De village en village, la Transcorbières a emprunté les chemins de traverse pour aller à la rencontre des amateurs de vins, de livres et de musiques.
Promener les livres par les chemins, voilà bien un désir de poète! 'Nous avions envie de sortir de notre boutique pour prendre l'air et aller à la rencontre des lecteurs. L'été dernier, nous avons invité quelques auteurs et nous sommes partis cinq jours sur les routes, nous arrêtant le soir dans les villages pour présenter nos livres. C'était tellement agréable que nous avons décidé de recommencer', explique Francis Loubatières, qui a fondé il y a trente ans les éditions Loubatières à Carcassonne (Aude).Séduit par l'idée, le syndicat de l'AOC Corbières s'est associé cette année à l'aventure, en apportant sa logistique et son savoir-faire en matière de communication. 'Les vins et les livres sont reliés par les hommes qui les font. Nourris par le même terroir, ils se rencontrent naturellement lorsqu'il s'agit de marier la fête et la culture', souligne Jean-Marie Sanchis, le président du syndicat de cru. Dans sa librairie à Carcassonne, Francis Loubatières vend des vins qu'il aime et n'hésite pas à laisser une bouteille comme carte de visite. De leur côté, les vignerons, attachés à la valorisation de leur terroir, le sont aussi à celle de la culture régionale, qu'elle s'exprime en mots ou en musiques.L'itinéraire choisi, qui va de Carcassonne jusqu'à la mer, traverse cinq terroirs de l'appellation. A chaque étape, des vignerons viennent faire déguster leurs vins. Cette année, l'arrivée se fait à Bages, un petit village de pêcheurs installé au bord d'un étang lagunaire. En fin d'après-midi, la caravane, composée d'attelages qui transportent des auteurs et accompagnée de cavaliers, s'est encore perdue quelque part entre les vignes et les pinèdes. Heureusement, les livres et les vins du terroir de Sigean sont déjà là pour faire patienter les curieux.Quelques heures plus tard, les chevaux arriveront, la nuit tombera et la fête pourra commencer sur la place du village, rassemblant des habitants, des touristes, des artistes et des vignerons. Au menu de la soirée, des danses languedociennes jouées par deux boudegaïres sur une sorte de cornemuse fabriquée dans une peau de chèvre, des gigues interprétées par trois jeunes violonistes anglaises, rencontrées par hasard sur la route, des textes de Joë Bousquet, dits par des comédiens, et un concert de Mans de Breich, un duo voix et guitare qui chante avec talent la sensibilité occitane.Hier, la Transcorbières était à Montredon, un lieu historique pour la viticulture méridionale, où trois générations de militants se retrouvaient avec beaucoup d'émotion. Avant-hier, c'était le château de Boutenac, siège du syndicat de cru, qui accueillait la fête. Chaque soir, l'alchimie est différente, en fonction du lieu et des personnes présentes. Le résultat reste imprévisible, comme l'est la vie. L'aventure, organisée sans l'être, garde un parfum d'imprévu. Pour l'apprécier pleinement, il faut prendre son temps et se laisser porter par les voix et les musiques, les vins et les rencontres, tout en savourant la douceur des soirs d'été.