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La sanction inefficace

La vigne - n°114 - octobre 2000 - page 0

Les produits de désinfection des sols sont les plus touchés par la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes). Le gouvernement n'atteindra pas son objectif de détourner les utilisateurs des matières actives jugées les plus polluantes.

Bien qu'elle soit entrée en vigueur le 1er janvier, la TGAP ne se fera sentir qu'à partir de cette morte-saison. Deux raisons expliquent ce décalage. La première tient au fait que la taxe s'applique au moment de la première vente sur le territoire national. Or, elle précède de plusieurs semaines celle conclue par un distributeur et son client. Coopératives et négociants passent commande dès l'automne. En 1999, ils se sont encore plus couverts que d'habitude. Ils ont acheté les produits alors qu'ils n'étaient pas encore frappés de TGAP. Ils ne pourront plus renouveler l'opération et leurs stocks, constitués fin 1999, sont épuisés.

Le décalage s'explique également par le relèvement récent du taux de taxation de nombreuses substances. Une nouvelle grille s'applique à toutes les ventes (première vente sur le marché national) signées après le 28 juillet. Avant cette date, le métam-sodium, matière active de l'Esaco, supportait 2,50 F/kg. Depuis, c'est 7 F. La taxe sur le diuron est passée de 4 F à 9 F/kg. Celle frappant l'arsénite de sodium a bondi de 4 F à 11 F/kg. Certains produits ont donc subi une hausse en deux temps. Des distributeurs l'ont anticipée, en passant leurs commandes de bonne heure, car elle était annoncée depuis janvier 2000. Ils pourront améliorer leur marge, ou faire bénéficier leurs clients de leur prévoyance.
Ils pourront agir ainsi jusqu'à l'épuisement de leurs stocks acquis avant le 28 juillet. Après cela, ils appliqueront le nouveau barème sans la moindre remise. C'est la consigne de toute l'industrie phytosanitaire. Fabricants et distributeurs ne comprimeront pas leurs marges, ni ne réduiront leurs coûts de production pour amortir l'effet de la TGAP. Aux utilisateurs de la supporter !
Dans le tableau ci-dessus, nous présentons les produits qui subiront les plus fortes hausses. En tête se trouvent des désinfectants du sol : Esaco passe de 8,30 à 11,87 F/l, soit 23 740 F/ha (2 000 l/ha) pour un traitement contre le pourridié, sans compter l'application ; DD 92 (Cyanamid-BASF) de 10 700 à 15 170 F/ha ; Dorlone 2000 et Télone 2000 (DowAgrosciences) passent de 9 975 à 14 582,5 F/ha. Ces trois derniers fumigants sont à base de dichloropropène.

Ces hausses décourageront-elles les utilisateurs ? ' On ne constate aucun changement dans les achats ', assure Michel Touzan, à Cestas (Gironde). L'entreprise portant son nom commercialise l'Esaco. La TGAP a relevé le prix de son produit au niveau de celui de l'Enzone, son concurrent contre le pourridié. Ce dernier ne subit pas la TGAP. Il se négocie autour de 25 F/l, application comprise. Les utilisateurs pourraient lui accorder leur préférence, même si Touzan espère le contraire. Dans ce cas, le gouvernement aurait atteint son objectif de les orienter vers un produit moins toxique à l'égard de l'environnement. Cependant, dans bien d'autres cas, il n'y parviendra pas.
Examinons celui des nématicides. L'offre est la suivante : DD 92, Dorlone 2000, Télone 2000, Temik 10G (Aventis) et Esaco à la dose de 1 200 l/ha. Elle est homogène en termes de coût et de toxicité à l'égard de l'environnement. La TGAP a hissé le DD92, le Dorlone, le Télone et l'Esaco au niveau du Temik, produit peu affecté par la taxe alors que sa matière active se range dans la classe la plus pénalisée. Le seul moyen de réduire la pollution liée à l'emploi de ces produits serait d'y renoncer. Les distributeurs interrogés n'y croient pas en l'absence de solution de remplacement. Selon eux, la TGAP n'aura qu'une conséquence : elle incitera les vignerons à mieux respecter les délais de repos du sol afin d'assurer la réussite de leurs traitements devenus plus chers.
Les utilisations d'arsénite de soude devraient également se maintenir en l'absence d'alternative contre l'esca. Le diuron pourrait même connaître un regain d'intérêt, compte tenu des ennuis que connaissent d'autres herbicides. A l'opposé de ces produits qui subissent des hausses notables, d'autres sont très peu affectés par la taxe, bien qu'ils comprennent des matières actives inscrites dans les classes les plus toxiques. Elle n'aura donc aucune influence sur leur marché. ' Seuls les thirames (antibotrytis) risquent de reculer, estime un distributeur méridional. Avec l'augmentation qu'ils vont subir, les clients verront que d'autres produits offrent un meilleur rapport prix/performances. ' Si cette prévision devait se vérifier, le gouvernement n'aurait trouvé qu'un moyen supplémentaire de remplir les caisses de l'Etat, et non celui de réduire les pollutions d'origine agricole.



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