Les grandes banques françaises mettent des moyens en place pour se tailler leur part du marché viticole. Cette concurrence n'inquiète pas le Crédit agricole, toujours largement majoritaire, mais l'incite à rester vigilant.
Depuis presque dix ans, le Crédit agricole a perdu son monopole sur la distribution des prêts bonifiés à l'agriculture. Quatre autres banques sont arrivées sur le marché : le Crédit mutuel, la Banque populaire, la BNP et le Crédit Lyonnais. 'Même si dans certaines zones viticoles prospères, il se fait très peu de prêts bonifiés, c'est une carte de visite indispensable pour prospecter efficacement ce marché, constate un chargé de clientèle spécialisé. Cela traduit la volonté de la banque de s'engager à long terme dans la filière.' Malgré tout, ces quatre banques et d'autres encore avaient déjà des clients dans la filière agricole mais de façon peu significative. En effet, certaines régions comme la Champagne et le Bordelais ont toujours été activement démarchées par les banquiers.Mais depuis quelques années, on assiste à une véritable offensive des concurrents du Crédit agricole pour gagner des parts de marché, notamment en viticulture. Il faut dire que 'le secteur est porteur, le risque faible et les marges intéressantes', admettent les financeurs. Il est difficile de connaître précisément les parts de marché de chaque banque sur le secteur agricole. En effet, seuls les prêts bonifiés sont parfaitement analysables, mais ils ne donnent pas une idée précise de la situation. Actuellement, le Crédit mutuel serait la deuxième banque de l'agriculture avec environ 12% de parts de marché en crédits distribués, suivi de la Banque populaire (5%), de la BNP et du Crédit Lyonnais (1% chacun). Le Crédit mutuel domine plutôt dans le nord de la France tandis que la Banque populaire se situe au second rang dans les départements méridionaux.Quoi qu'il en soit, chacun met des moyens en oeuvre pour affirmer et développer ses positions. On sait, par exemple, qu'un des atouts du Crédit agricole est lié au grand nombre d'agences installées dans les villages et à la relation de proximité qui en découle. Un argument balayé d'un revers de main par ses concurrents qui estiment que 'plus que la proximité géographique, c'est la proximité entre le professionnel et son banquier qui joue'.Dans ce schéma, c'est le banquier qui se déplace pour aller voir son client. Des chargés d'affaires, spécialement formés aux spécificités de la filière viticole, sont mis en place progressivement dans les départements viticoles où ils mènent un véritable travail de terrain.Quant aux opérations bancaires classiques (consultation des comptes, virements, édition de relevés d'identité bancaire ou autres), les banquiers s'accordent à penser que téléphone, fax, Minitel et internet permettent de travailler efficacement à distance. Pour les dépôts de chèques, il reste La Poste. Le centre d'affaires viticole du Crédit Lyonnais de la Marne (Champagne) a mis au point un système d'enveloppes préaffranchies (enveloppes T) permettant aux vignerons de leur adresser gratuitement leurs envois.Pour les vignerons, cette attention qu'on leur porte présente un atout majeur : il leur donne le choix et leur permet de faire jouer la concurrence. Cela se voit notamment lors de l'installation des jeunes agriculteurs. Les vignerons installés depuis plus de dix ans ont forcément un compte au Crédit agricole. Bien souvent, à moins d'un problème particulier, ils ne changent pas de banque mais développent un partenariat avec une deuxième banque. Ce phénomène, appelé multi-bancarisation, semble de plus en plus répandu. 'Cela permet de bénéficier de deux conseils, constate un chargé d'affaires. De plus, chaque banque a ses spécialités qui peuvent être l'exportation, la gestion de patrimoine ou les problèmes successoraux. Il est intéressant de bénéficier du savoir-faire de chacun. Enfin, ce système offre une plus grande sécurité si les affaires vont mal car là, on n'est pas dépendant d'une seule personne.'Pour intéresser de nouveaux clients, les banquiers disposent de différents arguments. La bataille ne semble pas se situer sur le plan des taux. 'Certains dossiers sont traités à perte pour réussir à s'implanter sur un secteur, reconnaît un chargé de clientèle viticole. Mais cela ne peut se faire que de façon exceptionnelle car une banque doit respecter une marge minimum pour couvrir notamment ses charges de structure. Certains peuvent aussi être moins exigeants quant aux garanties demandées.'Les banquiers concurrents mettent souvent en avant la confidentialité qui entoure les attributions de prêts. En effet, on sait que des professionnels siègent dans les comités de prêts du Crédit agricole. 'Cela gêne certains vignerons qui ne souhaitent pas que des confrères soient informés de tel ou tel projet d'investissement, notamment pour des opérations liées au foncier. C'est l'une des raisons qui peuvent pousser les vignerons à ouvrir la porte d'une autre banque.' Tout à fait conscient de ce handicap, le Crédit agricole organise des consultations délocalisées pour les dossiers importants.La première banque de l'agriculture semble vivre assez bien cette situation de plus en plus concurrentielle. En effet, le volume global d'affaires augmentant, la montée en puissance de ses concurrents ne se fait pas à ses dépens et le Crédit agricole continue de progresser.