Pour satisfaire les vignerons soucieux de respecter leurs sols, Grosjean René Viticole, Mafroco et Balligand se sont lancés dans la construction d'enjambeurs de moins de 1 000 kg. Leurs utilisateurs apprécient leur légèreté, mais pointent des insuffisances.
Depuis quelques années, Grosjean René Viticole (GRV), à Péronne (Saône-et-Loire), commercialise le Caval, un quad enjambeur. D'une puissance de 38 ch et doté d'une transmission hydrostatique, il ne pèse que 900 kg à vide. Il ne possède ni correction de dévers, ni voie variable, mais cette dernière peut être réglée sur demande en usine. Ludovic du Gardin, de l'EARL du clos Salomon, à Givry (Saône-et-Loire), possède l'un de ces quads depuis près d'une année pour son exploitation de 7 ha : ' Nous avons acheté cet appareil pour réaliser les travaux aériens, à savoir le rognage et les traitements, car nous avons un autre enjambeur lourd pour le travail du sol. Nous en voulions un léger pour lutter contre l'érosion . ' Même utilisation chez Nicolas Guichard, viticulteur sur 3 ha à Berzé-la-Ville (Saône-et-Loire) : ' J'utilise le Caval pour le rognage, les traitements et le désherbage . '
Grâce à son faible poids, le Caval ne tasse pas les sols. Cependant, cet avantage cache un inconvénient : la cuve du pulvérisateur ne peut contenir que 300 l. Il faut la remplir à chaque hectare. Toujours dans l'optique d'alléger le véhicule, il n'y a pas de cabine, ce qui implique le port du casque lors des traitements. Malgré cela, le Caval est sûr : ' Le petit arceau à l'arrière protège bien ', déclare Jean-Louis Trapet, du domaine Trapet, à Gevrey-Chambertin (Côte-d'Or). ' De plus, il y a une bonne suspension, ce qui permet de travailler tout en étant assis confortablement ', témoigne Ludovic du Gardin. Mais ' le Caval a tendance à déraper sur un sol caillouteux non travaillé et en pente, car tout le poids est situé à l'avant ', explique Nicolas Guichard. Un autre atout apprécié par Jean-Louis Trapet : il peut parcourir les 5 km séparant ses parcelles ' aussi vite qu'avec un tracteur normal '.
Mafroco, à Pierre-Morains (Marne), propose un mototracteur enjambeur trois rangs. Le Trimovigne est doté d'une puissance allant de 16 à 28 ch selon la version, et pèse entre 400 et 600 kg à vide. Bruno Clavelier, installé à Vosne-Romanée (Côte-d'Or), utilise ce matériel depuis trois ans. ' Travaillant en viticulture biologique, je suis attentif aux sols et à la vigne. Pour cela, je cherchais un appareil tassant moins les sols et pouvant intervenir en conditions difficiles . ' Le Trimovigne répond à ses préoccupations : outre son faible poids, il possède une correction de dévers. Cela permet de franchir des pentes importantes, comme l'explique Alain Corneille, prestataire de services, à Ludes (Marne) : ' C'est un matériel stable qui passe partout, même dans les vignes ayant des pentes supérieures à 40°, quel que soit le temps . ' Joël Cirotte, viticulteur sur 10 ha à Bué (Cher), renchérit : ' J'ai deux enjambeurs Bobard pour mes vignes caillouteuses et à plat, mais pour celles en pente (30 à 40°) et par temps de pluie, je préfère le Trimovigne . '
Comme le Caval, cet enjambeur peut être employé pour divers travaux : ' Je l'utilise pour le désherbage, l'épandage de chélates, le prétaillage, le rognage et les traitements ', poursuit Alain Corneille. Il permet, en outre, ' d'avoir une autre vue de la vigne et de surveiller son évolution de près, car on est situé au niveau du feuillage ', note Joël Cirotte.
Mais cet enjambeur a quelques inconvénients : comme le Caval, sa cuve ne peut contenir que 200 à 300 l. De plus, les vérins de la voie variable sont électriques et non hydrauliques. ' J'ai souvent des problèmes de batterie lorsque je traite, car j'ai beaucoup de petites parcelles et je fais varier les potences sans arrêt, ce qui demande beaucoup d'élec- tricité ', décrète Bruno Clavelier. Même écho chez Alain Corneille : ' Les vérins électriques sont gênants, car ils ne sont pas assez puissants . ' La direction est dure, et ' on est assis sur le moteur, ce qui tient très chaud l'été '. Enfin, ce véhicule est lent et on ne peut pas l'utiliser sur route, à moins de le mettre dans une remorque.
Balligand, à Morancé (Rhône), fabrique le Passe Partout. Cet enjambeur de 880 kg a une puissance de 28 ch. Sa correction de dévers est de 300 mm, et il possède une voie variable de 50 cm. Pierre Germain, viticulteur à Charnay (Rhône), en est le concepteur. Il explique son choix : ' Je souhaitais un appareil léger, peu gourmand en énergie et à prix abordable . ' Cet enjambeur est utilisé depuis juillet 2002 par François Jacquet, du domaine expérimental de la Sicarex, à Liergues (Rhône), ' pour le rognage, le désherbage, la tonte et l'effeuillage, c'est-à-dire les travaux de faible puissance, les autres étant réalisés par des enjambeurs lourds '. Cependant, lors de l'effeuillage, le tracteur est en limite de puissance, à moins de ' réduire la vitesse d'avancement ', décrète Pierre Germain.
Du point de vue de la sécurité, le centre de gravité est bas, ce qui confère une bonne stabilité à l'engin. De plus, il peut aller sur route. Par contre, ' la position de conduite est assez allongée et sur des sols caillouteux, c'est assez inconfortable ', témoigne François Jacquet. Par ailleurs, ' la conduite se faisant au pied, il faut un temps d'adaptation '. Mais le ' plus ' de cet enjambeur, par rapport aux deux précédents, est qu'il peut recevoir une tête de récolte, ce qui le rend très polyvalent.