Etienne Monge est chef de culture aux domaines de la Croix et de la Bastide Blanche, dans les Côtes de Provence. Il s'occupe du vignoble, de la plantation à la récolte. Ce travail lui permet d'être vigneron sans être propriétaire.
Les vignes, Etienne Monge les bichonne. Il faut dire que ce fils de vigneron est un véritable amoureux de la nature. ' Planter un végétal et le voir évoluer est passionnant. D'ailleurs, créer un domaine fait partie du rêve d'un chef de culture, car cela permet de partir à zéro. Une fois le vignoble établi, le travail devient plus routinier . '
Grâce à ses employeurs, le rêve est devenu réalité. D'abord, au château de Berne, à Lorgues (Var), de 1986 à 1997 en tant que directeur d'exploitation, où il a défriché et planté une partie des vignes. Puis, depuis le début de cette année, aux domaines de la Croix, à la Croix-Valmer (Var), et de la Bastide Blanche, à Ramatuelle (Var), dont il supervise l'arrachage et la replantation de l'essentiel des vignes. ' Etre chef de culture est une chance quand on n'a pas les moyens de s'acheter un vignoble. Je suis vigneron sans être propriétaire, et je joue avec la vigne d'un autre . '
Etienne Monge s'occupe des vignes de A à Z avec, comme finalité, ' la production de bons raisins pour faire du bon vin '. Il organise tous les travaux, dirige les ouvriers, choisit les fournisseurs, établit les programmes de traitements. Il savoure cette activité frénétique. ' Plus j'ai d'hectares à m'occuper, plus j'ai de possibilités pour mettre en place différents modes de conduite et différents itinéraires techniques. Toutes ces expériences au sein d'un même vignoble sont très enrichissantes. '
Encore faut-il avoir les mains libres pour prendre toutes les décisions. Cela implique une certaine confiance des propriétaires envers leur chef de culture, qui s'établit au bout de quelques mois. Mais ce n'est pas si simple. Comme l'explique Etienne Monge, il existe deux types de propriétaires : le vigneron qui part à la retraite et qui ne peut plus s'occuper lui-même des vignes, et l'investisseur qui n'y connaît pas grand-chose. ' Le premier va rechercher un chef de culture qui sera son égal, en plus jeune. Ce dernier devra jouer des coudes et il lui sera difficile d'imposer sa vision des choses. L'investisseur laissera beaucoup plus de liberté à son chef de culture . '
Notre chef de culture est dans le deuxième cas de figure et bénéficie d'une grande autonomie mais, parfois, c'est à double tranchant. ' L'un de mes précédents employeurs me faisait une confiance presque aveugle, mais dans ces cas-là, j'ai tendance à en faire trop . ' Les grandes décisions stratégiques sont discutées une fois par an, au cours d'une réunion avec les investisseurs ' A cette occasion, je présente la liste des investissements à effectuer et les devis correspondants. J'explique alors leur bien-fondé et le propriétaire tranche . ' La gestion du quotidien est laissée aux bons soins d'Etienne Monge, mais il rend compte de ses activités une fois par mois. Exceptionnellement, il lui arrive de prendre une décision importante sans consulter le propriétaire. C'est le cas, par exemple, lorsque la sulfateuse tombe en panne et qu'il faut la remplacer le plus vite possible, sous peine de risquer un gros pépin phytosanitaire. Comme il le dit lui-même, ' mon premier patron, c'est la vigne et c'est une source de stress perpétuelle '.
D'ailleurs, les horaires d'Etienne Monge sont calés sur les besoins de cette culture, la période la plus délicate allant du débourrement jusqu'aux vendanges. L'observation est primordiale. ' Avant un traitement, je fais le tour des parcelles, car je ne peux pas, de but en blanc, décider si on traite ou si on ne traite pas. Par ailleurs, un bon chef de culture doit toujours garder le contact avec son prédécesseur, dont l'expérience est irremplaçable. Il est le seul à pouvoir dire : 'Attention, dans telle parcelle, l'oïdium se développe toujours en premier sur le dixième cep de la cinquième rangée'. Ses conseils n'ont pas de prix ! ', dit Etienne Monge.
Autre qualité indispensable au chef de culture : la capacité à anticiper. ' Je dois imaginer la finalité de chaque travail cultural. ' Il utilise cette qualité, également propre aux tailleurs, pour organiser les chantiers de taille. Il confie ainsi à ses ouvriers les mêmes parcelles d'une année sur l'autre. De même, il essaie de leur donner, au moment de l'ébourgeonnage, les parcelles qu'ils ont eux-mêmes taillées, mais c'est difficile à mettre en pratique.
Mais pour Etienne Monge, un chef de culture ne fait pas que donner des ordres. Il met également la main à la pâte, ce qui lui permet de mieux conseiller son personnel. ' Je sais quels soucis les ouvriers peuvent rencontrer. Un dialogue se crée entre nous. Je dois me montrer compréhensif et psychologue pour gérer mon équipe. Le management est le plus difficile, car je dois réussir à faire des horaires cohérents, sachant que chaque ouvrier est un cas particulier. Afin de mieux les comprendre, il me faut connaître un peu leur vie privée. Par ailleurs, je tiens à les envoyer régulièrement en formation, pour qu'ils puissent rencontrer d'autres salariés et voir que, finalement, ils ne sont pas si mal là où ils sont . ' Il faut dire qu'Etienne Monge prend soin d'eux. Il n'hésite pas à passer sa soirée aux urgences lorsqu'un ouvrier se blesse, à ajuster les horaires l'été de manière à ce qu'ils aient leur après-midi de libre... En outre, il collabore étroitement avec le maître de chai afin que ce dernier puisse appréhender au mieux la matière première. Car au moment de la vendange, il lui passe le relais pour terminer ' l'oeuvre ' qu'il a mise en route.