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DOSSIER - Auxiliaires vs ravageurs Une lutte au long cours

Vecteurs de Xylella en France : les espèces importantes

JEAN-MARIE RAMEL*, ÉDOUARD BESSETTE*, FRANCK CLERGUE* ET PHILIPPE REYNAUD*, D'APRÈS UN ARTICLE RÉDIGÉ POUR LA 12E CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LES RAVAGEURS ET AUXILIAIRES EN AGRICULTURE (CIRAA) ORGANISÉE PAR VÉGÉPHYL** *Anses-LSV - Montferrier-sur-Lez. - Phytoma - n°738 - novembre 2020 - page 24

Une campagne de prélèvements menée entre 2017 et 2018 a permis de déterminer les principaux vecteurs potentiels de la bactérie pathogène Xylella fastidiosa.
 Adulte de Philaenus spumarius. Photo : G. Kunz

Adulte de Philaenus spumarius. Photo : G. Kunz

Fig. 1 : 385 sites de prélèvement des vecteurs potentiels de Xylella (fin mars 2017 à décembre 2018)      Points rouges : localisation des sites.

Fig. 1 : 385 sites de prélèvement des vecteurs potentiels de Xylella (fin mars 2017 à décembre 2018) Points rouges : localisation des sites.

 2. Adulte de Cicadella viridis.

2. Adulte de Cicadella viridis.

 3. Adulte de Neophilaenus campestris. Photos :  G. Kunz

3. Adulte de Neophilaenus campestris. Photos : G. Kunz

 4. Adulte de Cercopis vulnerata.

4. Adulte de Cercopis vulnerata.

Située dans les vaisseaux du xylème végétal, Xylella fastidiosa est une bactérie transmise par certains insectes piqueurs-suceurs du groupe des cicadomorphes. Cinq sous-espèces de la bactérie sont décrites, causant différents symptômes sur plusieurs centaines d'espèces de plantes-hôtes. Originaire des Amériques, elle s'est répandue via le commerce de plantes jusqu'à atteindre l'Europe en 2013 sur des oliviers, des plantes ornementales et la flore sauvage dans les Pouilles en Italie. En 2015, la sous-espèce multiplex a été signalée sur des plantes ornementales et la flore sauvage en Corse et en Paca. Puis les îles Baléares, l'Espagne continentale et le Portugal ont été contaminés à leur tour.

Mieux connaître les vecteurs potentiels de la bactérie

Il est démontré expérimentalement en Italie que Philaenus spumarius (Hemiptera : Aphrophoridae) est un vecteur avéré de Xylella. Mais il y a par ailleurs environ 120 vecteurs potentiels en Europe (les consommateurs de xylème) incluant 51 espèces en France, dont on ne connaît pas le rôle épidémiologique dans la transmission de la bactérie. Par ailleurs, les données nationales de distribution géographique et de fréquence des vecteurs potentiels sont rares à l'exception des données INPN (inventaire national du patrimoine naturel), qui restent cependant souvent insuffisantes.

Le but de l'étude coordonnée par l'Anses-LSV a été la mise en place d'un réseau de prélèvement des vecteurs potentiels sur un nombre important de régions métropolitaines et de parcelles selon différentes modalités de capture et sur deux années afin de répondre à deux objectifs visant une meilleure connaissance des vecteurs potentiels de Xylella :

• un objectif faunistique et biologique pour :

- disposer d'une première liste des vecteurs potentiels présents en cultures ou dans l'environnement immédiat et caractériser les espèces les plus fréquentes ;

- dégager quelques informations biologiques de base ;

• un objectif méthodologique : tester quatre méthodes de collecte des insectes pour établir quelle est la méthode la plus efficace sur le terrain pour évaluer une population de vecteur.

Mise en place d'un réseau de prélèvement

385 sites sur toute la France

Un réseau de surveillance des vecteurs potentiels de Xylella en France métropolitaine a été mis en place sur 385 sites (Figure 1), grâce à la mobilisation de vingt-quatre partenaires différents, dont de nombreuses Fredon (Fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles). Ce réseau a fonctionné de fin mars 2017 à décembre 2018, mais des échantillons plus anciens (2001-2016) ont également été inclus (origine : CPIE(1) Loire Anjou).

Dix régions sur treize ont participé à l'étude. La région Pays de la Loire est très représentée (35 %) compte tenu de la prise en compte de la base de données historiques issue de cette région. À l'exception de celle-ci, les régions de la moitié sud de la France ont été logiquement actives en terme de prélèvement. Provence-Alpes-Côte d'Azur, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Corse représentent ainsi environ 45 % du nombre de relevés.

Des prélèvements dans des conditions variées

Les prélèvements ont eu lieu dans les cultures (par exemple la vigne), mais aussi dans l'environnement immédiat de ces cultures (haies, bordures, ripisylves, etc.). Plusieurs méthodes d'échantillonnage ont été proposées aux partenaires du réseau et le matériel fourni, sans qu'aucune ne soit imposée. Il s'agit du filet fauchoir, du piège à glue, de la cuvette jaune et du piège Barber (piège d'interception placé au sol).

Les 385 sites ont fait l'objet de 2 067 relevés (dont 1 563 comportaient au moins un vecteur potentiel). Un relevé correspond à un site, une date, une localisation (culture ou haie) et une méthode de collecte. En moyenne, environ cinq relevés ont été réalisés par site. Les sites ont été choisis dans des conditions variées. Dans 77 % des cas, le type cultural n'est pas connu. Il s'agit alors de sites sans culture déclarée (issus de données historiques) comme des maquis, des lisières forestières, des pelouses, des ripisylves, etc. Pour les sites où le type cultural est connu, les principales catégories culturales échantillonnées sont la viticulture (38 %) et l'arboriculture (20 %).

Les méthodes de prélèvement n'ont pas été mentionnées par les partenaires dans 46 % des cas. Lorsque la méthode de prélèvement est connue, c'est le filet fauchoir qui a été employé dans 76 % des cas. Panneaux englués et cuvettes jaunes ont également été utilisés (pour un total de 16 %). Le piège Barber (un piège d'interception placé au sol) a été peu mis en oeuvre (seulement 3 %) ainsi que quelques méthodes diverses (5 %).

Précisions sur la distribution géographique des vecteurs

Pour pouvoir préciser la distribution géographique connue des principaux vecteurs potentiels avant notre étude, nous avons utilisé les données INPN (Inventaire national du patrimoine naturel) comme données de référence. L'INPN est en charge des inventaires sous la responsabilité scientifique du Muséum national d'histoire naturelle. Les informations recueillies par l'INPN proviennent de nombreux programmes nationaux et de données fournies par divers partenaires. Ces données reflètent l'état des connaissances ou la disponibilité des inventaires. Elles ne peuvent en aucun cas être considérées comme exhaustives.

Identification des insectes

L'identification des insectes a été réalisée par des méthodes morphologiques impliquant l'utilisation de clés dichotomiques disponibles sur les cicadomorphes. Elle a requis l'observation au stéréomicroscope de caractéristiques morphologiques externes associées à l'étude des pièces génitales. Il n'existe pas de travaux de synthèse permettant l'identification de toutes les espèces de cicadomorphes présentes en France. Pour les cicadelles en général, plusieurs volumes de La Faune de France sont disponibles (Ribaut, 1936, 1952 ; Della Giustina, 1983, 1989). Mais ils ne prennent pas en compte les espèces introduites depuis 1989. Des ouvrages allemands plus récents sont disponibles, mais ils ne couvrent pas les espèces méditerranéennes (Biederman & Niedringhaus, 2009 ; Kunz et al., 2011 ; Holzinger et al., 2003).

Les insectes analysés et identifiés ont été conservés dans l'alcool à 70 ° pour les non-vecteurs de Xylella fastidiosa et 95 ° pour les vecteurs potentiels afin de préserver leur ADN pour de futures analyses moléculaires incluant la détection de la bactérie dans l'insecte.

Objectif faunistique et biologique

Identifier et cartographier les espèces les plus communes

Le double objectif, faunistique et biologique, est d'identifier et cartographier les espèces vectrices potentielles les plus communes, selon les régions françaises et les situations agronomiques, et identifier quelques traits de vie. En effet, d'après le mode d'alimentation(2), nous savons que 51 espèces sont potentiellement vectrices de Xylella fastidiosa en France métropolitaine. Mais toutes n'ont vraisemblablement pas la même importance épidémiologique. Il semblerait même que les cigales soient exclues des vecteurs potentiels puisque des données très récentes de Cornara et al. (2020) suggèrent que deux espèces testées (dont la très commune Cicada orni) n'ont probablement aucun rôle ou un rôle négligeable dans la propagation naturelle de X. fastidiosa.

Familles vectrices potentielles

Les partenaires du réseau ont collecté un total de 31 207 insectes (en ne tenant compte que des cicadelles au sens large), tous groupes confondus. Parmi ces insectes, certains appartiennent à des familles d'insectes dits « vecteurs potentiels » et d'autres non. Les familles dont certaines espèces sont dites « vectrices potentielles » appartiennent aux Cercopidae, Aphrophoridae, Cicadidae et à certaines sous-familles des Cicadellidae, à savoir les Cicadellinae, Ledrinae et Errhomeninae. Sur le terrain, il est assez facile de collecter les « Cicadomorpha »(3) en notant leur comportement sauteur, leur taille et leur forme générale. Mais la distinction entre espèces potentiellement vectrices ou non vectrices n'est pas évidente. La silhouette et la taille permettent d'orienter. Il est cependant difficile d'estimer finement la taille d'un insecte sur le terrain. C'est pourquoi les insectes capturés par les partenaires du réseau appartiennent aux deux catégories (vecteurs et non-vecteurs). Une majorité d'insectes appartenant à des familles potentiellement vectrices a été collectée (84 %). Cependant, environ 5 000 spécimens (16 %) ne relevaient pas d'une famille vectrice. Il s'agissait souvent de Cicadomorphes appartenant à des familles morphologiquement proches (Issidae, Membracidae, Cixiidae, Delphacidae, Flatidae, Dictyopharidae...). Ces spécimens n'ont pas été identifiés jusqu'à l'espèce, mais ils sont conservés par notre laboratoire.

Parmi les 26 295 spécimens appartenant à une famille potentiellement vectrice, de nombreuses larves ont été collectées. Les larves ne peuvent généralement pas être identifiées à l'espèce par une méthode morphologique. Elles peuvent cependant être identifiées au niveau de la famille. Cela ne pose pas de problème pour les Cercopidae, les Aphrophoridae et les Cicadidae, car toutes les espèces de ces familles sont vectrices potentielles. En revanche, pour les Cicadellidae, seules trois sous-familles sont potentiellement vectrices (les Cicadellinae, Ledrinae et Errhomeninae). L'identité spécifique des larves de Cicadellidae (qui comportent quinze sous-familles en Europe) ne peut le plus souvent pas être déterminée morphologiquement. C'est pourquoi les larves de Cicadellidae ont un « statut » de vecteur « inconnu ». En revanche, pour les adultes de Cicadellidae, il a été possible de discriminer les espèces vectrices potentielles des espèces non vectrices.

Vecteurs potentiels

Une fois ce tri effectué, les vecteurs potentiels (9 027 individus capturés) représentent 34,3 % des spécimens appartenant à une famille potentiellement vectrice et 28,9 % de tous les insectes recueillis (Tableau 1). Les Aphrophoridae sont très majoritaires (71 % des vecteurs potentiels collectés) alors que les Cicadellidae (Cicadellinae, Ledrinae, Errhomeninae) d'une part et les Cercopidae d'autre part ne constituent respectivement que 13,8 % et 13,7 % des captures. Les vingt-six espèces collectées et leurs effectifs sont listés dans le Tableau 1.Les vecteurs potentiels dont les effectifs capturés sont les plus importants sont Philaenus spumarius, Cicadella viridis, Neophilaenus campestris et Cercopis vulnerata. Ces quatre espèces constituent presque 90 % de tous les vecteurs potentiels capturés. De par leurs effectifs, elles pourraient être suspectées de jouer un rôle épidémiologique en France si la compétence vectorielle était confirmée, ce qui est déjà le cas pour P. spumarius en Italie (Cornara et al., 2020). Les autres espèces montrent généralement de faibles effectifs, ce qui peut s'expliquer de plusieurs façons : espèces peu fréquentes dans les biotopes échantillonnés, périodes d'échantillonnage inappropriées ou méthodes d'échantillonnages inadaptées.

Portrait de quatre vecteurs potentiels

Philaenus spumarius (5,3 à 6,9 mm)

Parmi les quinze espèces d'Aphrophoridae connues en France, la philène spumeuse est caractérisée par l'absence de carène sur le pronotum(4) et sur la plaque frontale(5), un corps allongé, une marge extérieure de l'aile antérieure convexe et huit épines sur l'apex du tibia postérieur. La couleur est extrêmement variable du brun clair à presque noire, la forme typique est d'un brun jaune avec de lignes sombres assez indistinctes (photo 1). Il s'agit de l'espèce la plus collectée dans le réseau, en nombre d'individus (15,7 %) comme en pourcentage des échantillons positifs ayant au moins un vecteur (35,9 %). La philène spumeuse est présente partout en France, du nord au sud. Lors des collectes sur certains sites, il est possible d'en capturer plusieurs centaines sans difficulté. Elle domine sur toutes les cultures et plus particulièrement sur cultures ornementales(6). Cette espèce est à considérer d'un point de vue épidémiologique sur oliviers et sur plantes ornementales. P. spumarius est régulièrement identifiée de mai à octobre, avec cependant une baisse d'occurrence en juillet-août. Il est intéressant de noter qu'elle peut être capturée en fin d'automne et même en hiver à la faveur de belles journées. Cela indique que certains adultes ont une capacité suffisante de résistance au froid. Il s'agit donc de la seule espèce capturée tout au long de l'année(7). Cette longue période d'activité ne peut que renforcer l'éventuel rôle épidémiologique de cette espèce pour transmettre Xylella. C'est une espèce extrêmement polyphage et eurytope(8). Les adultes et masses spumeuses(9) se trouvent généralement sur dicotylédones herbacées ou arbustives (mais aussi sur graminées, fougères, prêles), dans des sites humides à secs, ensoleillés à moyennement ombragés tels que des prairies, des pâturages, des forêts, ripisylves, bords de route, sites rudéraux, prairies sèches (généralement confinées aux marges et aux zones perturbées), etc. Souvent abondante sur Silene, Cirsium, Urtica, Ranunculus, Filipendula..., cette espèce est aussi présente en petit nombre sur des végétaux évités par les autres auchénorrhynches, par exemple : Rubiaceae, Boraginaceae, Primulaceae, Brassicaceae et Orchidaceae. En revanche, elle est rare ou absente dans les prairies gérées de manière intensive, car les larves ne peuvent généralement pas y terminer leur développement (Nickel, 2003).

Cicadella viridis (5,7 à 9 mm)

Cicadella viridis est communément appelé « cicadelle verte » en raison de sa couleur (photo 2). À noter que le mâle est plus foncé que la femelle. Il s'agit d'une espèce très répandue dans toute la France. Elle ne peut guère être confondue qu'avec Cicadella lasiocarpae (une espèce beaucoup plus rare dont elle se différencie seulement par la forme des deux taches présentes sur le vertex(10) chez les femelles). C. viridis est la seconde espèce la plus collectée dans le cadre du réseau, avec 12,4 % des vecteurs potentiels, et elle est présente dans 14,0 % des relevés positifs à au moins un vecteur. Il s'agit d'une espèce présente sur l'ensemble du territoire français, incluant la Corse. Elle est parfois capturée en grande quantité (jusqu'à une centaine d'individus par prélèvement). Cicadella viridis a été particulièrement capturée dans notre réseau dans les parcelles de vigne.

La cicadelle verte est généralement considérée comme polyphage, on la trouve sur les joncs, les carex et les graminées, probablement aussi sur les dicotylédones. L'espèce a été signalée comme causant des dommages dans les forêts et sur arbres fruitiers. Elle est plus abondante dans les prairies humides et les pâturages, mais elle est également présente en forêt, dans les clairières, les sites rudéraux, le long des chemins forestiers et des fossés, parfois même dans les prairies sèches (Nickel, 2003). C. viridis est plurivoltine. Elle est susceptible de jouer localement un rôle épidémiologique dans la vection de Xylella sous réserve de pouvoir transmettre la bactérie. Cette espèce est capturée dans notre réseau plutôt tardivement par rapport aux autres espèces. Le pic se situe en septembre, mais elle est encore capturée en décembre.

Neophilaenus campestris (5 à 5,7 mm)

Neophilaenus campestris est l'Aphrophoridae le plus collecté après P. spumarius. Cette espèce est morphologiquement proche de la philène spumeuse (photo 3), mais elle s'en différencie, à un fort grossissement, par l'extérieur de l'aile antérieure présentant une concavité, une plaque frontale avec une carène médiane et surtout par la présence de douze épines sur l'apex du tibia postérieur sur deux rangs. La coloration ou la taille ne sont d'aucune utilité pour séparer les deux espèces sur le terrain. Cette espèce représente 12,2 % des vecteurs potentiels collectés par le réseau. Elle était présente dans 12,1 % des relevés où il y avait au moins un vecteur potentiel. Elle a été parfois collectée en grand nombre (par exemple en Provence-Alpes-Côte d'Azur, Occitanie ou Grand-Est) et semble plus fréquente dans le sud de la France. La cartographie INPN est très incomplète et les données du réseau apportent de nouveaux signalements. N. campestris semble être une espèce un peu plus fréquente sur culture aromatique et médicinale au sein du réseau, mais il ne se dégage pas de tendance très claire.

Nous notons une double période d'activité : une première série de captures en mai et juin, puis une seconde série en octobre. Pendant l'été, cette espèce est très discrète dans les piégeages. Nous ne connaissons pas son mode de vie pendant l'été, soit caché dans les anfractuosités du sol, soit dans le feuillage des plantes ligneuses. Nous pouvons seulement constater que les méthodes de capture utilisées dans le réseau ne permettent pas de répondre à cette question.

Cercopis vulnerata (8,2 à 10,5 mm)

Cercopis vulnerata est communément appelé « cercope sanguinolent » en raison de la couleur rouge sang sur sa livrée noire (photo 4). Il a été détecté sur 132 sites du réseau (34,2 % des sites). En nombre d'individus, il représente 10,2 % des captures d'insectes vecteurs potentiels, mais il est présent dans 36,3 % des prélèvements positifs à au moins un vecteur potentiel. Il s'agit du quatrième insecte le plus collecté. C. vulnerata est une espèce largement distribuée en France, même si les effectifs collectés ne sont jamais très importants. Le nombre maximum d'individus capturés sur un même site est de vingt-sept. Cette espèce est susceptible de jouer un rôle épidémiologique pour Xylella dans les secteurs où elle est abondante. Il s'agit d'une espèce capturée principalement entre avril et juin. Elle disparaît ensuite complètement jusqu'à l'année suivante. Elle a été très signalée notamment par les observateurs du CPIE Loire Anjou dans les milieux naturels, mais assez peu échantillonnée dans les cultures, à l'exception de la vigne.

Objectif méthodologique

Dans le cadre de futures préconisations sur les modalités de suivi des vecteurs en parcelle, quatre méthodes de collecte des insectes ont été testées (Tableau 2). L'étude permet de constater qu'aucune méthode de collecte n'est entièrement spécifique des vecteurs potentiels de Xylella. La méthode apparemment la plus efficace est le filet fauchoir (34 % des échantillons reçus comportaient au moins un vecteur potentiel). Le pot Barber (piège d'interception au sol) collecte 17 % des relevés comportant au moins un vecteur potentiel. Il s'agit d'un cas particulier, car il y a eu seulement 84 relevés de pots Barber et la seule espèce vectrice potentielle collectée par ce type de piège est une Cicadellidae aptère terricole : Errhomenus brachypterus. Elle vit dans des sites humides ou dans la litière de forêts de conifères et de feuillus. Compte tenu de sa biologie, il est très peu probable qu'elle joue un rôle épidémiologique pour la transmission de Xylella. De plus, le piège Barber ne capture pratiquement pas de vecteurs potentiels et toujours en petit nombre. Les autres méthodes de collecte sont bien moins efficaces pour évaluer la présence de vecteurs potentiels. La cuvette jaune capture seulement des vecteurs dans 13 % des cas et les panneaux englués dans 7 % des cas. Seul le filet fauchoir doit donc être conseillé pour surveiller les vecteurs potentiels de Xylella. Il s'agit d'une démarche technique malheureusement peu transférable à la majorité des producteurs(11), mais qui est cependant utilisable par les techniciens de terrain moyennant une petite formation. Cette technique est cependant coûteuse en temps, par rapport aux autres piégeages dits « passifs ».

Des prélèvements des insectes à la surveillance de la bactérie

Vingt cicadelles vectrices potentielles

Le réseau met en lumière plusieurs résultats intéressants. Une première liste des vecteurs potentiels présents en cultures ou dans l'environnement est maintenant disponible. Au total, vingt-six espèces différentes de vecteurs potentiels ont été collectées. Si l'on excepte les six espèces de cigales capturées dans le réseau (sur 21 espèces recensées en France), pour lesquelles les méthodes de piégeage du réseau n'étaient pas adaptées, l'étude montre que vingt espèces de cicadelles au sens large, sur les trente potentielles (soit 67 %), sont suffisamment communes pour être capturées au moins une fois par des non spécialistes sur deux années d'échantillonnage. Cependant, quatre espèces (soit 20 % des cicadelles) sont plus régulièrement échantillonnées : Philaenus spumarius, Neophilaenus campestris, Cicadella viridis et Cercopis vulnerata. L'étude confirme que P. spumarius est bien l'espèce majoritaire au niveau français. Certains vecteurs potentiels peuvent être capturés en fin d'automne et même en hiver. La biologie de certains adultes leur permet de présenter une activité en tout début de printemps, ce qui peut avoir un impact sur l'épidémiologie de la maladie.

La méthode de prélèvement sur le terrain qui combine le mieux récolte abondante et spécificité est le filet fauchoir. C'est la méthode qui devra être préconisée auprès des techniciens de terrain, mais qui reste coûteuse en temps.

Surveillance de Xylella par le prélèvement d'insectes

Outre l'évaluation quantitative des populations d'insectes en parcelle, il est possible d'envisager la recherche de Xylella dans les insectes vecteurs par des méthodes de biologie moléculaire. C'est une méthode efficace pour détecter la présence de la bactérie dans des zones réputées indemnes (notion d'insectes sentinelles). En effet, les vecteurs potentiels adultes étant très mobiles (plusieurs centaines à plusieurs milliers de mètres, voir à ce sujet Lago et al. (2020)), réalisent une sorte de prospection locale (en se nourrissant sur de nombreuses plantes dans leur rayon d'action) dont pourront bénéficier les services de contrôle du ministère en charge de l'agriculture au travers d'un réseau de suivi des vecteurs potentiels(12). Cela permettra de diminuer le nombre de prélèvements de végétaux (échantillons encombrants et fragiles) au profit des prélèvements d'insectes (échantillons de petite taille, facile à conditionner et peu coûteux à envoyer au laboratoire). En cas d'insecte positif, il conviendra d'échantillonner localement les plantes-hôtes potentielles afin de mettre en évidence le ou les végétaux contaminés.

(1) Centre permanent d'initiatives pour l'environnement.(2) Consommateurs de xylème.(3) Cicadelles au sens large.(4) Partie dorsale du prothorax, premier segment du thorax.(5) Zone centrale bien délimitée au sommet de la tête, entre les yeux.(6) Plus de 60 % des vecteurs potentiels capturés sont des P. spumarius.(7) À l'exception du mois de février.(8) Espèce capable de supporter de grandes variations climatiques ou physico-chimiques.(9) Crachats de coucou.(10) Sommet ou région dorsale de la tête située entre les yeux composés.(11) L'observateur doit connaître la forme générale et la taille des vecteurs potentiels.(12) Le règlement d'exécution (EU) 2020/1201 du 14 août 2020 ajoute dans la stratégie générale de surveillance de Xylella fastidiosa le prélèvement d'insectes afin d'avoir une meilleure connaissance de l'état sanitaire des territoires et de mieux circonscrire la maladie.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Il existe environ 120 vecteurs potentiels de la bactérie Xylella fastidiosa en Europe, dont 51 espèces en France, mais on ne connaît pas leur rôle épidémiologique dans la transmission de la bactérie.

ÉTUDE - En 2017 et 2018, l'Anses-LSV a mis en place un réseau national d'échantillonnage des insectes potentiellement vecteurs de X. fastidiosa avec l'aide de différents partenaires professionnels. Au total, 31 207 insectes (larves et adultes) ont été collectés, dont plus de 9 000 vecteurs potentiels.

RÉSULTATS - Les vecteurs potentiels les plus couramment collectés dans le réseau sont Philaenus spumarius, Cicadella viridis, Neophilaenus campestris et Cercopis vulnerata. Philaenus spumarius est l'espèce la plus commune en France parmi les espèces vectrices potentielles. Quatre méthodes de collecte d'insectes ont été testées. Aucune méthode n'est spécifique aux vecteurs de Xylella. La méthode qui combine sur le terrain la récolte la plus abondante et la meilleure spécificité est le filet fauchoir, méthode qui devra donc être privilégiée pour les futurs plans de surveillance. Une phénologie de base des espèces les plus communes est fournie.

MOTS-CLÉS - Xylella fastidiosa, réseau, vecteur, distribution, phénologie.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : philippe.reynaud@anses.fr

BIBLIOGRAPHIE : la bibliographie de cet article (huit références) est disponible auprès de ses auteurs (contact ci-dessus).

REMERCIEMENTS

Ce travail a reçu un financement du programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne dans le cadre de la convention de subvention N. 635646 « Pest Organisms Threatening Europe POnTE » et N. 727987 « Xylella fastidiosa Active Containment Through a multidisciplinary-Oriented Research Strategy XF-ACTORS ».

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