ImprimerLe collage peut être aussi bien bénéfique que néfaste à la qualité d'un vin. Des essais sont indispensables pour juger le comportement du vin avec différentes colles.
'Depuis quatre ans, mes clients me demandent des vins plus souples et plus fruités . J'ai donc adapté mes goûts pour obtenir un produit qui se vend . ' Telle est la politique de Xavier Chouteau, jeune vigneron de 24 ans. Selon le millésime, ses vins présentent parfois des tanins trop durs. ' Lorsque les tanins évoluent peu ou que le goût ne correspond pas au goût souhaité, j'envisage un collage ', explique-t-il. En revanche, lorsque les vins se goûtent bien, il ne les colle pas. Il les laisse se clarifier naturellement. Lorsqu'il faut gommer des défauts, il fait appel à son oenologue conseil pour déterminer la nature et la dose de colle à employer. ' En testant l'ensemble des colles, je reste ouvert à tout traitement. ' Son objectif étant de diminuer l'amertume, il choisira le traitement l'atteignant au mieux, sans se préoccuper de son coût.
Les tests sont toujours les mêmes. Ils portent sur un échantillon de trois bouteilles, prélevées au coeur de la cuve avec un plongeur. Eric Tournay, oenologue conseil au laboratoire UAPL de Brissac-Quincé (Maine-et-Loire), essaie deux gélatines à la dose conseillée et deux blancs d'oeufs (déshydraté et liquide), à la fois au dosage prescrit et à demi-dose, soit six essais au total. Ils ont lieu dans les mêmes conditions de température que dans la cuve. Les colles proviennent de Littorale OEnologie DSM (Hérault) et OEno France (Gironde).
Deux à trois jours après le collage, Xavier Chouteau se rend au laboratoire pour déguster les essais. ' J'insiste pour que les vignerons viennent goûter leurs vins en dehors de leur cave ', signale Eric Tournay. Le tassement et la quantité des lies sont notés, la couleur est observée. ' Je ne connais ni la colle, ni le dosage , dit Xavier Chouteau. Je déguste le témoin, puis les vins collés. Je mets à l'écart celui qui marque une réelle différence avec le témoin et qui s'approche de mon objectif. Ensuite, je déguste une seconde fois le témoin et les vins restants. Je mets à nouveau de côté le vin préféré. Je classe ainsi les différents traitements. Au-delà du témoin et des six essais, cela devient difficile de bien les discerner. '
Ensuite, vigneron et oenologue échangent leurs impressions. ' Généralement, un ou deux vins sortent du lot ', indique Xavier Chouteau. L'amertume, la rondeur, le gras et les arômes sont décrits. ' Chacun explique sa préférence et nous confrontons nos idées. J'ai besoin d'un avis extérieur pour me remettre en question. ' Une fois d'accord, Eric Tournay révèle quel collage est le meilleur. Il établit un bulletin indiquant la quantité de colle à apporter à la cuve et le protocole à suivre. Il faut compter environ une heure et demie pour aboutir à cette prescription, le temps de déguster et de dialoguer.
Le collage en soi doit se dérouler au frais. Auparavant, une analyse du SO 2 est nécessaire. Xavier Chouteau prélève un échantillon qu'il gardera comme témoin. La colle est intégrée soit lors d'un soutirage avec aération, soit lors d'un remontage. Dans les deux cas, la cuve est homogénéisée grâce au remontage d'au moins un tiers de son volume. Deux à trois semaines s'écoulent avant la levée de colle. On contrôle à nouveau les teneurs en SO 2. Xavier Chouteau fixe un rendez-vous avec son oenologue pour déguster la cuve. Il prélève un échantillon qu'il chambre, pour le comparer au témoin.
Cette démarche consistant à tester au préalable la réaction des vins n'est pas toujours possible lorsque le temps manque, ou dans des caves qui systématisent certains traitements. Mais le temps et l'énergie consacrés à ces essais vont toujours vers un vin de meilleure qualité. Surtout, de cette façon, le collage ne laisse plus aucune mauvaise surprise au vinificateur.