La quatorzième édition du festival varois Théâtre dans la vigne s'est tenue cet été. 3 000 spectateurs ont goûté les vins rosés de trois domaines, puis assisté à la représentation d'une pièce de Shakespeare.
Tout est bien qui finit bien : le titre de la pièce de Shakespeare, adaptée et mise en scène par Pierre Beyfette, résume parfaitement le festival Théâtre dans la vigne. Tous les ingrédients du succès étaient réunis : une bonne intrigue, menée tambour battant, jouée par une pléiade d'acteurs dynamiques, réunis autour de Romain Bouteille dans le rôle d'un bouffon, et de Yolande Folliot dans celui d'une comtesse veuve. Sans oublier la touche d'originalité apportée par le lieu même du spectacle : trois domaines viticoles des Côtes de Provence.
Marie-Christine Kemp, créatrice et présidente de Théâtre dans la vigne, a voulu, comme toujours, que le spectacle soit profondément optimiste et mené sur un rythme résolument fou afin de ne laisser aucun répit au spectateur. Cette édition restera un grand millésime, dans la lignée des précédents qui avaient accueilli Claudine Coster, Michel Galabru, Francis Perrin ou Patrick Préjean, entre autres.
Trois représentations étaient programmées. La première a eu lieu le 22 juillet, au domaine Bertaud Belieu, à Gassin, village vigie du golfe de Saint-Tropez, l'un des grands noms de l'appellation Côtes de Provence. La deuxième s'est déroulée deux jours plus tard au château Les Mesclances, terme signifiant ' là où leurs eaux se mêlent ', ce domaine se trouvant au confluent du Gapeau et du Real Martin. La troisième a été donnée le 26 juillet à proximité de Vidauban, au château Saint-Julien-d'Aille, du nom du saint martyrisé auquel est venu s'ajouter celui d'une petite rivière, l'Aille, affluent de l'Argens. Le festival mêle étroitement les plaisirs de la culture littéraire et de la viticulture. Cette année, plus de 3 000 spectateurs s'y sont laissés prendre et jurent qu'ils le feront encore.
D'entrée, l'ambiance est détendue : les spectateurs, souvent en famille, se laissent guider par leurs hôtes vers le lieu de dégustation où flotte une discrète atmosphère musicale. C'est la mise en bouche. Les rosés coulent limpides dans les verres gravés au millésime du festival. Les groupes se forment. Les gens parlent, se parlent : ' Romain Bouteille, je l'ai connu à Paris au Café de la Gare du temps où, pour entrer au spectacle, le prix était fixé par une 'roue de la chance' que l'on tournait comme à la foire. Et tant pis pour ceux qui payaient triple ', raconte un vétéran. ' Shakespeare revu ?, demande ce Niçois, venu avec des amis italiens, il fallait oser... Je ne connaissais que son sens du tragique. C'est autant la curiosité qui me guide que le plaisir d'être au théâtre dehors . ' Un verre à la main, on échange ses considérations théâtrales... Puis on découvre le domaine viticole et l'on s'aperçoit que le vin est exquis. C'est l'instant où les nourritures terrestres prennent le pas. On oublie la culture pour la viticulture. Le but est atteint. L'alchimie est parfaite. Puis, le spectacle prend sa place. Il est 21 h30.
A partir de la pièce de Shakespeare, une histoire romanesque qui exploite la virtuosité verbale, le metteur en scène a échafaudé une sorte de joute verbale au cours de laquelle les phrases s'entremêlent et rebondissent, parfois jusqu'à l'absurde, selon la merveilleuse tradition britannique. Le spectateur applaudit, les rires montent jusqu'à la Voie lactée. Une fois le rideau tombé, tout n'est pas fini pour les épicuriens. Ils se mettent à table pour un souper provençal, préparé par une grande toque. ' Dieu existe, je l'ai rencontré ! ', lance un convive portant un toast à ce mariage heureux du théâtre et de la vigne. Depuis longtemps, les cigales ont mis en sommeil leur lancinante stridulation.