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Seuls 50 % des revenus supplémentaires remboursent l'achat de la terre

La vigne - n°141 - mars 2003 - page 0

Acquérir des vignes se révèle un bon placement à long terme. Mais pour en vivre à court terme, une solide réflexion s'impose.

Avec le prix moyen des vignes AOC qui a progressé de 40 % en dix ans, est-il toujours rentable d'acheter ? Chaque cas de figure appelle une réponse adaptée, mais pour les personnes disposant d'un capital, ou pour les vignerons en place dans des zones à forte valeur ajoutée, investir dans du foncier peut se révéler rentable. ' Ce qui est certain, c'est que les portes de la viticulture sont presque fermées aux jeunes sans moyens financiers et non issus du milieu , regrette un expert foncier. En dessous d'un apport personnel de 30 %, sauf à pouvoir justifier d'une compétence dans la viticulture, rares sont les banquiers qui répondront positivement. En général, il est conseillé d'avoir un capital couvrant 50 à 60 % de l'investissement. '
Un point de vue partagé par Arnaud Boyer, chef du marché agricole à la BNP : ' Il est vrai que le ticket d'entrée commence à devenir élevé. Quand on souhaite vivre de la vigne, il faut bien raisonner son financement et faire appel à des professionnels. En revanche, pour un investisseur, c'est un placement très intéressant avec le prix du foncier qui reste beaucoup plus accessible que dans les autres pays européens. '
L'économie d'échelle figure en tête des arguments en faveur d'un agrandissement, sous réserve de disposer d'une capacité d'autofinancement correcte. ' Quand on réfléchit à acheter une terre, il faut voir quel autre investissement on met en face, par exemple l'immobilier ou la Bourse , estime Jean-Pierre Rouffet, ingénieur conseil au CDER de la Marne. C'est en comparant que l'on peut prendre une bonne décision. Il n'y a jamais de solution idéale mais, même en Champagne, on peut trouver un intérêt à acheter. '

Les terres ne figurent pas au bilan, mais le vigneron peut réaliser un prêt, pour financer son stock ou du matériel, sur une partie de l'investissement. Avec les cotisations sociales et les impôts, le coût du prêt sera diminué de moitié, ce qui allège la facture. ' Il faut être vigilant dans son plan de financement, met en garde un comptable. Beaucoup de professionnels misent sur le nombre de bouteilles supplémentaires pour rembourser leur prêt. Ils oublient les coûts de production et les impôts liés à l'agrandissement. Dans les faits, on ne peut compter que sur 50 % du revenu supplémentaire pour rembourser l'acquisition des terres. '
Les conseillers de gestion préconisent toujours d'acheter des terres qui pourront agrandir un vignoble, mais surtout pas celles que le vigneron exploite déjà, dans le cas où il serait fermier. Mais reste qu'au gré des événements familiaux, l'exploitant n'a pas toujours le choix et doit souvent acheter une partie ou la totalité des terres qu'il cultive déjà. ' A soixante ans, de nombreux vignerons se retrouvent avec le foncier péniblement payé et les bâtiments partiellement remboursés ', commente Pierre Aguilas, président de la Fédération viticole d'Anjou-Saumur.
' Avant, on disait que le prix d'une vigne ne devait pas dépasser le triple du chiffre d'affaires qu'elle générait , explique Jean Guerrieri, responsable communication de la Safer de l'Hérault. Maintenant, ce ratio n'est plus fiable ', l'échelle des prix s'étant beaucoup trop élargie.

En règle générale, il est admis que la rentabilité de l'achat d'un hectare de vignes en appellation d'origine s'élève à 2 % quand le propriétaire loue ses terres. Elle est comprise entre 3 et 6 % quand il les exploite. On est donc bien loin des taux de rentabilité des entreprises de services...
' Il ne faut pas voir la rentabilité à court terme, estime Jean-Michel Coiffin, avocat. La terre est un produit limité qui va en se raréfiant. Il faut accepter sa part spéculative, en espérant la revendre plus cher qu'on ne l'a achetée. Pour accéder à une rentabilité correcte, il faut absolument valoriser son produit en commercialisant des bouteilles. Vendre son vin en vrac permet, généralement, de couvrir tout juste ses frais. En revanche, si l'on peut augmenter la valeur ajoutée d'une bouteille, ne serait-ce que de 0,30 euros, le gain est très significatif sur l'ensemble de l'exploitation. En matière de rentabilité, il faut aussi se méfier des idées reçues. J'ai déjà vu des comptes de bordeaux prestigieux sans bénéfice. '

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