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Maintenir l'intégrité de notre outil

La vigne - n°106 - janvier 2000 - page 0

La famille Bonville a pu investir en cave grâce au maintien du foncier au sein d'un GFA. Avec un objectif, celui de développer la clientèle particulière.

Jusqu'à l'aube des années soixante, le vignoble champenois ne valait pas grand-chose. Après guerre, le négoce aux abois cherchait des repreneurs. C'est ainsi que mon grand-père, salarié chez Clicquot, a acheté cette grande maison aux deux niveaux de caves souterraines et des vignes sur les communes d'Oger, Avize et Cramant. En 1974, avec Franck, mon père, nous exploitions 14 ha. Gilles Bonville, 55 ans, sait ce qu'il doit aux générations précédentes. En quinze ans, il ne s'est agrandi que de 4 ha, plus 2 ha en location. L'opportunité de diversifier ou de compléter un monocru de chardonnay se heurte à un marché foncier bloqué. 1 ha de vigne coûte entre 3 et 4 millions de francs. Les transactions sont rares.Dans la région, lors de successions, les exploitations se morcellent de plus en plus. Avec le recours aux prestataires de services, la double activité se développe. 'L'éclatement du foncier peut mettre en péril tout un outil de production conçu pour une surface minimale et menacer des emplois', reprend Gilles Bonville. Dès 1973, un GFA (groupement foncier agricole) est constitué entre les parents et les trois enfants. Une SA (société anonyme) exploite les vignes. Outre l'aspect fiscal - la transmission des parts bénéficie de droits de mutation à taux réduit - l'intégrité de l'entreprise est leur premier souci. Elle n'a jamais été remise en cause, même si le frère et la soeur de Gilles ont développé, de leur côté, leur propre affaire, l'un en Bordelais, l'autre en Champagne.L'activité courtage et pressurage à façon, démarrée par Franck Bonville, s'est poursuivie. 'Nous intervenons pour une trentaine de viticulteurs. Des relations avec le négoce se sont peu à peu installées et, aujourd'hui, nous vendons un quart de nos raisins à quatre maisons: Delbeck Bricout, Piper et Charles Heidsieck, Bollinger et Guy Charbaut.' Gilles Bonville tient à maintenir ces contacts. Mais la priorité reste de faire tourner son outil de production au maximum de son potentiel.Car Gilles, le gestionnaire, a bien préparé le terrain à Olivier, son fils, oenologue revenu sur l'exploitation en 1996. 'Tout est en place pour créer des conditions de travail idéales', estime le jeune homme. Avec fierté, il fait faire le tour du site de production, notant l'évolution depuis les vendanges de son enfance. Les pressoirs de nouvelle génération ont a peine dix ans: deux Siprem à membrane latérale d'une capacité de 8 000 kg chacun. L'un est dédié au négoce, l'autre presse les moûts Franck Bonville. Depuis 1991, la gestion des apports est informatisée au chai. 'Cela libère du temps pour les viticulteurs qui pressent chez nous et pour l'organisation de la cueillette. Car vendanger 80 parcelles, ce n'est pas rien!' Le centre de pressurage a un agrément 'qualitatif' aujourd'hui exigé par la majorité des négociants.La cuverie a été entièrement renouvelée fin 1988: 'De l'émail, nous sommes passés à l'Inox et surtout à la thermorégulation. En maîtrisant la vinification, nous avons pu avancer le tirage du mois de juillet à fin mars-début avril. La capacité totale est de 3 000 hl, plus 1 000 hl d'appoint avec quelques anciennes cuves.' En cave, trois Giratec (système de remuage par palette) vont automatiser les deux tiers du remuage, un tiers restant manuel. La chaîne d'habillage a deux ans; celle de dégorgement doit être renouvelée cette année. 'En 1973, nous avons mieux supporté le choc pétrolier que vingt ans plus tard le contre-coup d'une surenchère, suivie d'une longue période de récession. Le poids de nos charges était moindre', note Gilles Bonville.Les investissements ont donc repris avec, en perspective, la préoccupation des 35 heures. Il s'est toujours attaché à préserver les salaires et les avantages acquis d'un personnel fidèle. 'Nous travaillons en confiance, chacun assume ses responsabilités selon ses compétences', renchérit Olivier, s'appuyant sur sa coopérative d'appro et les techniciens de la Protection des végétaux pour un suivi raisonné des cultures. 'Cet état d'esprit et la performance de notre outil de production doivent nous permettre de libérer du temps pour la commercialisation, dont se chargent mon père et ma mère, Ingrid', poursuit-il.Le chardonnay, qui se conserve bien, permet d'enrichir la carte de deux ou trois vins millésimés et d'un 'hors d'âge', tandis qu'Olivier teste des cuvées sous bois. 20% des bouteilles sont vendues à l'export, essentiellement en Allemagne par l'intermédiaire du frère d'Ingrid Bonville. L'objectif est de dépasser les 100 000 bouteilles en clientèle particulière. Sensible au bon rapport qualité/prix de la maison, celle-ci doit beaucoup au bouche à oreille. 'Le fruit de trois générations', note Olivier. Son grand-père avait initié la vente en bouteilles en passant des annonces dans le Chasseur Français, puis dans La Vie des métiers. Aujourd'hui, la famille s'appuie sur des clients 'relais' qui se plaisent à regrouper des commandes. Les Bonville souhaitent développer ces relations. Tout comme renouveler l'opération dégustation dans un caveau parisien qui a permis à Ingrid de présenter son fils. Le relais est assuré.

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