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Autrefois, cet officier public entrait pleinement dans le quotidien des vignerons

La vigne - n°130 - mars 2002 - page 0

A une époque où peu de gens savent écrire, le notaire établit des actes contractuels courants dans la vie des campagnes.

Autrefois, le notaire était là pour établir par écrit des actes contractuels courants, sa minute faisant ensuite autorité pour que les marchés convenus se réalisent.
On va d'abord chez le notaire pour acheter des échalas. On y précise l'essence voulue, la nature (de quartier ou rond) et la longueur, et même s'ils doivent être aiguisés ou non. Enfin, on note le prix unitaire et la quantité exigée, en cents ou en milliers, les échalas devant être livrés en javelles de cinquante brins. On achète également les cercles de tonneaux par milliers, en précisant si ce sont des cercles à muids ou à demi-muids. Parfois, un marchand réclame l'exclusivité. Ainsi, un cerclier de la Nièvre, Annibal Bernard, s'engage à livrer ' tous les cercles qu'il pourra faire du 16 avril au 24 juin 1662 pour le prix de 3 livres 10 sous le millier '. La livraison devra se faire par grands et petits cercles, à raison de 21 javelles pour 20 (5 % en plus de la quantité convenue). De plus, pendant cette période, ledit Bernard ne pourra vendre à aucune autre personne ' au préjudice du présent marché '.
On achète aussi le merrain pour faire les tonneaux, en précisant la qualité du bois débité pour fabriquer un certain nombre de fûts, douves et enfonçures comprises dans une certaine proportion. Là encore, on doit pouvoir faire 21 tonneaux pour 20. On précise évidemment la contenance des fûts, en muids ou feuillettes si on est en Auxerrois. Les cuves s'achètent de même, la contenance étant toujours précisée.

On commande un pressoir au charpentier en détaillant les mesures exigées. En 1622, François Bonin, charpentier à Auxerre, s'engage à faire un pressoir à deux roues ayant deux arbres de 15 pieds chacun (près de 5 m de long), le tout de bon bois de chêne d'équarissage, sauf la maie qui sera de sciage, pour le prix de 165 livres tournois. Il s'engage à livrer le pressoir ' dressé et prêt à faire vin dans la saint Jean-Baptiste ' (24 juin). En outre, l'acheteur, pour être sûr du bon fonctionnement du pressoir commandé, exige que le charpentier fasse fonctionner le pressoir aux vendanges prochaines, qu'il répare ce qui pourra se rompre (on pense souvent aux deux vis qui doivent être de bois de poirier), le tout sans aucun salaire (il est donc compris dans le prix qui a été fixé), sans même qu'il puisse prendre les marcs pour faire de la piquette.
Le notaire enregistre les modalités de vente. Le 6 juillet 1504, Jacquinot Froment, vigneron d'Auxerre, cède tout le vin qu'il vendangera cette année, la moitié en vaisseaux neufs, l'autre moitié en ' futailles vieilles, bonnes et loyales '. Il s'engage à ' faire le vin de telle sorte qu'il plaira à l'acheteur, à ses propres dépens et en temps dû ', pour 3 livres le muid. Le vin ne sera payé qu'à la Chandeleur (2 février 1505). Dans ce cas, l'acheteur exige une qualité correspondant à des pratiques de cuvaison déterminées.
L'échange fait partie du marché car l'argent est rare. Le 24 juillet 1527, Germain Lessouré, coordonnier à Auxerre et propriétaire d'une vigne, s'engage à livrer à un tanneur de la ville, 10 feuillettes (5 muids) de vin nouveau, moitié clairet et moitié blanc, en échange d'une grosse (144) de peaux de veau tannées.
L'intérêt de tous ces actes notariés est grand. Ces derniers précisent beaucoup d'éléments qui permettent de mieux connaître la production et le commerce du vin. On apprend quelle est la couleur du vin vendu, quels sont les vendeurs (pas toujours des vignerons) ou les acheteurs, quel est le prix payé, celui-ci variant d'une année sur l'autre, plus en fonction des quantités récoltées qu'en fonction de la qualité. On sait vers quelle ville ou quelle région le vin prend la rivière ou la route, si c'est déjà un vin réputé ou voué seulement au commerce local. Une vraie richesse pour l'historien.

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