Dans un département en difficulté, François et Vincent Pugibet ont réussi le tour de force de tripler leur chiffre d'affaires en cinq ans. Le fruit de trente ans de labeur.
Dans un département en difficulté, François Pugibet, 59 ans, aux commandes du domaine de Colombette, niché entre les croupes du Libron et de l'Orb, sur la commune de Béziers, dans l'Hérault, tire parfaitement son épingle du jeu. La totalité des 42 ha de l'exploitation, dont 30 ha en production, est située en vin de pays des Coteaux du Libron, un vin de pays de zone. Le prix moyen départ propriété est de 3,81 euros HT par bouteille. Depuis cinq ans, date à laquelle son fils Vincent, 29 ans, formé à l'Enita de Bordeaux, l'a rejoint sur le domaine, après le décès de sa femme, l'entreprise familiale est passée de 25 à 42 ha en propriété. Père et fils confient avoir payé le prix fort, jusqu'à 18 300 euros/ha (120 000 F) pour les terres proches de leur domaine. Le nombre de bouteilles a grimpé de 100 000 à 230 000 et le chiffre d'affaires triplé à 686 000 euros (4,5 MF). ' La vente directe au caveau, ouvert en permanence, génère entre 600 et 3 000 euros par jour ', soutient Vincent. Toute la production est faite en tiré bouché et habillée au fur et à mesure des demandes.
Trente ans de labeur, des choix parfois audacieux et souvent atypiques pour la région, une volonté de fer que l'administration n'a pas su faire plier expliquent cette réussite. Au départ, le domaine fournissait au négoce des vins prêts à la mise. ' C'était le partenariat de la carpe et du lapin ', affirme aujourd'hui François qui a décidé, en 1979, de mettre lui-même ses vins en bouteilles et de débuter la vente directe. 5 000 cols sortent alors du domaine. Le vrac ne sera totalement arrêté que 19 ans plus tard en 1998.
Le grand cheval de bataille du domaine reste la restructuration progressive du vignoble qui passe par l'arrachage des vieux cépages : aramon, cinsault, carignan. En 1968, alors que François a rejoint ses parents, les premières plantations de grenache et lledoner sont réalisées. Ce dernier est un cépage noir originaire d'Espagne et acclimaté de longue date dans le Midi. La syrah est introduite à partir de 1972. Le chardonnay et le sauvignon en 1982-1983. ' Une petite révolution à l'époque, se souvient François, car ils n'étaient pas autorisés, mais ils ont assuré la notoriété du domaine auprès de la clientèle étrangère . '
Puis viendront les pinot noir, cabernet sauvignon, cabernet franc, merlot et, plus récemment, viognier et même riesling. ' Sans jamais avoir eu un franc de subventions ', se targue François. Dès son installation, François opte pour une densité de plantation minimale de 5 000 pieds par hectare. Les vignes ne sont jamais plantées avec un écartement supérieur à 2 m. En 1996, le choix est fait de créer un vignoble de très haute densité, ' l'avenir de la viticulture '. Il a fallu réfléchir et résoudre le problème matériel du passage du tracteur interligne étroit. Finalement, la solution retenue est de 1,6 m sur 0,7 m (8 000 pieds par hectare) et les deux premiers hectares sont plantés. 3 ha suivront en juin 2002, trois autres sont prévus en juin 2003 pour atteindre un total de 10 ha à moyen terme. Avec, en ligne de mire, l'élaboration d'un vin très haut de gamme, nécessaire à leurs yeux pour compléter leur palette de quinze produits : sept blancs, sept rouges et un rosé. Des 800 hl de blanc, le chardonnay représente 450 hl. Le haut de gamme est vendu 8,4 euros (55 F HT), le générique 4,6 euros (30 F HT). Des tarifs élevés pour la région.
Les méthodes de travail sont choisies dans une optique de rentabilité technico-économique optimale. En 1982, l'une des premières machines à vendanger traînée de l'Hérault arrive sur l'exploitation. Une économie énorme. ' Le cinquième du chiffre d'affaires suffisait à peine pour payer les vendangeurs ', se souvient François. En 1988, le premier élevage en barriques neuves est réalisé. En 1998, la sécheresse frappe, le tiers de la récolte en chardonnay est perdu. Pour les deux vignerons, c'est le coup d'envoi de l'irrigation au goutte-à-goutte. ' L'irrigation est indispensable pour la qualité de la vigne et la survie économique de l'exploitation ', martèle Vincent. Elle permet, également, en assurant une production régulière, de ne pas perdre de parts de marché. Un marché auquel ils sont particulièrement attentifs. 70 % des 1 700 hl produits sont écoulés à l'export. Afin d'être plus facilement compris de ces clients, les cuvées portant des noms locaux seront renommées. Puech d'Hortes, un vin vendu 2 euros à l'export, deviendra ainsi syrah-grenache. François consacre trois semaines par an à démarcher dans les pays du Nord : Belgique, Hollande, Allemagne, Suisse, Angleterre.
' Il est important de se déplacer pour aller voir les clients chez eux ', affirme-t-il. Et de se rendre compte, par exemple, que l'essentiel de la consommation dans les pays du Nord est faite hors des repas, avec des vins autour de 11° à 11°5 maximum. ' Nos vins sont de plus en plus alcoolisés (jusqu'à 15°), c'est une très grosse préoccupation , continue Vincent. Ça plaît aux journalistes, mais c'est trop fort pour les clients. Cela limite énormément la consommation. ' Une préoccupation majeure qui reste à ce jour sans solution pratique.
Mais cela n'empêche pas François et Vincent d'avancer sur tous les fronts. Durant l'été 2002, un bâtiment climatisé de 1 000 m² réaménageable en permanence a été construit. Coût : 229 000 euros autofinancés. Fin 2002, le démarchage des Etats-Unis et du Canada est déjà programmé. Ils pensent créer une société commerciale d'ici quatre à cinq ans pour diminuer le poids du foncier dans la SCEA et faciliter la succession.