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Pas de tunnel dans l'AOC Côte-Rôtie

La vigne - n°115 - novembre 2000 - page 0

Pour désengorger Lyon, un contournement autoroutier de la capitale régionale est à l'étude. Dans les hypothèses de travail, certains tracés traversent l'appellation Côte-Rôtie.

'Il est totalement inacceptable que l'on ait pu envisager un tracé autoroutier sur ce secteur. ' Dès mars 1997, Gilles Barge, président du syndicat des vignerons de Côte-Rôtie, réagissait au projet de contournement de Lyon dans une lettre adressée au préfet. Epaulé par Marcel Guigal, figure emblématique de la région, ce vigneron se bat depuis trois ans pour éviter qu'un tunnel de 7 km ne finisse sa course entre deux coteaux de vignes, avant de rejoindre, par un viaduc sur le Rhône, l'autoroute A7. ' Avec vingt-quatre siècles d'histoire, le vignoble de la Côte-Rôtie est le plus vieux de France. Avec des pentes à 60 %, c'est le plus escarpé ', explique Marcel Guigal. C'est un patrimoine collectif qu'il faut sauvegarder.
Les représentants des vignerons ont déjà rencontré Dominique Voynet, puis un conseiller de Lionel Jospin et, le mois dernier, des conseillers de M. Gayssot. Ils ont obtenu que l'Inao vote, en mai dernier, une motion adoptée à l'unanimité, dans laquelle ' le Comité national s'oppose catégoriquement à tout projet qui porterait une atteinte grave au patrimoine national que représentent les vignobles d'appellation d'origine '.

Les producteurs ont également manifesté dans les rues de Lyon en avril 1999, avec les associations opposées au contournement. Mais aujourd'hui, même si le tracé final n'est pas arrêté, une chose est sûre : l'autoroute passera à l'ouest de Lyon. Et le nouveau périmètre d'étude, plus restreint, laisse toujours planer le risque d'un tunnel débouchant dans les coteaux.
Un projet pourrait cependant protéger la Côte-Rôtie de toute forme d'agression. ' L'idée de demander le classement du vignoble par l'Unesco au patrimoine mondial m'est venue avant que l'on évoque le contournement ', raconte Marcel Guigal. Un tel classement serait bien utile aujourd'hui. Les vignerons prévoient de rencontrer leurs homologues de Saint-Emilion pour travailler dans cette voie. Car même si le préfet garantit qu'aucun pied de vigne ne sera touché, les professionnels sont inquiets. Outre l'altération du paysage, dans une partie de la vallée du Rhône encore préservée au sein du parc naturel régional du Pilat, le passage de l'autoroute entraînera une pollution, et le tunnel risque de provoquer des désordres hydriques dans les sols viticoles. Lorsqu'ils ont étudié la délimitation de l'appellation Côte-Rôtie, les professionnels ont exclu de l'aire des zones trop rocheuses. Aujourd'hui, ils s'aperçoivent que le tunnel pourrait bien déboucher dans l'une de ces zones, donc sans toucher l'aire d'appellation, mais en plein coeur du vignoble.
Cette crainte est exacerbée car une entreprise de travaux publics, installée depuis longtemps contre une zone hors appellation, demande aujourd'hui l'extension d'une carrière à cet endroit. Une autorisation d'exploitation existait depuis plusieurs années, ' mais seulement quelques camions de cailloux sortaient de temps en temps, explique Gilles Barge. Alors que pendant vingt-cinq ans, ils ont tiré au grand maximum 2 000 m³ par an, on nous parle aujourd'hui de 80 000 m³ par an. '

Gilles Barge ne comprend pas pourquoi le conseil municipal d'Ampuis a voté le mois dernier pour l'extension de cette carrière, ' alors que la municipalité a payé des banderoles contre l'autoroute aux entrées de la ville ! lance-t-il. On ne peut pas accepter de voir se creuser un trou entre deux coteaux et dire non à l'autoroute '. Carrière et autoroute, un même combat ? Si, dans les dix années à venir, la carrière extrait 800 000 m³ de cailloux, elle aura bien préparé le terrain pour l'arrivée d'un tunnel !
Les coteaux du Lyonnais, qui ont déjà largement souffert de l'urbanisation, risquent aussi de pâtir du contournement ouest de Lyon.
Dans une lettre adressée au préfet en juillet dernier, Pierre Jomard, le président de la fédération des coteaux du Lyonnais, regrette que le cahier des charges, produit par le ministère de l'Equipement, n'évoque que la protection des côtes du Rhône septentrionales. Et même si le contournement est prévu sans bretelle d'accès, dans le but de détourner le transit de Lyon, Pierre Jomard craint qu'à terme, des échangeurs soient mis en place, entraînant une urbanisation au détriment de l'aire d'appellation.
Avec les syndicats d'appellation, plusieurs associations, dans lesquelles se trouvent des vignerons, s'opposent au contournement de Lyon. C'est le cas de l'association Sauvegarde du Pays Rhône Gier. Comme d'autres, elle considère qu'un contournement ne réglerait rien et risquerait même d'aggraver l'engorgement de l'autoroute au sud de Vienne. ' Faut-il continuer à faire du 'tout route' ? ' se demande Andrée Mitanne, de cette association. Tout le monde parle de ferroutage ou de transport fluvial, mais personne ne travaille sur ces alternatives. Nous allons tenter de sensibiliser les élus, mais également les syndicats de cheminots sur ces sujets. '

Pour Andrée Mitanne, un contournement ne serait qu'une solution à court terme, risquant d'altérer l'un des poumons de Lyon et de perturber l'ouest lyonnais, qui rassemble aujourd'hui un tissu d'entreprises et d'exploitations agricoles affichant une bonne santé économique.
Enfin, plus de mille élus de la région lyonnaise, toutes tendances confondues, se sont réunis au sein d'Alcaly pour montrer leur opposition au projet, alors que le conseil général y est favorable. Cette association milite pour un traitement du problème au niveau national, voire européen. La vallée du Rhône est le seul axe de passage entre le nord de l'Europe et la péninsule Ibérique, d'où un trafic important. Le contour- nement de Lyon n'y changera rien. Alcaly souhaite donc que soit étudié un nouvel axe européen de transit.
Vingt députés ont également saisi, en 1999, la Commission nationale de débat public, qui vise à renforcer la prise en compte de l'environnement dans les grands projets d'aménagement. Mais le débat public risque de n'avoir lieu qu'après les élections municipales. Les vignerons sont cependant bien décidés à plaider leur cause auprès des membres de cette Commission, et à rencontrer les candidats à la mairie de Lyon, ville très favorable au contournement. ' Et si la diplomatie ne fonctionne pas, on trouvera d'autres moyens d'expression... ' promet Gilles Barge.

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