Les troisième et quatrième générations Borderie sont en place sur le vignoble familial de Monbazillac. Pour bien travailler, les tâches sont segmentées.
'Chacun est responsable de son secteur. On ne peut pas tout faire, sinon on 'pète' les plombs. ' Francis Borderie arrive comme une tornade. Bernard, son frère, plus calme, est déjà là, dans le bureau de la propriété situé au pied du château de Monbazillac, avec son fils, Frédéric, âgé de 28 ans. ' Il est vrai que je parle beaucoup, mais j'écoute aussi énormément. Dans la viticulture, ce n'est pas toujours le cas ', confesse Francis, faisant sans doute allusion à ses quelques responsabilités syndicales.
Chez les Borderie, on travaille en famille et on habite tout près les uns des autres. ' Parfois, c'est un peu tendu, mais cela finit toujours par s'arranger ', avoue Frédéric. Francis s'occupe de la vigne et d'une grande partie du commercial ; Bernard travaille à la cave. ' Je suis six mois à la vigne, six mois à la cave. J'espère bientôt dégager deux mois par an pour participer à des salons et prospecter, d'autant que c'est ma formation ', explique Frédéric. Avec seulement quatre permanents sur 86 ha, ' nous ne manquons pas de travail. Heureusement, nous faisons appel à des saisonniers que nous fidélisons d'une année sur l'autre. ' Les épouses s'occupent de la partie l'administrative. ' Toute la famille se voit et discute tous les jours. '
' J'ai trois enjeux majeurs à gérer à la vigne, explique Francis : restructurer une partie du vignoble planté trop large, introduire de plus en plus la lutte raisonnée et bien organiser le travail des ouvriers tout au long de l'année en fonction des tâches... et bientôt des 35 h. C'est loin d'être évident, en plus avec nos prunes. ' Avoir davantage de ceps à l'hectare est un virage qualitatif global pour le Bergeracois, comme pour une partie du Bordelais voisin : ' Nous connaissons nos terroirs et 3 300 pieds/ha est le bon compromis. Cela nous oblige à avoir tout le matériel en double. ' 50 ha restent à restructurer sur la propriété. Le rythme est de 2 ha/an en moyenne, les textes prévoient une vingtaine d'années pour y parvenir. ' Sur le front de la lutte raisonnée, c'est un autre grand virage, explique Francis. Cela demande beaucoup d'observation et de disponibilité : cette année, j'étais sur le tracteur le 14 juillet. Je note tous les jours ce qui est fait ainsi que les conditions météorologiques. Je m'y réfère régulièrement. Des informations me remontent aussi par les ouvriers. Il ne faut pas se rater : chaque traitement revient à 10 000 F! '
Etant près de l'aéroport de Bergerac, Francis utilise beaucoup les informations météo précises qui y sont disponibles : ' Les gens n'y pensent pas assez. J'ai toujours dit qu'une bonne exploitation, c'est un bon technicien de terrain, un bon oenologue et un bon prévisionniste météo. ' Concernant le respect de l'environnement, on sent Frédéric trépigner, voire enthousiaste : ' Une philosophie de travail plus respectueuse de l'environnement m'intéresse, autant pour les traitements que le travail du sol. Les gens y sont de plus en plus réceptifs. Quand je vois certaines communes où on ne peut plus boire l'eau du robinet à cause de pollutions agricoles, cela me fait peur. Ce sera l'un de mes chevaux de bataille plus tard. '
Les deux aînés semblent craindre un emballement prématuré du plus jeune... C'est la nouvelle génération.
Comme Francis pour le planning des ouvriers, Bernard réfléchit à une organisation plus rationnelle de son travail. ' Il y a dix ans, j'ai dit à mon père que si nous ne faisions pas un nouveau chai de vinification, je partais ! ' Il fut construit en 1992 sur 600 m². ' Nous avions trois lieux pour travailler, c'était ingérable. ' Le même enjeu existe aujourd'hui pour le stockage et la mise en bouteilles car chez les Borderie, on aime faire toutes les tâches soi-même. ' Cela se fait toujours sur plusieurs lieux et nous sommes obligés d'avoir un camion citerne pour transporter le vin. ' Heureusement, un local de 360 m² va être bâti prochainement. Il est vrai qu'en arrivant sur la propriété, il est curieux de devoir rouler en voiture sur une tranchée, abritant un tuyau serpentant d'un bâtiment à un autre. Partout, on sent le besoin de rationaliser toutes les tâches dans une exploitation prospère... et qui, étant l'une des plus grandes de la région, est toujours travaillée par la famille. ' Si nous pouvons investir un peu plus aujourd'hui, c'est que le remboursement du foncier, acquis en 1977, touche à sa fin ', explique Bernard. ' Nous avons eu également de beaux millésimes et d'assez belles années de vente, même si c'est plus difficile depuis le printemps dernier ', ajoute Francis, qui a toujours un oeil sur le curseur des ventes : ' Nous devons vendre davantage de bouteilles car le vrac ne paie plus beaucoup. Si c'est pour se voir proposer le bergerac sec à 3 F/l, à quoi bon la qualité et la lutte raisonnée. ' Mais pour libérer les chais avant la vendange, dont les premiers raisins sont rentrés le 18 septembre, il a fallu transiger.
' Pour la vente, avant d'aller à l'export où se trouvent 10 % de nos débouchés, je crois au développement du monbazillac dans le sud de la France. ' Francis est pilote. Il garde ici son côté un peu aventurier... puisqu'il en est à son quatrième voyage en Chine avec une association locale : ' Un quart de verre de monbazillac par chinois et par an et nous y vendrons des millions de bouteilles. '