Culture.Nous tenons à remercier MM. Jean-Marc Deogratias, Nicolas Guibert et Vincent Andreola, d'Astredhor Sud-Ouest, sans le précieux concours de qui ces travaux n'auraient pu être menés à bien.

RÉSUMÉ

SAVEBUXUS - Afin de poursuivre la mise au point de la lutte contre la pyrale du buis, Cydalima perspectalis, à l'aide de trichogrammes, le programme national SaveBuxus se prolonge jusqu'à décembre 2019.

ÉTUDE - Après un screening d'une cinquantaine de souches de trichogramme en laboratoire, trois espèces ont été retenues pour les essais in situ de 2018 : Trichogramma brassicae, Trichogramma dendrolimi et la souche du produit Trichotop Buxus (commercialisée depuis 2016 en France). Les essais ont eu lieu sur un site expérimental d'Astredhor Sud-Ouest sur des buis infestés grâce aux pyrales de l'élevage de l'Inra UEFM Antibes. Des lâchers hebdomadaires des trois espèces de trichogrammes ont été réalisés pendant toute la période de vol du ravageur, entre juin et octobre, sur buis linéaires et buis isolés. En 2018, la densité du ravageur insignifiante n'a pas permis d'évaluer l'efficacité des trichogrammes pour parasiter et tuer les oeufs de pyrale. Il y a donc eu recours à des oeufs d'élevage produits au laboratoire de l'Inra d'Antibes et envoyés avec des brins de buis sur le terrain. Les brins portant les oeufs étaient disposés le jour de réception sur les buis de la zone d'essai. Au bout de 5 jours, ils étaient récupérés et renvoyés à Antibes pour mise en incubation 6 jours à 25 °C avant analyse des taux d'avortement et de parasitisme des oeufs. La capacité de dispersion des trichogrammes a également été évaluée.

MOTS-CLÉS - Cydalima perspectalis, trichogrammes, efficacité, dispersion, parcs et jardins, biocontrôle.

Impact de la température sur la dispersion des trichogrammes dans le buis

En 2017, des essais ont été menés sur des buis linéaires de 2 m de long et 30 cm de hauteur avec des brins de buis disposés tous les 20 cm portant 50 ± 5 oeufs de pyrale pondus la veille. Un lâcher de 3 000 femelles trichogramme était effectué à 20 °C, 25 °C et 30 °C (températures moyennes des lâchers de trichogramme sur buis en extérieur qui vont de juin à octobre).

Cinq jours après, les brins et oeufs étaient retirés et mis en incubation à 25 °C, 75 % HR pendant sept jours. Les trois souches : Y, P et Tc ont été testées. Le nombre d'oeufs avortés, parasités et éclos était noté. L'efficacité globale et le parasitisme, en différents points du buis, ont été étudiés.

Pour étudier la dispersion, des équations de dispersion souche par souche ont été utilisées pour déterminer la distance à laquelle chaque souche a, au minimum, une efficacité de 10 % ; ce pourcentage correspond à l'avortement naturel des oeufs de pyrale en laboratoire.

Il a été montré que plus les températures augmentent, moins les trichogrammes se dispersent. Du parasitisme a été trouvé jusqu'à 180 cm à 20 °C, jusqu'à 160 cm à 25 °C et jusqu'à 80, 120 ou 140 cm à 30 °C selon les souches. Le taux d'efficacité diminue en fonction de la distance au point de lâcher, et ce, d'autant plus que la température est élevée. Par exemple, à 25 °C, l'efficacité est divisée par deux (de 90 à 45 %) entre le point au niveau de la zone de lâcher et celui situé à 80 cm pour les trois souches (Figure 1).

La dispersion des trichogrammes d'une parcelle à une autre peut être due au vent ou encore à la bonne capacité de dispersion des trichogrammes in situ (malgré les résultats limités obtenus dans nos essais en laboratoire). Malgré des collectes ciblées au centre des parcelles, la taille des zones tampon ainsi que l'écart entre les bordures et les buis isolés mériteraient d'être augmentés pour limiter cette dispersion. En effet, dans nos essais in situ, les trichogrammes se déplacent au-delà de 7 m puisque l'efficacité est supérieure à 10 %. Les trichogrammes se dispersent naturellement par le saut et la course (ils volent très mal). À cause de leur petite taille, ils sont affectés par les structures couvrant la surface des plantes et ont une faible capacité de vol (Romeis et al., 2005 in Aubry, 2008). Par exemple, la dispersion des trichogrammes (Trichogramma minutum) en verger de pommiers est très faible dans les parcelles voisines de la zone de lâcher pendant les semaines de lâchers (Aubry, 2008). La dispersion est limitée dans un verger et le risque pour les insectes non ciblés est confiné à la proximité immédiate du verger (Mills et al., 2000 in Aubry, 2008). Le parasitisme de T. platneri décline de 62 % au point de lâcher jusqu'à 10 % à une distance de 14 m en vergers de pommiers (McDougall et Mills, 1997 in Aubry, 2008). Bitume & al. (2011) présentent trois raisons générales à la dispersion des organismes : échapper à la concurrence en profitant de la variabilité temporelle de leur habitat, échapper à la concurrence entre parents et éviter la consanguinité.

Gingras & al. (2003) repris par Ayvaz & al. (2008) signalent que les femelles trichogrammes ne se dispersent pas obligatoirement, car elles concentrent leur recherche d'hôtes essentiellement à la base des plantes et à proximité du point de lâcher. Cependant, la dispersion des trichogrammes dépend entre autres de l'espèce, du climat, des kairomones émises par l'hôte ainsi que de la plante-hôte.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : elisabeth.tabone@inra.fr

LIENS UTILES : https://www.plante-et-cite.fr/projet/fiche/86/savebuxus_ii_developper_des_strategies_combinees_pour_proteger_les_buis_2018_2020/n:25

https://www6.paca.inra.fr/entomologie_foret_med/Projets/Evaluer-des-solutions-de-biocontrole-de-la-pyrale-du-buis-en-espace-vert-projet-SaveBuxus

BIBLIOGRAPHIE : - Colombel E., Venard M., Tabone É., 2017, Technique d'élevage des trichogrammes. Cahier des techniques Inra, Entomologie, chapitre 2, article 9.

- Feldtrauer J. F., Feldtrauer J. J., Brua C., 2009, Premiers signalements en France de la Pyrale du Buis Diaphania perspectalis (Walker, 1859), espèce toxique envahissante s'attaquant aux Buis (Lepidoptera, Crambidae), Bull. Soc. Ent. Mulhouse, 65 (4) : 55-58.

- Mally R. and Nuss M., 2010, Phylogeny and nomenclature of the box tree moth, Cydalima perspectalis (Wlaker, 1859) comb. n., which was recently introduced into Europe (Lepidoptera : Pyraloidea : Cambridae : Spilomelinae), Eur. J. Entomol., 107 : 393-400.

- Maruyama T., Shinkaji N., 1993, Studies oft he Life oft he Box-Tree Pyralid, Glyphodes perspectalis (Walker) (Lepidoptera : Pyralidae). III. Photoperiodic induction of larval diapause. Jpn. J. Appl. Ent. Zool., 37 : 45-51.

- Venard M., Enriquez T., Colombel E., Tabone É., Étude de la génération fille des parasitoïdes (F1) dans la mise en place d'un programme de lutte biologique contre la pyrale du buis, Cydalima perspectalis (Walker, 1859) (Lepidoptera : Crambidae), AFPP,4e conférence sur l'entretien des jardins végétalisés et infrastructures, Toulouse, 19 et 20 octobre 2016.

Cet article fait partie du dossier Jardins, espaces verts, forêts une lutte sans frontière

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