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Un POS défavorable ne donne pas droit à indemnisation

La vigne - n°132 - mai 2002 - page 0

Un vigneron qui demandait à sa commune un dédommagement parce qu'il ne pouvait pas vendre ses parcelles à un promoteur immobilier a été débouté.

Lorsqu'une commune élabore un POS (plan d'occupation des sols), le caractère constructible ou non de certaines parcelles se révèle délicat, surtout quand il s'agit de préserver des espaces viticoles de l'éclatement démographique ou d'un emballement touristique. Des POS ont été annulés pour avoir sacrifié la viticulture à l'urbanisation.
Dans notre affaire, M. Y et son conseil municipal décident de maintenir en zone agricole 100 ha de sol communal : les constructions n'y seraient possibles que si le bâtiment envisagé était nécessaire à l'exploitation. Or, voilà que M. X possédait 4 ha de vin de pays situés dans cette zone. Sans espoir de rentabilité et vu son âge, il s'était mis en tête de vendre son bien. Un promoteur l'avait contacté, prêt à lui offrir un prix de 22,87 euros/m² (150 F), à condition que le terrain soit constructible pour y aménager un lotissement. Hélas, le certificat d'urbanisme sollicité parlait de lui-même : aucune construction n'était envisageable à moins que nécessaire à l'exploitation. Il y avait là un préjudice financier considérable. Pour M. X, la commune devait compenser cette perte puisqu'elle refusait de modifier la qualification des parcelles, se sentant victime sur le plan juridique d'une ' servitude d'urbanisme '. Or, l'article L 160-5 du code de l'urbanisme n'ouvre droit à aucune indemnité pour les servitudes concernant l'utilisation des sols.
Le propriétaire ne se tenait pas pour battu : devant le refus de tout dédommagement par la commune, il essaiera de démontrer, comme tant d'autres avant lui, qu'il y avait violation de la Convention européenne des Droits de l'homme, et spécialement de l'article 1 de son protocole additionnel qui prévoit que ' toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte aux droits que possèdent les Etats de mettre en vigueur des lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général '. Notre vigneron soutenait que l'article L 160-5 du code de l'urbanisme prévoit une exception au refus d'indemnisation touchant aux droits acquis par les propriétaires et à la modification de l'état antérieur. Et l'article ne fait pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude légale prétende à une indemnisation dans les cas exceptionnels où il résulte que le propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi par la création de la servitude.

Partant de là, le Conseil d'Etat sera amené à rendre une décision susceptible de conforter les maires dans leur souci de maintenir la destination des terres agricoles. En effet, il sera jugé que l'article L 160-5 du code de l'urbanisme n'est pas contraire à l'article 1 du protocole additionnel de la Convention européenne, car il réserve la possibilité d'indemnisation dans un certain nombre de cas. De ce fait, le refus d'indemnisation n'est pas incompatible avec le respect de la propriété, car il s'agit d'assurer un juste équilibre entre l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit de propriété. De même, les dispositions contenues dans l'article L 160-5 CU laissent au législateur une marge d'appréciation étendue, en particulier pour mener une politique d'urbanisme. Ces considérations tirées de la loi s'inscrivent parfaitement dans le texte de l'article 1 du protocole additionnel de la Convention européenne, puisque le code de l'urbanisme, après avoir affirmé la non-indemnisation, laisse la facilité aux Etats membres de dédommager dans certains cas. En conséquence, la Convention européenne des droits de l'homme n'est pas incompatible avec l'intérêt public à maintenir des zones agricoles dans un POS.
Restait à savoir si l'exception au refus d'indemnisation était établie. Il aurait fallu que le propriétaire subît du fait de l'inconstructibilité de son terrain une charge exorbitante hors de proportion avec les justifications d'intérêt général poursuivies par le POS. La réponse sera riche d'enseignement : le fait de maintenir des parcelles en zone inconstructible n'est pas hors de proportion par rapport à l'intérêt général.

Référence : Conseil d'Etat 3 juillet 1998, AJDA 98-639.

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