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La vie à deux

La vigne - n°80 - septembre 1997 - page 0

Une dizaine d'appellations françaises vit au quotidien la division syndicale. De Chablis en passant par Bandol, Monbazillac ou les Corbières, on trouve tous les cas de figure quand les hommes ne s'entendent pas.

Une dizaine d'appellations françaises vit au quotidien la division syndicale. De Chablis en passant par Bandol, Monbazillac ou les Corbières, on trouve tous les cas de figure quand les hommes ne s'entendent pas.

La vie syndicale à deux? Il faut faire des concessions, passer du temps ensemble pour se comprendre, c'est comme un ménage divorcé qui doit s'occuper des enfants. La déperdition d'énergie est énorme, on doit être très disponible. Thierry Desprès était jusqu'au lundi 25 août, le président d'un des deux syndicats de l'AOC Monbazillac, dans le Bergeracois. Peu de vignerons vont jusqu'au séparatisme au sein de leur appellation, seulement une dizaine de cas en France (coteaux d'Aix, Bandol, Châteauneuf-du-Pape, Chablis, Jurançon, Corbières, Monbazillac...). Quelques cas sont en voie d'arrangement. ' Comme en démocratie, il faut arriver à s'entendre au sein du collectif de l'appellation. Tout le monde peut s'exprimer et c'est la majorité qui l'emporte. Toute division affaiblit l'appellation ', estime les tenants des projets. Des seuils de représentativité, pour être reconnu comme syndicat en cas de séparation, ont été avancés par la CNAOC et le ministère de l'Agriculture mais rien n'est arrêté. Dans le cas d'une division, il faudrait qu'une union de syndicats puisse parler au nom de tous les producteurs.A Monbazillac (Dordogne), la division syndicale a pris fin le 25 août. Depuis 1992, le syndicat avait éclaté pour cause d'utilisation de la machine à vendanger. ' Au début, il y a eu aussi un problème de confiance entre les hommes ', explique Thierry Desprès, président du syndicat viticole de Monbazillac (l'autre structure, syndicat viticole de l'AOC Monbazillac, était plutôt ' promachine à vendanger '). ' Au départ, l'AOC a plutôt tiré profit de cette publicité indirecte. Nous sommes la plus grande appellation de liquoreux de France. De l'extérieur, on a vu qu'ici, des vignerons travaillaient bien, par tris successifs. Après, ce fut plutôt négatif : le commerce pouvait se servir de notre division pour payer moins cher le vrac. Sur le plan syndical, environ 20 % des vignerons n'adhéraient à aucune structure. Quelques-uns ont trouvé dans la crise une opportunité de réaliser une petite économie. La cotisation reste à 6 F/hl : pour un liquoreux à 25 hl/ha, c'est peu. 'Maintenant, cette crise est terminée. Les deux syndicats ont été dissous et un nouveau a été créé (80 % des vignerons présents ont voté oui), un nouveau président élu. Avec l'élan de la cave coopérative, un consensus a été trouvé sur les conditions de production. Dorénavant, une parcelle affectée à la production de monbazillac ne pourra être récoltée que par tris successifs, sauf en année climatique difficile où l'on pourra utiliser la machine pour deux appellations relevant du coefficient K (bergerac sec et côtes-de-bergerac moelleux), contre une auparavant. ' Cette réglementation est claire, le climat va s'améliorer chez nous. D'autres liquoreux français tirent même parti de notre expérience. 'A Bandol (Var) et dans les côtes de Castillon (Gironde), c'est aussi en voie d'apaisement. Dans le premier cas, après une parenthèse de seize ans, les deux syndicats se réunissent (voir La Vigne de juin, page 20). C'est une association unique qui prend en charge tous les dossiers. A terme, l'association se transformera en syndicat unique. Encore une fois, la séparation de 1981 était liée à des problèmes de personnes. En côtes de Castillon, c'est la mise en place d'un nouveau décret en 1989, stipulant notamment une densité de plantation minimum de 5 000 pieds/ha, qui avait amené la création d'un syndicat ' de défense et de sauvegarde '. Cette deuxième structure entamait une procédure à l'encontre de l'Inao. En 1990, un protocole d'accord entre les trois parties portait la date-butoir concernant cette nouvelle densité à 2025, à condition que les contestataires retirent leur action auprès du Conseil d'Etat. C'est le cas depuis juillet. Le décret devait être présenté au Comité national de l'Inao ce 10 septembre. ' Gageons que la fin de ces péripéties, longues et pénibles, saura renforcer l'unité de notre appellation ', indique-t-on.A Chablis, c'est le consensus mou. On y trouve deux syndicats depuis trente ans (fédération des vignerons chablisiens et syndicat de défense de l'appellation Chablis). Jean Durup, président du premier, estime que ' c'est davantage dû à une affaire de personnes qu'à autre chose. Depuis, la coexistence s'est bien installée. En 1970, une union intersyndicale (loi 1901) a été créée, elle s'occupe de l'agrément (1,60 F/hl). Je préférerais qu'il n'y ait qu'un seul syndicat mais les hommes sont ce qu'ils sont. Je n'ai pas noté de désaffection syndicale des vignerons du fait de cette division. Dans tous les cas, je ne vais pas faire du racolage. Chez nous, la cotisation syndicale est à 15 F/hl. ' Une sérénité que ne partagent pas tous les vignerons locaux. ' Cette division n'est pas bonne pour le vignoble. Les moyens sont parsemés, il n'y a de permanents nulle part. Quand on a besoin de quelque chose, on ne sait jamais où s'adresser ', explique l'un d'eux.C'est dans les Corbières, en Languedoc, qu'on trouve aujourd'hui l'une des situations les plus tendues du pays. Contrairement aux exemples précédents, on ne va pas vers une accalmie. Encore une fois, on trouve aussi à la base des conflits de personnes. Depuis 1994, le syndicat de défense de l'identité des vins de Corbières, ' Corbières à haute expression ', a vu le jour. On y annonce quelque quatre-vingts caves particulières adhérentes (pour 2 600 déclarations de récolte et quelque 270 points de vinification). ' Cette situation est dommageable pour tous. Il y a un désaccord profond sur la politique à mener. Cela justifie l'existence d'un deuxième syndicat, estime Martine Pasquier-Meunier, présidente de cette structure. Les cours de vrac du corbières s'écroulent, le fonctionnement du syndicat et de la nouvelle interprofession n'est pas du tout transparent. Nous sommes amers. ' A travers cette scission, on retrouve l'un de nos vieux démons de la viticulture : l'opposition entre caves particulières et coopératives.' Une appellation doit être gérée par ceux qui en vivent, estime-t-on au second syndicat. Le projet de la CNAOC? Il est inacceptable. Tout vigneron doit garder un droit de sanction contre la politique de son syndicat. Il est normal que le ministère de l'Agriculture n'ait pas voulu entrer dans ce jeu. On ne peut supprimer la respiration syndicale en donnant des blancs-seings aux équipes dirigeantes. 'Comme on pouvait s'y attendre dans cette appellation où l'on se bat à coups de procédures juridiques, chez Jean-Marie Sanchis, le président du premier syndicat, le son de cloche est différent. ' Pour ce projet de la CNAOC, il s'agit de caler la gestion collective d'une appellation. Elle ne doit pas être déterminée par des actes isolés, sinon, c'est du corporatisme. En Corbières, 5 à 10 % des déclarants n'adhèrent pas à un syndicat mais ils profitent du travail des autres. Plutôt que de partir d'une structure existante, la minorité ferait mieux d'argumenter pour faire peser son point de vue. La base perd du pouvoir : par exemple, c'est l'Inao local qui a tranché entre deux propositions différentes à propos des rendements pour cette vendange 1997. La démocratie est assise sur la majorité. Sans cela, on ne fait rien. Ici, notre appellation en pâtit. '

La vie syndicale à deux? Il faut faire des concessions, passer du temps ensemble pour se comprendre, c'est comme un ménage divorcé qui doit s'occuper des enfants. La déperdition d'énergie est énorme, on doit être très disponible. Thierry Desprès était jusqu'au lundi 25 août, le président d'un des deux syndicats de l'AOC Monbazillac, dans le Bergeracois. Peu de vignerons vont jusqu'au séparatisme au sein de leur appellation, seulement une dizaine de cas en France (coteaux d'Aix, Bandol, Châteauneuf-du-Pape, Chablis, Jurançon, Corbières, Monbazillac...). Quelques cas sont en voie d'arrangement. ' Comme en démocratie, il faut arriver à s'entendre au sein du collectif de l'appellation. Tout le monde peut s'exprimer et c'est la majorité qui l'emporte. Toute division affaiblit l'appellation ', estime les tenants des projets. Des seuils de représentativité, pour être reconnu comme syndicat en cas de séparation, ont été avancés par la CNAOC et le ministère de l'Agriculture mais rien n'est arrêté. Dans le cas d'une division, il faudrait qu'une union de syndicats puisse parler au nom de tous les producteurs.A Monbazillac (Dordogne), la division syndicale a pris fin le 25 août. Depuis 1992, le syndicat avait éclaté pour cause d'utilisation de la machine à vendanger. ' Au début, il y a eu aussi un problème de confiance entre les hommes ', explique Thierry Desprès, président du syndicat viticole de Monbazillac (l'autre structure, syndicat viticole de l'AOC Monbazillac, était plutôt ' promachine à vendanger '). ' Au départ, l'AOC a plutôt tiré profit de cette publicité indirecte. Nous sommes la plus grande appellation de liquoreux de France. De l'extérieur, on a vu qu'ici, des vignerons travaillaient bien, par tris successifs. Après, ce fut plutôt négatif : le commerce pouvait se servir de notre division pour payer moins cher le vrac. Sur le plan syndical, environ 20 % des vignerons n'adhéraient à aucune structure. Quelques-uns ont trouvé dans la crise une opportunité de réaliser une petite économie. La cotisation reste à 6 F/hl : pour un liquoreux à 25 hl/ha, c'est peu. 'Maintenant, cette crise est terminée. Les deux syndicats ont été dissous et un nouveau a été créé (80 % des vignerons présents ont voté oui), un nouveau président élu. Avec l'élan de la cave coopérative, un consensus a été trouvé sur les conditions de production. Dorénavant, une parcelle affectée à la production de monbazillac ne pourra être récoltée que par tris successifs, sauf en année climatique difficile où l'on pourra utiliser la machine pour deux appellations relevant du coefficient K (bergerac sec et côtes-de-bergerac moelleux), contre une auparavant. ' Cette réglementation est claire, le climat va s'améliorer chez nous. D'autres liquoreux français tirent même parti de notre expérience. 'A Bandol (Var) et dans les côtes de Castillon (Gironde), c'est aussi en voie d'apaisement. Dans le premier cas, après une parenthèse de seize ans, les deux syndicats se réunissent (voir La Vigne de juin, page 20). C'est une association unique qui prend en charge tous les dossiers. A terme, l'association se transformera en syndicat unique. Encore une fois, la séparation de 1981 était liée à des problèmes de personnes. En côtes de Castillon, c'est la mise en place d'un nouveau décret en 1989, stipulant notamment une densité de plantation minimum de 5 000 pieds/ha, qui avait amené la création d'un syndicat ' de défense et de sauvegarde '. Cette deuxième structure entamait une procédure à l'encontre de l'Inao. En 1990, un protocole d'accord entre les trois parties portait la date-butoir concernant cette nouvelle densité à 2025, à condition que les contestataires retirent leur action auprès du Conseil d'Etat. C'est le cas depuis juillet. Le décret devait être présenté au Comité national de l'Inao ce 10 septembre. ' Gageons que la fin de ces péripéties, longues et pénibles, saura renforcer l'unité de notre appellation ', indique-t-on.A Chablis, c'est le consensus mou. On y trouve deux syndicats depuis trente ans (fédération des vignerons chablisiens et syndicat de défense de l'appellation Chablis). Jean Durup, président du premier, estime que ' c'est davantage dû à une affaire de personnes qu'à autre chose. Depuis, la coexistence s'est bien installée. En 1970, une union intersyndicale (loi 1901) a été créée, elle s'occupe de l'agrément (1,60 F/hl). Je préférerais qu'il n'y ait qu'un seul syndicat mais les hommes sont ce qu'ils sont. Je n'ai pas noté de désaffection syndicale des vignerons du fait de cette division. Dans tous les cas, je ne vais pas faire du racolage. Chez nous, la cotisation syndicale est à 15 F/hl. ' Une sérénité que ne partagent pas tous les vignerons locaux. ' Cette division n'est pas bonne pour le vignoble. Les moyens sont parsemés, il n'y a de permanents nulle part. Quand on a besoin de quelque chose, on ne sait jamais où s'adresser ', explique l'un d'eux.C'est dans les Corbières, en Languedoc, qu'on trouve aujourd'hui l'une des situations les plus tendues du pays. Contrairement aux exemples précédents, on ne va pas vers une accalmie. Encore une fois, on trouve aussi à la base des conflits de personnes. Depuis 1994, le syndicat de défense de l'identité des vins de Corbières, ' Corbières à haute expression ', a vu le jour. On y annonce quelque quatre-vingts caves particulières adhérentes (pour 2 600 déclarations de récolte et quelque 270 points de vinification). ' Cette situation est dommageable pour tous. Il y a un désaccord profond sur la politique à mener. Cela justifie l'existence d'un deuxième syndicat, estime Martine Pasquier-Meunier, présidente de cette structure. Les cours de vrac du corbières s'écroulent, le fonctionnement du syndicat et de la nouvelle interprofession n'est pas du tout transparent. Nous sommes amers. ' A travers cette scission, on retrouve l'un de nos vieux démons de la viticulture : l'opposition entre caves particulières et coopératives.' Une appellation doit être gérée par ceux qui en vivent, estime-t-on au second syndicat. Le projet de la CNAOC? Il est inacceptable. Tout vigneron doit garder un droit de sanction contre la politique de son syndicat. Il est normal que le ministère de l'Agriculture n'ait pas voulu entrer dans ce jeu. On ne peut supprimer la respiration syndicale en donnant des blancs-seings aux équipes dirigeantes. 'Comme on pouvait s'y attendre dans cette appellation où l'on se bat à coups de procédures juridiques, chez Jean-Marie Sanchis, le président du premier syndicat, le son de cloche est différent. ' Pour ce projet de la CNAOC, il s'agit de caler la gestion collective d'une appellation. Elle ne doit pas être déterminée par des actes isolés, sinon, c'est du corporatisme. En Corbières, 5 à 10 % des déclarants n'adhèrent pas à un syndicat mais ils profitent du travail des autres. Plutôt que de partir d'une structure existante, la minorité ferait mieux d'argumenter pour faire peser son point de vue. La base perd du pouvoir : par exemple, c'est l'Inao local qui a tranché entre deux propositions différentes à propos des rendements pour cette vendange 1997. La démocratie est assise sur la majorité. Sans cela, on ne fait rien. Ici, notre appellation en pâtit. '

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