Outre le sauvignon, de nombreux cépages doivent leurs arômes à des composés soufrés sensibles au cuivre.
Au départ, il n'y avait que le sauvignon et la 4 MMP (1). Il n'y avait qu'un seul cépage et l'un de ses constituants, responsable de ses notes de buis et de bourgeons de cassis. Il fut identifié en 1993 par la faculté d'oenologie de Bordeaux. Et ce fut une surprise. C'était la première fois que l'on démontrait qu'un composé soufré participe agréablement à l'odeur d'un vin. Ceux que l'on connaissait jusqu'alors n'avaient rien pour plaire car ils engendrent des goûts de réduit. Etant de la même famille chimique qu'eux, la 4 MMP réagit comme eux à l'oxydation et au cuivre qui la détruisent.Il était donc logique de s'inquiéter de l'effet d'une protection cuprique des vignes sur les arômes des vins de sauvignon. Il était aussi nécessaire de le faire. En 1995, la faculté d'oenologie et l'Inra de Bordeaux annoncent qu'il suffit d'un seul traitement en fin de saison pour déprécier ces vins. Ces organismes ont utilisé soit de la bouillie bordelaise, soit un fongicide associant le folpel et le cuivre à leur dose homologuée. Tous deux se sont révélés néfastes.Leurs travaux furent repris à Sancerre par la Sicavac (Société interprofessionnelle de conseil agronomique, d'analyse et de vinification du centre), par la coopérative de Bourdic (Gard) et par le lycée viticole d'Amboise (Touraine). Les deux premiers organismes ont noté des effets moins tranchés que les chercheurs bordelais. Au lycée d'Amboise, ' les dégustateurs n'ont pas perçu de différence entre les témoins qui n'étaient pas traités au cuivre et les modalités où il y avait eu une ou deux bouillies bordelaises en fin de saison ', explique Pascal Buron, le responsable du domaine viticole.En 1997, la liste des composés soufrés s'allonge. Leur palette aromatique s'élargit. La faculté d'oenologie révèle qu'elle comprend des nuances fruitées et grillées, en plus des nuances végétales identifiées en premier lieu. Les unes parfument les vins de sauvignon de zeste d'agrume et de fruit de la passion. Les autres se retrouvent aussi dans les vins de sémillon. Ces notes grillées sont perceptibles dès la fin de la fermentation. Elles se développent au cours d'un élevage sur lies en barriques. Voilà donc un second cépage dont le goût tient, en partie, à la présence de composés soufrés.Fin 1998, paraît chez l'éditeur Dunod, une nouvelle édition du Traité d'oenologie. Dans le chapitre sur l'arôme des cépages, on y découvre que les vins d'Alsace sont eux aussi concernés. Les gewürztraminers, rieslings, muscats, pinots gris, pinots blancs et sylvaners sont riches en 3 MH (3-mercaptohexan-1-ol), qui rappelle le pamplemousse et le fruit de la passion.D'après les résultats exposés dans le Traité d'oenologie, cette molécule contribue systématiquement à l'arôme de ces cépages. Quant à la 4 MMP, elle se perçoit dans tous les gewürztraminers et tous les muscats. Elle intervient plus irrégulièrement dans les rieslings, les pinots blancs et gris, presque jamais dans les sylvaners. Les auteurs de l'ouvrage ajoutent que ' vraisemblablement, ces thiols volatils (molécules soufrées aromatiques) interviennent aussi dans l'arôme d'autres cépages (petit et gros mansengs, arvine, colombard et chenin) '. A cette liste déjà longue de cépages blancs s'ajoutent, en début d'année, deux rouges : le cabernet sauvignon et le merlot.Lors de la conférence organisée le 19 janvier par l'Interprofession des vins de Bordeaux, Philippe Darriet, de la faculté d'oenologie, fait part des premiers résultats de la thèse de Patricia Bouchilloux. Il dévoile que ces deux cépages pâtissent eux aussi des traitements au cuivre. Ils entraînent une diminution des caractères fruités et viandés des vins jeunes. Comme dans le cas du sauvignon, cela tient à la destruction de composés soufrés, dont le 3 MH qui confère aux rouges des notes de cassis et de fruits cuits.Au départ, il n'y avait qu'un cépage. Ils sont plus d'une dizaine maintenant. Et la liste risque fort de se rallonger. Selon le laboratoire des arômes de l'Inra de Dijon, les parfums de cassis qu'exhalent certains pinots noirs seraient dus à des composés soufrés, mais ce fait n'a pas pu être démontré avec une absolue certitude et reste donc à confirmer. De plus, ces parfums, tout comme les notes grillées et fumées, sont perceptibles dans bien d'autres cépages rouges. L'impact des traitements cupriques mériterait donc d'être évalué sur un grand nombre de variétés car ils sont encore couramment pratiqués en fin de saison.(1) 4-mercapto-4-méthylpentan-2-one.