Interdiction de désherber les tournières ; interdiction d'appliquer des herbicides de prélevée en plein dans les vignes suffisamment larges : l'Inao est sur le point de matérialiser sa volonté de préserver l'environnement.
En mai 2003, l'Inao réactivait sa commission environnement. Cette décision est en passe de se traduire par des mesures concrètes. Elles figurent dans un avant-projet de décret, approuvé par le comité national de février. Ce texte s'appliquerait à toutes les AOC. Il interdit le désherbage de prélevée en plein dans les vignes plantées à plus de 1,50 m entre les rangs. En dessous de cet écartement, il est difficile de se passer des herbicides de prélevée. Inutile de produire une réglementation inapplicable !
Le projet de décret interdit aussi le désherbage chimique à plus de 1 m des derniers pieds d'une parcelle. Là, tous les produits sont concernés, quel que soit leur mode d'action. Cela revient à imposer l'enherbement des tournières, ' derniers obstacles avant le fossé, précise Hubert Bouteiller. Si on laisse l'herbe pousser, elle va freiner le ruissellement et l'absorber. Les phytos n'iront pas polluer les eaux '.
Ce vigneron médocain préside la Commission terroir et environnement de l'Inao, à l'origine du projet de décret. ' Nous proposons aussi l'interdiction des traitements en hélicoptère ou au canon, sauf cas particuliers. '
S'agissant du canon, des dérogations permanentes pourraient être accordées, à la demande des syndicats, aux AOC reposant sur des terroirs en pente raide. Pour l'hélicoptère, au contraire, les dérogations seraient temporaires. Il pourrait décoller à la demande d'un vigneron ou d'un syndicat après des pluies diluviennes, pour traiter d'urgence des parcelles inaccessibles au tracteur. Le reste du temps, il serait cloué au sol. On ne pourrait plus s'en servir régulièrement dans les coteaux.
Le projet de décret prohibe encore le bâchage des vignes, technique qui avait provoqué bien des remous à Bordeaux durant l'été 2000.
En principe, une version définitive du texte sera soumise au comité national du mois de mai. Son adoption ne devrait pas soulever d'obstacle. Au-delà de la protection des terroirs, l'enjeu porte sur la communication. En interdisant le désherbage en plein, la viticulture d'appellation prendrait une mesure comme les aiment les médias grand public. De quoi s'offrir un joli coup de pub !
La commission environnement avait d'autres idées. ' Nous souhaitions rendre les antigouttes obligatoires. Le ministère de l'Agriculture ne l'a pas voulu ', affirme Hubert Bouteiller. La commission a également débattu du cuivre. Elle n'a pas limité son usage, alors que sa toxicité envers la vie des sols est bien établie. ' Nous n'avons pas voulu être provocants vis-à-vis des bios ', reconnaît Hubert Bouteiller.
Dans l'immédiat, il n'y aura pas d'autres dispositions nationales. Cependant, chaque syndicat est encouragé à aller de l'avant. Début 2001 déjà, l'Inao leur avait demandé la liste des mesures à prendre en faveur de leur environnement. A l'époque, l'institut pensait les introduire dans les décrets. Maintenant, il s'oriente vers une formule plus souple : l'inscription dans les règlements intérieurs des syndicats. Quelques uns ont déjà rédigé leur charte et invitent leurs adhérents à la suivre. ' On essaie de faire respecter une discipline, explique Nathalie Prieur, à l'Union viticole sancerroise. On a demandé que les tournières soient enherbées. On le constate partout maintenant. ' Pour éviter l'érosion, le syndicat a fixé des longueurs maximales de rangs selon la pente. Il conseille aux viticulteurs de s'en rapprocher au maximum.
La Fédération viticole de l'Anjou conçoit les choses différemment. Elle ne rédige pas de règlement intérieur. Elle met en place, à titre expérimental, un certificat d'aptitude des exploitations à produire des vins d'AOC. C'est ainsi qu'elle veut favoriser les bonnes pratiques environnementales. Le certificat serait en effet délivré aux exploitations qui cultivent comme il faut la vigne, respectent l'environnement, possèdent un chai propre et bien équipé. En contrepartie, ces exploitations n'auraient pas à soumettre tous leurs vins à l'agrément. Seule une partie de leur récolte serait prélevée, selon une fréquence qui reste à définir. Parmi les mesures en faveur de l'environnement angevin, on note l'interdiction des herbicides solubles sur les sols filtrants et l'obligation de justifier tout apport de cuivre, de carbamates ou d'organophosphorés. Rien d'insurmontable.