La décision de se séparer entraîne l'obligation de régler les comptes entre associés. Si l'entente est bonne, les arrangements se font à l'amiable. Dans le cas contraire, la procédure est longue.
Pendant dix ans, ils se sont bien entendus. Associés à 50% en Gaec, le frère et la soeur se sont pour la première fois trouvés en désaccord lorsque l'un d'eux a voulu faire entrer ses enfants dans la société. Faute d'entente sur cette intégration, il fallait dissoudre le Gaec. Ce fut l'heure de régler les comptes, au sens propre comme au figuré. La soeur a tenté de faire valoir que son frère ne s'était jamais occupé du domaine, se contentant d'en recevoir les bénéfices. La procédure a duré quatre années et les juges ont procédé au partage, à l'avantage de la soeur.Heureusement, dans la plupart des cas, les associés s'entendent, conscients qu'un mauvais accord vaut mieux qu'un long procès toujours dispendieux. 'On ne peut pas forcer les gens à rester ensemble', rappelle Florence Durand, juriste à Gaec et Sociétés, association spécialisée dans le conseil aux exploitants. 'Lorsqu'une personne veut quitter une structure de type Gaec, EARL ou SCEA, elle doit faire part de sa décision à ses coassociés. Si elle propose une personne pour la remplacer, celle-ci doit recevoir l'agrément des autres membres. Les statuts fixent le seuil de la majorité pour être admis. En cas de refus, les associés restants doivent procéder au rachat des parts de l'associé sortant. Cela revient à évaluer ses droits. Pour chiffrer la valeur des droits de celui qui s'en va, on prend en compte les sommes créditrices ou débitrices inscrites à son compte courant d'associé, sa quote-part de capital initial et sa quote-part de réserve si tous les bénéfices n'ont pas été distribués', explique Luc Poussièlgues, directeur du Centre d'économie rural (CER) d'Avignon. 'A ce stade, le seul problème que l'on rencontre est celui de la réévaluation de certains biens. Par exemple, les plantations qui ont fait l'objet d'un apport et qui figurent au bilan peuvent être intégralement amorties. Leur valeur comptable est nulle, pourtant leur valeur économique est réelle. Dans ce cas, il est courant de faire appel à des experts.' Cette distinction entre l'estimation mathématique et l'appréciation économique divise souvent les associés. Pour évaluer les droits au plus près de leur réalité marchande, il est conseillé de faire appel à des avis extérieurs : conciliateur, voire experts judiciaires.La deuxième étape de la procédure consiste à organiser la rémunération de l'associé sortant. 'Dans l'hypothèse où un père part à la retraite et laisse le Gaec à ses enfants, il n'y a pas de problèmes. En l'occurrence, l'associé sortant veut assurer la pérennité de la structure. Il accepte facilement un échelonnement de son paiement sur cinq ou dix ans', note Luc Poussielgue. Mais parfois, il faut faire appel au juge pour qu'il fixe les modalités du partage. C'est le cas lorsque les associés n'arrivent plus à trouver un terrain d'entente.Comme le rappelle Eric Farge, du Centre d'économie rurale de Dijon : 'La première cause de sortie d'un associé est généralement son départ à la retraite. Viennent ensuite les différends liés aux façons de travailler. C'est souvent le cas en matière viticole. Les associés vont s'opposer sur les méthodes de vinification ou sur les modes de commercialisation.'Pour éviter que la simple divergence de vue n'engendre une guerre de tranchées, les spécialistes sont unanimes : il faut dialoguer. 'On a tendance à banaliser l'outil sociétaire. Les raisons qui poussent à s'associer sont souvent de nature financière, économique ou matérielle. On oublie souvent la dimension humaine, qui est essentielle. Avant de constituer une société, il faut se poser la question de savoir si l'on a la même conception du travail et du développement de l'exploitation, poursuit Eric Farge. L'idéal serait de pouvoir mettre les gens en simulation, afin de s'assurer qu'ils sauront travailler ensemble.'