Offrir aux clients français ou étrangers, réels ou potentiels, une vitrine de sa propriété est le premier des actes commerciaux sur internet. Certains l'ont fait, d'autres s'interrogent. Mais attention aux propositions peu sérieuses.
Les B. sont parmi les premiers vignerons de leur région à s'être lancés dans la création d'un site internet il y a quelques années. Leur but ? Offrir une vitrine aux clients... avec la possibilité d'achat avec paiement sécurisé ! Mais les voilà aujourd'hui dans une situation désagréable pour avoir accordé leur confiance à des gens peu scrupuleux. Ils avaient fait appel à une première société qui avait créé le site de leur exploitation et s'était engagée à le remettre à jour régulièrement. ' Ce n'était pas le cas et nous avons dû nous-mêmes réactualiser les tarifs et les informations. ' Le tout leur a coûté plus de 6 800 euros HT (44 605 F) ! Aussi, lorsqu'un autre prestataire de service (1) vient les démarcher avec une offre alléchante, ils sont séduits, après s'être séparés en bon terme de la première société (qui avait d'ailleurs proposé de renégocier). La nouvelle société se présente comme de vrais professionnels recherchant des ' propriétés viticoles ayant déjà une très bonne image '.
A coups de flatteries, elle propose aux B. ' un ordinateur portable gratuit et une prestation de service répartie sur trois ans '. Elle s'engage à refaire le site et à le faire vivre de manière attractive. Mais la déception est là : la société ne fait que reprendre le site existant, en y ajoutant des photos qui n'ont rien à voir avec l'exploitation ou la région. Bref, au bout de deux mois, les B. veulent rompre le contrat. Mais ce n'est pas simple car il est fort bien monté et ce sont encore 11 000 euros HT (72 155 F) qui partent en fumée. Un peu cher pour un ordinateur portable... L'avocat chargé de l'affaire en est à son deuxième dossier concernant des sites internet viticoles dans la région : ' Des cas qui risquent de se développer, prévient-il. Il s'agit d'un contrat dit tripartite, comme il y en a eu beaucoup en matière de télésurveillance. J'ai traité près de quinze cas. '
Un prestataire se déplace, vous propose du matériel et des services, le tout couché sur un ' contrat de crédit-bail ' qui se monte entre trois parties : le vigneron, le prestataire habile et persuasif qui fournit le matériel, et un financeur d'opération bien caché. Tandis que le premier se retrouve contraint de payer des sommes faramineuses pour rien, les deux autres se remplissent les poches. ' Il est très compliqué de remettre en cause l'opération ', avoue l'avocat. Madame B. met en garde : ' Ils viennent dans des périodes chargées et comme nous, vignerons, ne sommes pas des spécialistes, nous faisons confiance . '
Commercialement, avoir son site internet est important : les clients et importateurs sont demandeurs. L'intérêt est clair : offrir une vitrine comportant des informations, les tarifs, voire une visite guidée de l'exploitation, des citations de la presse... Bref, une brochure en ligne utile. Un gage aussi de modernité : internet est très utilisé par nos concurrents du Nouveau Monde... ' Il faut communiquer avec son temps , explique Maryline Desbans, de la maison de Champagne Deutz. On ne peut pas passer pour une entreprise passéiste . '
Mais comment monter un site sans risquer de se faire avoir ? La première solution consiste à ' demander aux sociétés qui démarchent leurs projets de contrats, des exemples de sites déjà réalisés et le numéro de téléphone de clients vignerons , conseille notre avocat. Si elles refusent, c'est qu'il y a un problème. Il ne faut pas hésiter à consulter un avocat pour lire le contrat avant de le signer et se donner un certain temps de réflexion '.
Deuxième solution : se montrer très vigilant, comme l'a été la maison Deutz. ' C'est un travail d'équipe en interne, entre les services informatique et marketing. Nous avons d'abord regardé les sites existants qui nous plaisaient, fait des appels d'offre en demandant aux sociétés de répondre à un cahier des charges établi par notre informaticien : orientation générale du site, date de mise en service, charte graphique, etc. ' Les devis pour la création d'un site d'information coûtent de 22 867 euros HT (150 000 F) à 38 112 euros (250 000 F). Une démarche que peuvent aussi avoir, à leurs niveaux, des exploitants particuliers qui ont un peu travaillé la question.
Troisième solution : monter soi-même son site, comme Fabrice Pouillon l'a fait, avec de modestes moyens et un peu d'habileté (champagne-pouillon.com). ' Il suffit de se munir d'un logiciel d'édition, comme Frontpage de Microsoft (185 euros HT environ, soit 1 214 F, voire gratuit quand on achète Windows). Il ne nécessite aucune connaissance particulière, mais mieux vaut savoir s'en servir. Imaginer le site, rédiger les textes et créer la mise en page. Ensuite, trouver un hébergeur et déposer le nom du domaine chez ce même hébergeur . ' Ce jeune vigneron champenois a même glissé des vidéos sur son site, que l'internaute peut lire grâce au logiciel Real.
Quant à la vente via le site, est-ce faisable et rentable ? Tout dépend de la manière dont on utilise ce nouvel outil. Pour Fabrice Pouillon, c'est un appui commercial au même titre que les moyens habituels : les clients commandent par internet comme s'ils commandaient par téléphone ou par fax. Dès qu'il s'agit de paiement sécurisé ou de vente à l'exportation, c'est encore trop tôt. De nombreux vignerons sont encore sceptiques. ' La vente directe par internet ? Je n'y crois pas , affirme Christian Roux, des domaines Roux en Bourgogne. Laissons le soin de vendre à ceux dont c'est le métier. Nous, nous produisons et nous informons. ' La maison Hugel en Alsace, qui s'est lancée dans la vente par internet au dernier Vinexpo, stipule dans son règlement : ' Les livraisons des offres présentées sur le site Hugel & fils sont limitées à la France métropolitaine. Nous ne pouvons assurer aucun envoi vers l'étranger . ' Cette société fait pourtant 85 % de son chiffre d'affaires à l'exportation... Vincent Ogereau, dans la Loire, fait remarquer : ' On a cru qu'internet allait révolutionner le commerce du vin. On en est encore bien loin. '
En fait, ceux qui vendent aujourd'hui via leur site s'offrent un complément de commercialisation. Et comme toutes les autres formes de commande, tout repose sur la logistique.
(1) Le procès étant en cours, nous ne citons ni la société inculpée, ni le producteur escroqué.
en savoir plus
www.online.fr société professionnelle du groupe de free.fr
Coût de l'hébergement : 29,90 euros/an.
www.amen.fr ou
www.lerelaisinternet.com qui permettent de déposer un nom de domaine, tout en ayant un site hébergé gratuitement par Wanadoo (sous réserve de l'avoir comme fournisseur d'accès à internet). Coût du dépôt de nom de domaine (.com ou .net ou .org) : 25 euros/an. Coût du dépôt nom de domaine français (.fr) : 65 euros/an la première année, puis 25 euros.