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Les appellations planchent sur l'environnement

La vigne - n°118 - février 2001 - page 0

L'Inao a demandé aux syndicats d'intégrer la protection de l'environnement dans leur décret d'appellation. Ils ont jusqu'au 31 mars pour lui soumettre leurs premières propositions.

Tous les professionnels sont d'accord sur le principe : respecter le terroir, c'est préserver le vignoble et son environnement, c'est pouvoir le transmettre. Cependant, au-delà de la prise de conscience, que fait-on ? En appelant les syndicats à prendre leurs responsabilités, l'Inao a refusé d'imposer un cadre rigide et peu adapté aux spécificités des régions. Tout a commencé avec la réflexion engagée par le ministère de l'Agriculture, courant 1998, pour aboutir à une définition d'une vinification biologique. L'Inao y a répondu par le refus de superposer à la notion d'AOC toute autre spécification, que ce soit le logo AB ou une référence à une charte d'agriculture raisonnée. Mais l'Institut a senti qu'il était temps d'ouvrir un chantier qu'il avait totalement délaissé.Deux ans de maturation et la conjonction avec le rapport Paillotin l'ont conduit à cette décision d'intégrer le respect de l'environnement dans les décrets d'appellation. De volontaire, la démarche devient obligatoire avec une date butoir - le 31 décembre 2001 - pour l'application des grandes lignes de la charte établie en mai 2000 et diffusée l'été dernier. L'Inao a demandé à tous les syndicats d'appellation de lui faire, avant le 31 mars, des propositions pour intégrer la protection de l'environnement dans leur décret. A défaut de réponse, les syndicats qui feraient la sourde oreille se verront dans l'obligation d'appliquer un protocole type.' Cette démarche vient conforter la conscience professionnelle, ce n'est pas une révolution, explique Hubert Bouteiller, vigneron médocain et président de la commission Terroir et environnement de l'Inao. La nou- veauté, c'est d'avoir à justifier ses pratiques, à les inscrire sur un registre. ' Sur le terrain, l'accueil est divers. En ce début d'année, il faut relancer la dynamique. Certains syndicats ne se sentent pas concernés, estimant avoir dépassé ces exigences minimales. Ailleurs, on peaufine les propositions qui seront discutées au Comité national de l'Inao du 25 avril prochain. Quelques mesures font d'ores et déjà l'unanimité, comme l'utilisation systématique des panneaux récupérateurs pour appliquer de l'arsénite de soude, ou l'analyse de sol. A l'avenir, elle deviendra obligatoire avant une plantation et devra être renouvelée tous les cinq ou six ans. L'une des difficultés est de trouver le moyen terme entre des groupes déjà bien avancés dans des démarches d'agriculture raisonnée ou de production intégrée, et la totalité des vignerons d'une appellation. ' La crainte est de se voir exclu si tous les éléments de la charte ne sont pas respectés, note Jean-Baptiste Joliot, vigneron en Côte-d'Or, en charge de ce dossier. Par exemple, il est question de rendre obligatoire l'enherbement aux abords des parcelles. Mais comment fait-on dans les contours où l'on a entassé les pierres extraites lors du défonçage ? Nous souhaiterions un échéancier dans l'application des différents points, pas pour gagner du temps mais pour bien faire. ' La Champagne travaille sur le sujet depuis bientôt deux ans. ' Première étape : la présentation de notre référentiel à tous les décideurs le 25 janvier, indique Jean-Marie Tarlant, vigneron à Oeuilly et membre de la commission Terroir et environnement. Ensuite, les 12 000 vignerons champenois le recevront, avec un guide viticole détaillé et un document d'autodiagnostic. Le contrat de plan Etat/région arrive au bon moment pour assurer cette grande diffusion. ' Là aussi, les délais d'application comptent parmi les points à débattre. La restriction de certaines habitudes provoque des remous, comme le traitement par hélicoptère qui représente encore 4 000 à 5 000 ha sur les 30 000 ha. ' Nous avons mis l'accent sur la lutte contre l'érosion, explique Nathalie Prieur, de l'Union viticole sancerroise. Par ailleurs, la limitation de la fumure azotée devrait être, chez nous, de 20 U sans que cette restriction pose de problèmes. ' L'Union viticole réfléchit également à l'opportunité de mettre en place des aires de lavage collectives et étudie la récupération des emballages, en partenariat avec une déchetterie voisine. ' Il était temps que l'Inao apporte cette clarification : l'environnement fait partie des conditions de production et ne nécessite aucune mention spéciale sur l'étiquette ', se félicite Jean-Paul Goulby, directeur de l'Association des viticulteurs d'Alsace. Cependant, il mesure l'étendue du travail à réaliser. ' Les différents groupes déjà sensibilisés ne représentent que 2 000 ha sur les 14 000 ha de l'appellation. ' Dans le projet alsacien, la décision de la fertilisation azotée est guidée par l'observation des parcelles classées en quatre catégories selon la vigueur des ceps et la coloration du feuillage, justifiant un apport de 0 à 60 U. La forme de l'engrais est fixée selon le pH du sol. ' En matière de protection phytosanitaire, nous avons opté pour la recommandation plus que sur une liste restrictive. L'objectif est d'arriver, à terme, au niveau de la protection intégrée sans aboutir à des impasses techniques. Il faut du temps. Le volet protection de l'utilisateur est assez délicat à mettre en place ', estime Philippe Boucard, président du syndicat de Bourgueil. Il a travaillé de concert avec son collègue de Chinon, Jean-Max Manceau selon lequel ' l'usage des désherbants de prélevée sur la totalité de la superficie d'une parcelle devrait être interdit, de même que les composts urbains et les boues. ' En Languedoc-Roussillon, les dix appellations ont aussi réfléchi ensemble. L'une ou l'autre - un peu plus exigeante - apportera peut-être son propre protocole. ' Le CTE est un outil qui nous sert à concrétiser cette approche collective ', signale Jean-Marie Sanchis, président de l'AOC Corbières. Sans respect du terroir et de l'environnement, les efforts effectués en matière de tourisme autour des AOC n'ont pas de sens. Et cela doit se voir. Question subsidiaire : l'Inao a-t-il les moyens de contrôler cette ambitieuse politique ?

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