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Nous poussons nos produits jusqu'au bout

La vigne - n°137 - novembre 2002 - page 0

En misant sur la vente directe, d'abord de cognac et de pineau des Charentes, puis de vin de pays, Monique et Henri Geffard ont réussi à intégrer leurs enfants à leur domaine.

Des pelouses vertes bien entretenues, une allée bordée d'arbres, des parterres de fleurs multicolores... l'entrée du domaine des Geffard est charmante. Henri (56 ans), Monique (55 ans), Karine (32 ans) et Stéphane (29 ans) accueillent chaleureusement leurs visiteurs. Ils gèrent un domaine de 25 ha en Grande Champagne, à Verrières (Charente), auquel s'ajoutent cinq chambres d'hôtes. La répartition des tâches est claire. Les femmes tiennent la comptabilité, l'administration et les chambres d'hôtes. Les hommes travaillent à la vigne, au chai, à la distillerie.
Avec 20 000 bouteilles de vin de pays charentais, 10 000 de pineau des charentes et 5 000 de cognac commercialisées par an en vente directe, Henri Geffard fait déjà office de vieux routier de la diversification, dans une région où les vignerons ne s'y précipitent pas. Sa femme et lui se sont interrogés depuis longtemps sur leur avenir. Installés depuis 1969, ils réalisent leur première vente directe de pineau et de cognac en 1977. Au départ, ils sont motivés par l'envie de ' pousser le produit jusqu'au bout ' et de nouer des contacts en vue de rendre leur métier plus intéressant. ' Nous avions peu de relations, si ce n'est avec le négociant et le chauffeur du camion-citerne de temps en temps ', se souviennent-ils.

Ils réfléchissent aux moyens d'attirer de nouveaux clients sur le domaine. Ils optent pour des chambres d'hôtes et ouvrent les trois premières en 1989, les deux suivantes en 1996. ' C'était beaucoup mieux qu'un gîte, car la rotation des clients est nettement plus importante ', explique Monique. De fait, 95 % des hôtes de passage achètent. Puis, nos vignerons accueillent les camping-cars. En 1998, ils sont référencés dans le Guide du routard. Depuis 2001, le domaine figure sur les étapes du cognac, l'une des quatre routes touristiques créées pour guider les visiteurs dans leur découverte de la région. Ils sont ouverts 7 jours sur 7. ' Nous n'avons pas choisi la facilité, mais nous avons 2 000 petits clients ', expliquent-ils fièrement. Aujourd'hui, 60 % du chiffre d'affaires est réalisé en vente directe, même s'ils sont en contrat avec Rémy Martin, depuis trente-cinq ans, et avec Courvoisier, auxquels ils vendent des eaux-de-vie.
Leur gamme comporte cinq cognacs (de six à trente-quatre ans d'âge), trois pineaux (deux blancs et un rosé), et quatre vins (un de chaque couleur et un rouge élevé sept mois en fût de chêne). Leur vin est également commercialisé en cubitainers (1,40 euros/l) et en Bag-in-Box (1,83 euros/l).
La diversification leur permet d'être moins fragile. Henri et Monique ne veulent plus dépendre des cours du cognac, qui fluctuent dans un rapport de 1 à 10 selon les années, de 460 à 4 600 euros/hl d'alcool pur. Dès 1990, ils élaborent du vin de pays, grâce à 1 ha planté en merlot en 1985, initialement voué à faire du pineau. En 1991, la flambée du cognac les incite à arrêter. Deux ans plus tard, c'est à nouveau le marasme. Ils en tirent la leçon. ' Maintenant, même si le cognac vaut de l'or, on continuera à faire du vin ', martèle Henri. Avec une marge brute de 15 250 euros/ha pour le vin de pays rouge élevé en fût, ils gagnent ' trois fois plus d'argent '. Tout d'abord, parce que les taxes sont nettement inférieures, de 0,03 euros la bouteille de 75 cl, contre 1,60 euros pour le pineau et 4,95 euros pour le cognac ; ensuite, parce qu'il n'y a pas de stock : le vin est vendu dans l'année, contrairement au cognac vieilli six ans minimum.

' Grâce à la vente directe et à la diversification en vin de pays, nous avons pu développer suffisamment le domaine pour y intégrer nos enfants ', complète Monique. En 1991, ils embauchent leur fille à temps complet. En 1993, leur fils Stéphane les rejoint. En 1997, il s'installe officiellement avec une dotation jeune agriculteur, dont ils profitent pour planter, en 1998 et 1999, 3 ha supplémentaires de rouge (merlot, cabernet sauvignon, cabernet franc) et 0,5 ha de blanc (chenin, chardonnay, sémillon, sauvignon) à la densité de 4 000 pieds/ha. Les rendements en vin de pays sont de 65 hl/ha, contre 120 hl/ha pour le cognac.
Du point de vue technique, le passage à la vinification des vins de pays n'a guère posé de problèmes. En 1998, le domaine est équipé d'un système de maîtrise intégrale des températures en chaud et en froid, installé par Stéphane lui-même. En 2001, l'exploitation s'enrichit d'une cuve équipée en froid pour les précipitations tartriques et investit dans la micro-oxygénation.
' La situation de l'entreprise est saine avec un bel outil de travail, car nous avons toujours investi de manière échelonnée et régulière , se réjouit Henri. Les enfants n'ont pas d'emprunt, nous terminons les nôtres. ' La succession est organisée depuis plusieurs années. Une SARL a été créée à cet effet en 1997, détenue à 52 % par les parents, à 48 % par Stéphane et Karine. A compter de 2003, les parents transmettront des parts de GFA, en suspension de droits de succession, à leurs enfants. Dès novembre 2002, Henri souhaite embaucher un salarié pour gérer la production afin de se libérer davantage de temps pour la vente. Il multipliera les démarches commerciales sur les foires, les salons en France et à l'étranger. ' Nous devons continuer à nous désenclaver des grands négociants qui, du jour au lendemain, peuvent nous tourner le dos ou diminuer leurs achats de moitié ', projette Henri.






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