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Irriguer en toute légalité

La vigne - n°88 - mai 1998 - page 0

Si l'on se réfère strictement aux textes, l'irrigation est interdite, sauf dérogation que personne ne demande. Pourtant, certaines régions la pratiquent. En fait, la réglementation actuelle semble inadaptée. Une réflexion est en cours pour la faire évoluer.

La réglementation nationale fixe la conduite à suivre pour l'irrigation des vignes. Irriguer est interdit du 1er avril au 31 octobre. Des dérogations sont possibles, au plus tard jusqu'au 1er août lorsque les conditions climatiques le justifient. Cette dérogation doit être accordée par arrêté ministériel, après avis de l'Onivins et de l'Inao, s'il s'agit de vignes à appellation. Le droit à l'irrigation entraîne la perte du droit à l'enrichissement (décret n° 64 453 du 26 mai 1964, complété par l'arrêté du 16 août 1966). L'arrêté du 29 août 1969 permet l'irrigation jusqu'au 1er août ' à l'intérieur de périmètres déterminés par arrêté du ministre de l'Agriculture '. Le premier arrosage doit faire l'objet d'une déclaration préalable à la DGDDI (Direction des douanes). Malheureusement, ces périmètres où l'irrigation serait autorisée n'ont jamais été délimités. Et aucune demande de dérogation n'a été jusqu'à présent déposée.Premier obstacle à l'application de cette loi, la lourdeur de la démarche à effectuer. Effectivement, au moment même où le besoin d'irriguer se fait ressentir, il faudrait obtenir rapidement l'autorisation de le faire, ce qui n'est pas le cas actuellement. C'est l'une des raisons qui poussent la profession à déclarer cette loi obsolète et inapplicable. La date butoir du 1er août soulève aussi quelques débats. Le législateur l'a retenue, considérant qu'elle correspondait à la véraison. Or, s'il est effectivement inutile d'irriguer après la véraison, ce stade est atteint à des dates variables selon les régions et les années, et ne se produit pas systématiquement au 1er août.Par ailleurs, il est difficile de libéraliser complètement l'irrigation. Beaucoup ont peur des abus. En effet, il n'est pas toujours nécessaire d'irriguer. En dehors des moments où elle est effectivement bénéfique, l'eau risque de compromettre la qualité des vins, par l'augmentation des rendements et sa conséquence : la diminution de l'accumulation de polyphénols dans les pellicules. On comprend alors pourquoi les législateurs ont voulu interdire l'enrichissement couplé à l'irrigation. Cependant, l'interdiction devient inutile, voire même pénalisante lorsque cette pratique est utilisée à bon escient, sur des vignes en stress hydrique. Car, dans ce cas, apport d'eau rime avec qualité du raisin.Afin d'obtenir des vendanges de qualité tout en arrosant, il faudrait aussi limiter et déterminer les doses optimales d'eau. Or, il est délicat de les définir par manque de données expérimentales. Deux facteurs permettraient néanmoins de limiter les abus : le coût de l'eau et le plafonnement des rendements.Certaines régions peuvent avoir besoin d'irriguer : le Languedoc-Roussillon, la Provence, la Côte-d'Azur et la Corse sont dans ce cas.Alain Bagard, du Civam de Corse, signale que la Sardaigne, voisine de la Corse, a la possibilité d'irriguer. ' Mais, enchaîne-t-il, les Corses ne sont pas actuellement demandeurs d'une autorisation. Ils ont plutôt peur des abus que cela pourrait entraîner. 'En revanche, les décrets des AOC Vacqueyras, côtes du Lubéron, Minervois, Corbières, costières de Nîmes, Lirac, Gigondas, côtes du Rhône et Châteauneuf-du-Pape prévoient le recours à cette pratique, sous certaines conditions.' Des secteurs sont parfois irrigués, signale Jean-Michel Dubois, technicien à l'Inao d'Avignon. L'Inao a pris le problème en main afin d'apporter de la transparence. '' Cette réglementation ne fonctionnait pas. Cependant, chacun s'en satisfaisait. Il fallait clarifier la situation ', explique Francis Fabre, du syndicat des côtes du Rhône. Dans un souci de transparence, l'Inao avait demandé aux vignerons souhaitant irriguer de faire une déclaration à la recette locale. Dans le Gard, certains producteurs l'ont faite.Il est difficile de connaître actuellement les besoins en eau dans le secteur viticole pour deux raisons : cette pratique est interdite et on ne peut pas différencier les volumes servant à la vigne de ceux apportés à d'autres productions (comme les arbres fruitiers).C'est donc à un problème complexe que se sont attaqués des groupes de réflexion de l'Onivins et de l'Inao, le but de cette réflexion étant de faire évoluer la réglementation sur l'irrigation. Ce que souhaitent ces groupes, c'est trouver une solution adaptée, souple et limitant les abus. Au prochain Comité national de l'Inao, ce thème doit être abordé. Un rapport doit parvenir au ministère de l'Agriculture au cours du printemps. L'Inao voudrait que l'irrigation reste une pratique temporaire. Les installations fixes devront donc être supprimées si ce voeu était satisfait. Le problème le plus difficile à résoudre est celui des contrôles. Il faudrait tout d'abord connaître avec précision les parcelles irrigables. Or, ce zonage est très imprécis, lorsqu'il existe. Il est alors difficile de faire des vérifications sur le terrain.Des solutions réglementaires plus régionalisées pourraient apporter un début de réponse, avec une responsabilisation de la profession. Certains décrets d'appellation permettraient peut-être de démarrer la réflexion. Ils signalent que l'arrosage n'est toléré qu'en cas de sécheresse persistante et que dans la mesure où il améliore la qualité, il peut être fait jusqu'à la véraison. Cette autorisation n'est accordée qu'à la demande du syndicat. Mais il reste à définir les critères de sécheresse permanente, l'organisme qui accorde la dérogation (de préférence rapidement), les conditions d'arrosage, les modalités des contrôles et les pénalités encourues en cas de mauvais usage...

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