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DOSSIER - Multifonctionnalité des bords des champs

Les bandes fleuries sont-elles utiles en protection des cultures ?

JOHANNA VILLENAVE-CHASSET* ET SANDRINE LEBLOND***Flor'Insectes - Ancourteville-sur-Héricourt. **BASF-France division Agro - Écully. - Phytoma - n°736 - septembre 2020 - page 18

L'entomofaune auxiliaire varie selon la composition des aménagements semés en bord de parcelle de blé et pourrait intervenir dans la culture.
 Photos : 1. V. Joulia-Guignard. 2. J. Villenave-Chasset

Photos : 1. V. Joulia-Guignard. 2. J. Villenave-Chasset

 Photos : J. Villenave-Chasset

Photos : J. Villenave-Chasset

3. Pollen de carotte (Daucus carota). 4. Pollen de cirse (Cirsium arvense). 5. Contenu d'un tube digestif de chrysope.

3. Pollen de carotte (Daucus carota). 4. Pollen de cirse (Cirsium arvense). 5. Contenu d'un tube digestif de chrysope.

 Plusieurs mélanges fleuris ont été étudiés dans un objectif de pérennisation. Ici, bandes fleurie BF9 en mai de la sixième année (photo 6) et de la septième année (photo 7).

Plusieurs mélanges fleuris ont été étudiés dans un objectif de pérennisation. Ici, bandes fleurie BF9 en mai de la sixième année (photo 6) et de la septième année (photo 7).

 Photos : J. Villenave-Chasset

Photos : J. Villenave-Chasset

Fig. 1 : Abondance cumulée des auxiliaires butinant les fleurs les plus visitées dans les bandes fleuries de mai à août 2016 et 2017

Fig. 1 : Abondance cumulée des auxiliaires butinant les fleurs les plus visitées dans les bandes fleuries de mai à août 2016 et 2017

Fig. 2 : Moyenne des grains de pollen consommés par les chrysopes collectés de mai à août 2016 et 2017 à Marchélepot

Fig. 2 : Moyenne des grains de pollen consommés par les chrysopes collectés de mai à août 2016 et 2017 à Marchélepot

Fig. 3 : Moyenne des grains de pollen consommés par les syrphes collectés de mai à août 2016 et 2017

Fig. 3 : Moyenne des grains de pollen consommés par les syrphes collectés de mai à août 2016 et 2017

Fig. 4 : Abondance des auxiliaires liés aux fleurs collectés de mai à août 2018 dans les cultures de blé avec (BF) ou sans bande fleurie (rien) à Marchélepot

Fig. 4 : Abondance des auxiliaires liés aux fleurs collectés de mai à août 2018 dans les cultures de blé avec (BF) ou sans bande fleurie (rien) à Marchélepot

 8. Une femelle de syrphe porte-plume (Sphaerophoria scripta) volant vers une fleur d'achillée millefeuille (Achillea millefolium) pour y consommer du pollen.       > 9. Femelle de chrysope (Chrysoperla sp.) se nourrissant du pollend'une ortie (Urtica dioica) qui héberge le puceron de l'ortie.Ce puceron spécifique n'ira sur aucune autre espèce végétale.

8. Une femelle de syrphe porte-plume (Sphaerophoria scripta) volant vers une fleur d'achillée millefeuille (Achillea millefolium) pour y consommer du pollen. > 9. Femelle de chrysope (Chrysoperla sp.) se nourrissant du pollend'une ortie (Urtica dioica) qui héberge le puceron de l'ortie.Ce puceron spécifique n'ira sur aucune autre espèce végétale.

 Photos : J. Villenave-Chasset

Photos : J. Villenave-Chasset

Fig. 5 : Abondance des pucerons observés et collectés de mai à août 2018 dans les cultures de blé avec (BF) ou sans bande fleurie (rien) à Marchélepot

Fig. 5 : Abondance des pucerons observés et collectés de mai à août 2018 dans les cultures de blé avec (BF) ou sans bande fleurie (rien) à Marchélepot

Depuis 2012, créé à l'initiative de la société BASF, le programme expérimental BiodiversID montre qu'il est possible de conjuguer compétitivité et biodiversité à l'échelle d'un territoire en combinant aménagements agroécologiques, bonnes pratiques culturales et phytosanitaires. Le projet BiodiversID vise à acquérir des références, et soixante-trois exploitations s'y sont engagées dont une vingtaine de manière active. Ainsi, des aménagements aux abords des parcelles agricoles (grandes cultures et verger) ont été mis en place à Marchélepot (Somme) pour essayer de favoriser les pollinisateurs tels que les abeilles mellifères. Mais sont-ils aussi attractifs pour l'entomofaune auxiliaire susceptible d'apporter des bénéfices dans la régulation des bioagresseurs des cultures ?

La faune auxiliaire, un indicateur de biodiversité

Sur la ferme de Marchélepot, exploitation agricole conduite en agriculture raisonnée, ont été installés, dans le cadre du programme BiodiversID, divers aménagements de bandes fleuries (BF) à intérêt pour les insectes, de haies, de buissons sous les pylônes à haute tension, de nichoirs à oiseaux. Un petit rucher de trois ruches est également présent sur l'exploitation.

Outre des suivis de pollinisateurs et oiseaux, depuis 2016, des inventaires de l'entomofaune auxiliaire ont été réalisés dans des bandes fleuries de compositions différentes afin de les comparer et d'évaluer les efficacités respectives de leur attractivité. L'impact de ces aménagements sur la présence en quantité et diversité des auxiliaires dans les cultures adjacentes de blé a également été vérifié.

Les indices de biodiversité de la faune auxiliaire sont vus comme de bons indicateurs d'une biodiversité élargie (Thierry et al., 2005) du fait du régime alimentaire mixte combinant la prédation de phytophages et la flore sur laquelle les adultes se nourrissent de pollen et de nectar (en alimentation stricte ou mixte). Ces arthropodes auxiliaires permettent donc d'estimer une part de l'efficacité d'une gestion écologique d'un site pour favoriser la biodiversité. Ils sont, par ailleurs, un bon support de communication sur l'importance d'une gestion écologique de la protection des plantes en substitut de l'utilisation des insecticides.

Bandes fleuries : matériels et méthodes

Des protocoles simples

Une partie du protocole découle du programme Casdar Auximore(1), ce projet ayant eu comme objectif de réaliser des protocoles validés scientifiquement tout en restant facilement réalisables afin que les conseillers agricoles ou les agriculteurs puissent faire par eux-mêmes les suivis sur leurs bordures et leurs parcelles agricoles. Cette étude de comparaison des bandes fleuries complète les résultats du programme Casdar Muscari(2).

Présentation du site d'expérimentation

La ferme de Marchélepot est une exploitation de grandes cultures en agriculture conventionnelle située dans la Somme. Ses rotations sont plutôt longues, avec l'intégration de cultures légumières de plein champ aux cultures de céréales (50 % de l'assolement), betteraves (15 %), pommes de terre (20 %), légumineuses (10 %) et lin fibre (5 %). Cette exploitation permet, avec ses productions, de nourrir 6 879 personnes/an(3).

Le paysage est typique de la plaine agricole de Picardie : parcelles de taille moyenne (moins de 10 hectares), quelques bosquets mais peu de haies. Les parcelles, même si elles sont de taille peu importante, se touchent sans aucune bordure ou bande végétale sauvage entre elles.

Les bandes fleuries ont été semées depuis 2012 dans un objectif de pérennisation avec une densité de 2 g/m², à l'aide d'un semoir d'une largeur de 3 m, mais qui peut être bouché selon la largeur de la bande fleurie. Elles sont un peu partout sur l'ensemble de l'exploitation en bordure de parcelle, le plus souvent le long d'une haie, et certaines sur des largeurs importantes d'environ 12 m. Mais il vaut mieux des petites surfaces de bandes fleuries réparties de manière homogène sur l'ensemble de l'exploitation.

Les mélanges pour bandes fleuries testés

Plusieurs mélanges de bandes fleuries ont été étudiés, provenant tous du semencier Nungesser. Deux mélanges (Pronectar et Sedamiel) ont pour objectif de nourrir les abeilles et surtout l'abeille à miel, Apis mellifera, en apportant des plantes sources de nectar telles que la phacélie (Phacelia tanacetifolia), la bourrache (Borago officinalis), la vipérine (Echium vulgare) ou encore des fabacées (trèfles, sainfoin...). Pour les auxiliaires (chrysopes, syrphes, parasitoïdes, coccinelles...), on recherchera préférentiellement des plantes sources de pollen accessible avec des fleurs peu profondes : astéracées, apiacées, rosacées, et des plantes hébergeant des proies de substitution pouvant servir de plantes relais (par exemple : les fabacées ou le bleuet, qui sont couverts de pucerons en début de saison). Ainsi, un autre mélange (Biodiversité), plus diversifié en fleurs sauvages, est composé de plantes à pollen accessible pour les auxiliaires (astéracées, apiacées...) et à nectar (fabacées).

Relevés des arthropodes et des plantes en fleurs

En 2016 et 2017, cinq relevés ont été réalisés annuellement avec un intervalle d'environ trois semaines entre le 15 mai et le 15 août. Plusieurs mélanges fleuris ont été analysés et nous avons évalué l'impact de quelques-uns sur la présence en quantité et diversité des insectes auxiliaires dans ou à proximité immédiate des parcelles de blé. En 2018, nous avons comparé une parcelle de blé avec en bordure une bande fleurie (BF9 dont la composition est détaillée plus loin) et une sans bande fleurie, en réalisant des relevés dans le blé jusqu'à 100 m de la bordure.

Les parcelles de blé se déplaçant avec la rotation chaque année, les bandes fleuries ne sont pas les mêmes en bordure de la parcelle d'une année à l'autre. De plus, les compositions sont différentes et ne s'expriment pas forcément de la même façon en fonction des dates de semis, de la nature du sol et des conditions météorologiques. Il était donc important de noter à chaque observation les plantes en floraison. Outre leur possible recrutement depuis le stock local, les espèces végétales recensées proviennent toutes du semencier Nungesser, basé dans l'est de la France.

Pour faire le lien entre les auxiliaires et les plantes présentes, différentes observations ont été réalisées soit directement sur les fleurs, soit en analysant le contenu du tube digestif. On identifie ainsi le régime alimentaire préférentiel des insectes auxiliaires palynophages (se nourrissant de pollen) au stade adulte (chrysopes, syrphes, etc.).

Pour chaque relevé, sont mis en oeuvre :

- un appareil photographique pendant 15 minutes d'observation pour les pollinisateurs et autres insectes volants butinant les fleurs dans chaque bande fleurie ;

- un filet fauchoir pour collecter les petits insectes volants, en réalisant cent coups de filets (photo 1 p. 18) ;

- un piège Barber (un pot de miel vide de 1 kg enfoncé dans le sol pour collecter les arthropodes rampants) dans chaque bande fleurie et chaque parcelle de blé, à 10 m, 50 m, et 100 m en 2018, pour collecter les insectes rampants (Carabidae et Staphylinidae) (photo 2 p. 18).

Analyse du pollen

La plupart des insectes auxiliaires ont une alimentation mixte composée de proies, de miellat, de pollen et de nectar :

- les femelles micro-hyménoptères parasitoïdes ont besoin de pollen et de nectar pour pouvoir pondre, donc exercer leur régulation parasitoïde (Hocking, 1967) ;

- les prédateurs tels que les chrysopes et les syrphes sont glycopalynophages (consomment du miellat, du nectar et du pollen) au stade adulte (Villenave et al., 2005 ; Wratten et al., 2003) ;

- les prédateurs comme les coccinelles consomment au stade adulte des pucerons mais également du pollen (Hoogendoorn et Heimpel, 2004).

Afin de déterminer les plantes exploitées, c'est-à-dire celles qui sont source de nourriture pour les auxiliaires, les pollens consommés par les chrysopes et les syrphes collectés ont été identifiés sous microscope × 100.

Les insectes sont disséqués directement sur lames, le contenu du tube digestif est déversé dans une gouttelette d'eau et après séchage, le pollen est coloré en rose par la fuchsine (photos 3, 4 et 5 page précédente). Enfin, les grains de pollens sont identifiés grâce aux photos de référence de l'Inrae Le Magneraud (Villenave, 2006 ; Villenave-Chasset et Denis, 2013).

Calculs d'indices de biodiversité

Les analyses statistiques permettent de comparer pour chaque bande fleurie la structure globale du peuplement d'insectes ou l'état d'un même peuplement saisi à des moments différents. Il est en général conseillé d'utiliser plusieurs indices afin de décrire la structure d'un peuplement, ceci dans le but de minimiser les erreurs d'interprétation. Pour cette analyse, trois indices ont été retenus qui sont aussi les plus utilisés :

- l'indice de richesse spécifique de Margalef qui représente le nombre d'espèces ;

- l'indice de diversité de Shannon-Weaver qui rend compte de la diversité spécifique du peuplement ;

- et l'indice d'équitabilité de Hurlbert qui prend en compte la diversité maximale, la diversité minimale et la diversité observée (Barbault, 1992).

Résultats : des bandes fleuries plus ou moins attractives

Composition des bandes fleuries

Les BF3 (21 espèces) et BF4 (32 espèces) sont destinées normalement aux pollinisateurs car composées essentiellement de plantes à nectar telles que la bourrache, la phacélie, la nielle des blés (Agrostemma githago), la luzerne, (Medicago sativa), le mélilot jaune (Melilotus officinalis), les trèfles (Trifolium spp.), la linaire commune (Linaria vulgaris).

La BF5 (mélange Sedamiel, 30 espèces), normalement destinée aux abeilles à miel Apis mellifera, est un mixte de plantes à pollen et à nectar telles que le bleuet (Centaurea cyanus), le chrysanthème des moissons (Chrysanthemum segetum), le tournesol (Helianthus annuus), la luzerne, le mélilot jaune et les trèfles.

Les BF6 et BF9 (Biodiversité) sont plutôt composés de fleurs sauvages, avec une vingtaine d'espèces telles que le réséda jaune (Reseda lutea), la mauve (Malva sylvestris), la marguerite (Leucanthemum vulgare), les compagnons blancs et rouges (Silene spp.), qui sont des plantes des prairies ou messicoles (chrysanthème des moissons, nielle des blés) où le pollen est souvent accessible pour les insectes à langue courte (chrysopes, syrphes...).

La BF10 (Oiseaux) est composée de plantes susceptibles de nourrir les oiseaux grâce à leurs graines comme les astéracées dont le bleuet, le coquelicot ou encore le plantain (Plantago spp.).

Dans toutes les bandes fleuries, on retrouve quelques plantes spontanées telles que rumex, amarantes (Amaranthus spp.), chénopodes (Chenopodium spp.), cirses, ortie (Urtica dioica), plantains, mais de façon peu envahissante.

Bandes fleuries les plus diversifiées en auxiliaires

Le tableau présente les indices de biodiversité calculés pour ces aménagements fleuris, qui prennent en compte le nombre d'espèces, c'est-à-dire la richesse spécifique, ainsi que la quantité d'auxiliaires.

La BF3 a le plus grand indice de richesse spécifique, et donc le plus grand nombre d'espèces. Elle est composée de nombreuses plantes spontanées telles que les matricaires et rumex. La BF10 a les plus grands indices de diversité (Shannon-Weaver) et d'équitabilité, ce qui signifie que la population d'auxiliaires est la moins déséquilibrée car les espèces sont représentées de façon équitable sans espèces dominantes. Toutefois, les syrphes abondaient (Figure 1), attirés par les marguerites et les chrysanthèmes présents en quantité. Si on croise avec le nombre d'espèces floristiques, la BF3 est la plus pauvre. Il ne semble donc pas qu'il y ait forcément un lien entre la diversité floristique et la biodiversité en entomofaune auxiliaire.

Fleurs butinées par les auxiliaires dans les bandes fleuries

En cumulé, 1 152 insectes ont été observés et collectés en 2016 et 2017 sur des fleurs, dont en termes d'abondance 67 % sont des abeilles Apidae (Apis mellifera, Bombus spp.) et 23 % sont des syrphes. Quelques chrysopes, coccinelles, papillons, cantharides et abeilles solitaires (andrènes) ont aussi été observés.

Les syrphes sont plus nombreux (Figure 1), surtout sur les fleurs de matricaires camomilles (Matricaria chamomilla), aneths (Anethum graveolens), anthémis et chrysanthème des moissons (Chrysanthemum segetum). Les coccinelles sont nombreuses sur les aneths, camomilles, mélilots (Melilotus officinalis), moutardes (Sinapis arvensis) et orties (Urtica dioica). Les chrysopes se trouvent plus sur les bleuets (Centaurea cyanus), cirses (Cirsium arvense), cardères (Dipsacus fullonum) et leurs oeufs sur phacélie (Phacelia tanacetifolia). Les cantharides, également de bons prédateurs, visitent les achillées millefeuilles (Achillea millefolium), cirses, cardères et mélilots.

Analyse du pollen consommé par les syrphes et les chrysopes

Quarante individus ont été disséqués sur 2016 et 2017 : 53 % des syrphes et 47 % des chrysopes. Les chrysopes consomment plus largement du pollen de carotte dans les bandes fleuries, aimant les pollens des fleurs d'apiacées qui sont accessibles très facilement (Figure 2). On trouve également des grains de pollen de plusieurs espèces de chénopodes, de silènes et d'astéracées (matricaire, etc.). Les astéracées, notamment les matricaires présentes en très grand nombre dans la BF3 et la BF10, sont butinées par les syrphes (Figure 3), ce qui explique entre autres, leur forte abondance dans les bandes fleuries.

Les pollens des plantes les plus retrouvées dans les analyses sont :

- les astéracées (matricaire, anthémis, marguerite, achillée millefeuille, bleuet type sauvage) ;

- les apiacées (aneth et carotte) ;

- les caryophyllacées (compagnons rouges et blancs).

Les bandes fleuries offrent une source de pollen intéressante en quantité et diversité, nécessaire pour les auxiliaires. Leur composition, tant en termes de choix des espèces que de quantité de plantes favorables, influe sur l'attractivité de certains auxiliaires. Par exemple si on souhaite attirer plus de syrphes et de coccinelles pour une problématique de pucerons arrivant tôt au printemps, on choisira plutôt des apiacées (aneth) et des astéracées (matricaire, marguerite) fleurissant précocement.

Impact des auxiliaires sur les cultures de blé

Comparaison des parcelles de blé avec ou sans bande fleurie en 2018

Nous avons souhaité savoir si les auxiliaires étaient plus nombreux dans une parcelle de blé en bordure de bande fleurie par rapport à une parcelle sans aucune bande fleurie et surtout si les auxiliaires s'introduisaient jusqu'à 100 m de la bande fleurie dans la parcelle de blé (en restant éloigné des autres éléments paysagers qui pouvaient faire interférence, comme le bord de route). Les phytophages n'ont pas été pris en compte. L'abondance en auxiliaires floricoles au stade adulte (chrysopes, coccinelles, syrphes, parasitoïdes) est plus importante à 100 m de la bande fleurie dans la culture de blé qu'en bordure, avec peu de pertes depuis la bande fleurie (Figure 4).

Les femelles après s'être nourries de pollen sont venues pondre dans la parcelle de blé, là où il y avait des proies pour leurs jeunes (Figure 5 page suivante). Ces proies sont des pucerons des céréales que l'on ne trouve pas sur les fleurs de la bande fleurie. Les bandes fleuries ont un impact positif pour la reproduction des chrysopes et des hyménoptères.

Discussion et conclusion

Les bandes fleuries, réservoirs d'auxiliaires

Nos résultats confirment que les bandes fleuries sont de bons réservoirs d'auxiliaires (Helden van et Decante, 2002) et qu'elles sont susceptibles d'augmenter la biodiversité fonctionnelle de régulation au sein de l'exploitation agricole. Les auxiliaires tels que les chrysopes, syrphes, coccinelles, punaises prédatrices et parasitoïdes y trouvent du pollen pour pouvoir se reproduire ou des proies de substitution.

Pour la protection de la culture de blé, on peut faire l'hypothèse que les meilleures bandes fleuries sont celles qui fleurissent avant la levée du blé et jusqu'à la moisson. Il faut pour cela disposer d'un certain étalement de l'offre de ressources et cela peut aller de pair avec une diversité élevée de plantes sauvages représentant différentes familles botaniques (astéracées, caryophyllacées, lamiacées, fabacées, etc.).

Ainsi, on peut accepter quelques plantes spontanées (plantains, rumex, cirses, cardères, orties) qui sont sources de pollen et de nectar pour les syrphes et les chrysopes et pouvant héberger des proies de substitution. Les pucerons de l'ortie sont spécifiques à l'ortie et n'iront jamais sur une autre plante. Pour leur entretien, on évitera de broyer les bandes fleuries et spontanées en même temps. Il est important de disposer de réservoirs dans lesquels les auxiliaires peuvent se réfugier et se nourrir pour les conserver sur les parcelles de l'exploitation agricole.

Une ressource utile pour la culture, selon la composition végétale

Dans un objectif de protection de la culture de blé, il est toutefois nécessaire de porter attention à la composition des bandes fleuries. Il faut avant tout des plantes sources de pollen facilement accessibles aux auxiliaires qui ont des « langues » courtes : apiacées, astéracées, caryophyllacées, rosacées...

Ainsi, grâce aux différentes observations sur fleurs et les analyses des contenus des tubes digestifs, il est plus facile de composer une bande fleurie à syrphes (apiacées, astéracées, polygonacées), à chrysopes (apiacées, astéracées, caryophyllacées, urticacées), à coccinelles (apiacées, urticacées, etc.) ou encore à abeilles à miel (phacélie - hydrophyllacées, mélilots et autres fabacées, etc.).

Pour conserver la bande fleurie pleine de fleurs, diversifiée et fonctionnelle, et ce malgré les années après le semis, un simple broyage après montée en graines en août peut suffire, si on choisit un mélange de plantes annuelles, bisannuelles et vivaces au plus proche de la flore sauvage. On peut conserver ainsi une bonne bande fleurie au minimum cinq ans, et dix ans maximum. Il est donc important de se renseigner auprès de son semencier. Les semenciers de plantes sauvages en France sont : Nungesser dans l'est de la France (fournisseur des bandes fleuries de Marchélepot), Novaflore et Econseeds dans l'Ouest, Le jardin du naturaliste dans les Hauts-de-France, Phytosem dans le Sud-Est, Les jardins de Sauveterre dans le Sud-Ouest, Semences du Puy en Auvergne. L'essai a permis d'observer que les auxiliaires présents dans les bandes fleuries se déplaçaient vers les plantes cultivées pour pondre dans ou à proximité des colonies de pucerons sur les épis de blé.

Étudier les effets bénéfiques sur les cultures

Cette expérimentation complète d'autres projets de recherche, tels que le projet Gargamel, qui recherchait des moyens de quantifier la régulation à partir des bandes fleuries et les meilleures compositions selon les types de cultures. On peut ainsi souligner l'intérêt de notre étude pour la culture de blé traditionnelle sur une exploitation grandes cultures de la Somme, et l'intérêt d'aménagements agroécologiques pour la biodiversité en zone de grandes cultures conventionnelles. En revanche, nous n'avons pas mesuré ici l'effet global de la prédation des auxiliaires sur les ravageurs des cultures ni mesuré si l'effet des bandes fleuries peut favoriser les bioagresseurs. Nous ne pouvons notamment pas dire si cela autorise ou non à faire une impasse sur d'autres méthodes de contrôle. Ceci pourrait être travaillé dans le futur.

L'étude montre que, sur ce territoire, l'implantation de petites surfaces réparties régulièrement, tous les 200 m, sur des zones non cultivables de l'exploitation rendrait possible une nouvelle agriculture conciliant rendement et respect de la biodiversité. Il y a sans doute matière à accroître la performance de ces infrastructures agroécologiques par un choix judicieux des espèces.

(1) arena-auximore.fr(2) www.herbea.org(3) perfalim.com

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Le programme expérimental BiodiversID, mis en place par BASF depuis 2012, vise à acquérir des références sur les systèmes de cultures et aménagements permettant de conjuguer développement de la biodiversité à l'échelle d'un territoire et maintien de la compétitivité des exploitations agricoles.

ÉTUDE - Des suivis entomologiques et floristiques menés de 2016 à 2018 dans le cadre de BiodiversID sur une exploitation de la Somme ont permis de vérifier l'impact de bandes fleuries sur l'entomofaune auxiliaire, qui pourrait ensuite se retrouver dans la culture de blé adjacente.

RÉSULTATS - Les bandes fleuries constituent des réservoirs d'auxiliaires. Il est possible d'influer ces populations en choisissant une composition végétale adaptée et en raisonnant leur gestion. Selon l'étude (observations 2018 avec et sans bande fleurie), les auxiliaires de la bande fleurie pénètrent dans la culture adjacente.

MOTS-CLÉS - Bandes fleuries, biodiversité, systèmes de culture, entomofaune auxiliaire, bords de parcelles.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACTS :

johanna_villenave@hotmail.com

sandrine.leblond@basf.com

BIBLIOGRAPHIE : - Barbault R., 1992, Écologie des peuplements, structure, dynamique et évolution, Masson Eds, Paris, 274 p.

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- Canard M., Danflous S., Thierry D. Tillier P., Villenave-Chasset J., 2019, Cinquième complément à la cartographie des chrysopes en France (Neuroptera, Chrysopidae), R.A.R.E 28 (1), p. 28-33.

- Helden van M., Decante D., 2002,Les zones écologiques réservoirs (ZER) : un moyen pour gérer les ravageurs ? 6e Conférence internationale sur les ravageurs en agriculture AFPP Montpellier, p. 53-61.

- Hocking H., 1967, The influence of food on longevity and oviposition in Rhyssa persuasoria (L.) (Hymenoptera: Ichneumonidae). Journal of the Australian Entomological Society 6, p. 83-88.

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- Thierry D., Deutsch B., Paulian M., Villenave J., Canard. M., 2005, Quantifying biodiversity in ecosystems by green lacewing assemblages. I.A valuable method to do (Insecta: Neuroptera: Chrysopidae), Agronomy for Sustainable Development 25, p. 473-479.

- Villenave J., Thierry D., Al Mamun A., Lodé T., Rat-Morris E., 2005, The pollens consumed by Chrysoperla lucasina and Ch. affinis (Neuroptera: Chrysopidae) in cabbage crop environment in western France. Aphidophaga 9 Proceedings. European Journal of Entomology 102 (3), p. 547-562.

- Villenave J., 2006, Étude de la bio-écologie des névroptères dans une perspective de lutte biologique par conservation, Thèse, université d'Angers, France. 227 p.

- Villenave-Chasset J., Denis A., 2013, Étude des pollens consommés par les chrysopes (Neuroptera, Chrysopidae) et les syrphes (Diptera, Syrphidae) dans l'ouest de la France, Symbioses 29, p. 17-20.

- Wratten S.D., Bowie M.H., Hickman J.M., Evans A.M., Sedcole J.R., Tylianakis J.M., 2003, Field boundaries as barriers to movement of hover flies (Diptera: Syrphidae) in cultivated land, Oecologia 134, p. 605-611.

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