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archiveXML - 1998

Du champagne intact remonté d'une épave suédoise

La vigne - n°92 - octobre 1998 - page 0

Coulé par la marine allemande en 1916, le Jönköping transportait des barriques de cognac, des tonneaux de bourgogne et des bouteilles de champagne. Seul ce dernier, grâce à son conditionnement, s'est conservé au fond de la mer Baltique.

Le 2 novembre 1916, quand le Jönköping quitte le port suédois de Gävle pour la mer Baltique, sa cargaison est alléchante : 87 fûts (600 litres chacun) de cognac, 17 tonneaux de vin de Bourgogne et 50 caisses de champagne. Destinées à l'armée impériale russe, les marchandises sont acheminées du Havre à Gävle. Outre cette précieuse cargaison, le bateau contient des caisses beaucoup plus sulfureuses : des pièces de rechange pour les locomotives des Russes. Abordé le 3 novembre 1916 par un sous-marin allemand, donc ennemi des Russes, le voyage du Jönköping tourne court. L'équipage est évacué et le bateau coulé, avec sa cargaison.Il y a cinq ans, les plongeurs suédois Peter Lindberg et Claes Bergwall découvrent dans un vieux registre l'histoire de ce bateau. Grâce à l'électronique, ils parviennent à localiser l'épave, à 63 mètres de fond. Pendant l'été 1997, les premières bouteilles de champagne, du Heidsieck & Co Monopole ' Goût américain ' de 1907, sont remontées et vite sabrées!Les notes de dégustation témoignent d'un très bon état de conservation. Claude Maratier, expert en vins et spiritueux auprès de la cour d'appel de Paris, fournit les appréciations suivantes : ' Effervescence très présente, couleur d'un jaune profond et doré, grande amplitude aromatique où dominent le miel, les fruits confits et le raisin de Corinthe '. L'analyse gustative précise que la longueur en bouche est exceptionnelle.Pour la petite histoire, en 1907, les vendanges avaient commencé le 30 septembre en Champagne avec un rendement de 3 250 kg/ha. Cette année-là, les vignobles français avaient souffert de conditions climatiques très difficiles. La marque Heidsieck & Co Monopole - désormais dans le giron du groupe Vranken - était particulièrement appréciée en Russie où plus de 250 000 bouteilles étaient expédiées chaque année. Si ces bouteilles n'ont subi aucune altération, c'est grâce aux 63 m de profondeur - qui garantissent une obscurité totale - et à la fraîcheur de l'eau (1 à 4°C). Les bouchons ont bien résisté en raison de l'absence de vers ou de parasites attaquant le bois en mer Baltique. Enfin, la pression de l'eau à 63 m de profondeur est identique à celle du champagne.Malheureusement, la Baltique aura été moins clémente avec les fûts de cognac et de bourgogne, qui n'ont pas résisté aux quatre-vingts années d'immersion. ' Le cognac s'est dilué en mer ', indique-t-on chez Cognac Bisquit, société dont les fûts étaient issus. Néanmoins, l'entreprise va rebondir sur cette découverte : ' Nous avons retrouvé la ' recette ' de l'époque et nous allons reconstituer quelques centaines de bouteilles de ce cognac d'antan, grâce à de vieux échantillons conservés dans nos caves. Les pays scandinaves seront probablement intéressés par ces produits '.Quant aux bouteilles de champagne remontées, elles appartiennent, comme l'ensemble de la cargaison, aux deux plongeurs suédois. Elles seront mises aux enchères chez Christie's, à Londres, début octobre. D'autres enchères suivront.

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