À 57 ans, Christian Durlin est plongé dans les problématiques de protection des cultures depuis quasiment son installation en 1992 en polyculture-élevage dans le Pas-de-Calais. 50 % des surfaces sont consacrées aux céréales, 25 % à la pomme de terre, 20 % à la production légumière. Une partie est en agriculture biologique. « Nos légumes sont en concurrence avec ceux des pays du nord de l'Europe, explique le producteur, président du pôle légumes de la région Nord depuis 2001. Mais il existe une distorsion de concurrence : nos voisins peuvent utiliser des spécialités phytosanitaires non autorisées en France. »
Distorsion de concurrence
Avant 2001, il était membre de la section légumes de la FDSEA 59-62. « Ce sujet était déjà une préoccupation forte. Si nous sommes sur un marché unique européen, les conditions de production doivent également être uniques. La reconnaissance mutuelle des spécialités phytosanitaires devait faire avancer les choses. Mais cela n'a pas été vraiment le cas en France. » Conséquence : des usages orphelins apparaissent. « S'il y a dix ans, cela touchait des productions très spécifiques, aujourd'hui d'autres sont concernées. Des filières sont ainsi mises en danger. » Depuis 2018, en tant que vice-président de la Commission Environnement de la FNSEA, Christian Durlin se focalise sur d'autres questions liées à la protection des cultures pour prendre position et/ou proposer des solutions.
Sortie du glyphosate
« À la suite de la décision française prise en 2017 d'interdire le glyphosate à échéance de trois ans (au lieu de cinq au niveau européen), nous avons pris trois positions. Premièrement, on ne peut pas, une fois de plus, créer une distorsion de concurrence au sein de l'UE. Deuxièmement, l'arrêt du glyphosate conduira à des impasses techniques et économiques. Il est en effet indispensable en agriculture de conservation, en productions légumières pour gérer les vivaces, en viticulture pour désherber en sol caillouteux ou à forte pente et enfin pour gérer des plantes invasives (datura, ambroisie...). Le glyphosate permet aussi aux exploitations des régions intermédiaires de réduire les interventions mécaniques. Leurs coûts de production vont augmenter, fragilisant encore plus leurs marges. Troisièmement, le glyphosate entre dans une stratégie plus globale, notamment celle du stockage du carbone dans le sol. Il faut avoir une vision d'ensemble de l'activité agricole et non par "silo". »
Contrat de solutions
Christian Durlin intervient auprès des pouvoirs publics et de l'Anses pour leur expliquer les conséquences de leurs décisions. « Mais nous essayons aussi de proposer des solutions car on ne peut ignorer les attentes sociétales. » D'où la création du Contrat de solutions en 2018 pour mettre en oeuvre des solutions alternatives au tout chimique. « Nous devrions atteindre la centaine de fiches-solutions fin 2020. Chacun doit ensuite prendre celles applicables chez lui. Écophyto avait le même but. Mais afficher un objectif de réduction des usages de 25 % pour 2020 et de 50 % pour 2025 n'avait pas de fondements techniques car les alternatives connues ne permettaient pas de les atteindre. Il y a tout en travail de reconception qui est difficile et qui prendra du temps. Nous, nous partons des solutions de terrain pour construire une stratégie de réduction des phytos. Cette démarche est rassurante pour l'agriculteur. »
Charte de bon voisinage
Sujet actuel brûlant : les ZNT. « Nous étions déjà en action sur ce dossier depuis juillet 2018 avec la mise en oeuvre d'une charte de bon voisinage pour gérer la protection des riverains dans le Contrat de solutions. Mais le gouvernement a relié la protection des riverains à une notion de distance. Résultat : personne n'est satisfait de la loi. Nous préconisons l'instauration de haies, l'utilisation de buses antidérive, des horaires de traitement adaptés... Mais sans validation scientifique, cette approche technique n'est pas reconnue par le gouvernement. Nous allons maintenant encourager tous les départements à écrire leur charte pour que la ZNT puisse être réduite à 5 mètres en cultures hautes et 3 mètres en cultures basses (au lieu de 10 mètres et 5 mètres). La notion de charte est très importante pour nous car sa rédaction permet de rassembler tous les acteurs, professionnels de l'agriculture et société civile, pour échanger. C'est un moyen de décompression sociale. »
Conseil stratégique et spécifique
La future séparation du conseil et de la vente ne sera pas non plus sans conséquences pour les producteurs. « Se posent la question du coût du conseil (stratégique, spécifique) synonyme de charge supplémentaire, et celle de la responsabilité. » En effet, pour qu'un conseiller puisse avoir son agrément, il devra proposer des réductions de produits phyto. « Mais si l'agriculteur considère que celles-ci sont trop risquées, qui sera responsable de la non-application d'un conseil ? Le conseil stratégique pourrait être un échange pour identifier quelques leviers simples permettant de réduire l'usage des produits phyto sur chaque exploitation. C'est la démarche qui fera le moins de dégâts car les agriculteurs seront acteurs de leur stratégie et ne la subiront pas. Mais il y a aujourd'hui une mouvance qui dit que le système agricole actuel doit être complètement changé ! Si tel est le cas, beaucoup d'agriculteurs resteront sur le bord de la route ! »
BIO EXPRESS
CHRISTIAN DURLIN
1992. S'installe sur une exploitation de polyculture-élevage à Richebourg dans le bassin légumier (Pas-de-Calais).
2001. Président du pôle légumes de la région Nord, fonction qu'il occupe toujours à ce jour.
2011. Président de la FDSEA 62 (Pas-de-Calais).
2014. Devient administrateur à la FNSEA (Paris).
2015. Laisse la présidence de la FDSEA 62 et devient vice-président.
2018. Est nommé vice-président de la Commission Environnement de la FNSEA.
2019. Est élu président de la chambre d'agriculture Nord-Pas-de-Calais.