De plus en plus de vignerons font appel à des prestataires pour gérer une partie ou la totalité du stockage de leurs vins, la préparation des commandes et l'expédition des bouteilles. Cette externalisation de la logistique leur permet de se concentrer sur leur métier de base : produire du vin.
'Au départ, seuls les 'moutons à cinq pattes' venaient frapper à notre porte, constate un prestataire de service en logistique. En général, ils prenaient contact avec nous par manque de place. Puis une autre génération d'interlocuteurs s'est présentée : des vignerons possédant une structure d'exploitation classique, mais souhaitant se recentrer sur le métier, celui de produire des raisins de qualité et de vinifier. '
Les motivations pour recourir à un prestataire sont donc multiples : manque de place, coût de construction trop élevé d'un chai de stockage, répartition des salariés facilitée, souvent plus à l'aise dans les vignes que dans la préparation des commandes, exigence accrue des clients en terme de délais...
Jean Dutruilh, propriétaire du château Rocher Bellevue Figeac, à Saint-Emilion (Gironde), est un adepte de ce service : ' J'ai confié la logistique à un prestataire pour plusieurs raisons : je n'habite pas sur place, je n'ai pas de local adéquat à Saint-Emilion, et je préfère que mes deux salariés et moi-même travaillions dans les vignes. Le coût du stockage revient à 0,7 centime d'euro par bouteille et par mois. Je préviens mon prestataire 48 heures avant l'expédition de la commande et celui-ci me confirme par fax l'enlèvement de la marchandise. Si je faisais davantage de vente au détail, j'aurais intérêt à m'équiper et à embaucher une secrétaire. La question se poserait aussi si je produisais un plus grand nombre de bouteilles. Mais dans le cas de figure actuel, c'est la bonne solution ' , explique Jean Dutruilh.
' Dans la majorité des cas, nos clients nous livrent leurs bouteilles non capsulées et non habillées , précise Xavier Garaud, directeur général de TGR Logistique à Bruges (Gironde). Les palettes sont ensuite dirigées vers notre entrepôt de stockage à hygrométrie contrôlée. Selon l'évolution du stock, les bouteilles passent dans la chaîne d'habillage et de conditionnement, et restent dans l'entrepôt d'exploitation jusqu'à leur départ. Enfin, le propriétaire nous informe de l'expédition d'une commande par fax ou par mail. '
' Le coût du service varie selon la quantité de bouteilles et la nature de la prestation, poursuit notre interlocuteur. En cas de grands volumes traités, l'entrée d'un box de 600 bouteilles coûte 5 euros, le prix de la sortie d'un box étant également fixé à 5 euros. Le stockage d'un box est facturé 5 euros par mois. La reprise (lavage, habillage, pose de la capsule et de la contre-étiquette, mise en carton) s'élève à 0,14 euros/col. Nous nous occupons de la gestion des douanes et les clients peuvent suivre l'évolution de leur stock par internet. ' Un service à la carte, que les vignerons peuvent intégrer au stade où ils le souhaitent.
Avec ses quatre entrepôts, Mitsiu figure parmi les grands intervenants de la place de Bordeaux. Il intervient très en amont puisque l'un de ses sites, les chais de Poumeyrade, reçoivent le vin en cuve. L'entreprise réalise alors la filtration, éventuellement des opérations oenologiques, et la mise en bouteilles. ' Nous avons surtout des clients de taille importante, souligne Eric Destarac, responsable du développement et de la commu- nication chez Mitsiu. Mais l'idée fait son chemin chez les petits intervenants . '
Les coopératives ne restent pas en marge de ce marché naissant, avec le groupe Euralis Agro-Vigne qui a construit une plate-forme de conditionnement et de stockage sur la commune d'Ambarès-et-Lagrave (Gironde). Baptisée Euralog, cette entreprise proposera une cuverie dès 2003. ' Euralog est ouvert à tous les vignerons, précise Eric Ripond, directeur production et services d'Euralis. Avec le passage aux 35 heures, la demande de vins de plus en plus qualitatifs et la complexité de la logistique, les professionnels du vin seront de plus en plus nombreux à se tourner vers des prestataires. '
Le marché reste d'ailleurs entre les mains de spécialistes, les grands logisticiens étant peu attirés par le vin, produit cher et fragile. De même, l'offre est essentiellement concentrée dans le Bordelais. A quelques exceptions près... Ainsi, Danzas propose-t-il ce service à Bordeaux, mais aussi dans les autres régions viticoles, comme à Reims (Marne) où il collabore surtout avec les grandes maisons de champagne. Les plus petits intervenants peuvent néanmoins travailler avec ce grand logisticien qui ne gère pas l'habillage des bouteilles.
A quelques centaines de kilomètres de là, un autre généraliste est également présent sur un secteur viticole encore peu convoité : J.-F.Hillebrand propose un entrepôt pour les bouteilles déjà conditionnées à Beaune (Côte-d'Or). ' Nous stockons les bouteilles pour des durées très variables, allant de quinze jours à plusieurs années , explique Anne Carmichael, directrice des opérations chez J.-F. Hillebrand. Les demandes fluctuent beaucoup selon les périodes de l'année. Nous sommes souvent sollicités l'été, à l'approche de la nouvelle vendange, par manque de place. Notre activité varie aussi selon la qualité des millésimes qui se vendent plus ou moins bien. Nous travaillons surtout avec de gros opérateurs, peu de vignerons font appel à nos services. ' Avec la complexité croissante de la gestion des transports, la prise en charge de la préparation des commandes et de l'expédition devrait se développer auprès des plus petites structures. Reste le frein, affectif celui-ci, de ne plus avoir ses bouteilles dans son chai...