Le fisc distingue deux types de cadeaux effectués du vivant des parents : les présents d'usage et les dons manuels. Les premiers ne les appauvrissent pas : les seconds doivent être déclarés.
Le législateur encourage la transmission du patrimoine familial aux descendants, en particulier du vivant de leurs parents. Dans ce cas, plusieurs dispositifs fiscaux permettent des allégements. Par exemple, les donations à concurrence de 46 000 euros par enfant sont exonérées de droits de mutation. Il est possible de répéter l'opération tous les dix ans. D'autres textes plus spécifiques trouvent à s'appliquer.
Malgré un panel de moyens fiscaux pour transmettre ses biens à sa descendance, peu de personnes les utilisent. Est-ce la lourdeur des formalités à accomplir ou bien la méconnaissance des parents ? La pratique montre que ces derniers sont surtout guidés par leur générosité : à l'occasion d'un événement familial (réussite à un diplôme, départ de la maison, mariage...), ils vont manifester leur affection en offrant à leur enfant une automobile, un beau bijou... Si cette pratique semble toute naturelle pour le père et la mère, elle soulève une difficulté d'interprétation pour le juriste : l'automobile ou le bijou, ce cadeau offert à leur enfant, doit-il être considéré comme une donation ou comme un présent d'usage ?
Selon la réponse, les conséquences fiscales seront différentes. Le simple présent d'usage n'a pas de conséquence fiscale. En revanche, le don manuel, au même titre que la donation par acte, est taxé. Pour distinguer le simple présent du don manuel, les services de l'administration apprécie la proportionnalité entre la situation financière familiale et le cadeau. Pour qu'il y ait présent d'usage, il ne faut pas qu'il y ait appauvrissement...
Il y a manifestement don manuel lorsqu'un père, pour faciliter l'installation de son fils, lui remettra un chèque de 15 000 euros ! Pour respecter la loi, pareil don doit faire l'objet d'une déclaration. Dans les faits, on constate de nombreux oublis volontaires ou non.. Le problème risque alors d'apparaître plus tard, lors du décès des parents donateurs...
Rappelons qu'après un décès, les héritiers doivent, dans les six mois, remplir une déclaration de succession. Celle-ci énumère les biens et espèces existants au jour du décès, mais aussi les libéralités que le défunt a pratiquées de son vivant au profit de ses héritiers.
A ce moment, la tentation est grande de ne pas mentionner les dons manuels. Parfois l'omission réussit. Mais d'autres fois, un relevé de compte bancaire du défunt, épluché par l'Administration, montre qu'il y a quatre ou cinq années, le père ou/et la mère avaient remis des sommes d'argent à leurs futurs héritiers. Tel est le cas qui a conduit la Cour de cassation à se prononcer le 31 mars 2004. Dans cette affaire, le fisc a procédé à un redressement, par rapport à la déclaration de succession. Il a réintégré dans la masse imposable des cadeaux de valeur offerts aux enfants plusieurs années auparavant. En présence d'héritiers insolvables, il a réclamé à l'héritier solvable, l'intégralité des droits au nom de la solidarité des héritiers pour le paiement des droits de succession.
L'héritier, objet de poursuites, a eu beau contester le montant du redressement et la solidarité invoquée à son encontre, la Cour lui a donné tort ! Il devra donc solder l'intégralité des droits réclamés, dans lesquels sont inclus ceux relatifs à des dons manuels dont a bénéficié son cohéritier, devenu entre temps insolvable... Il aurait été préférable, pour cet héritier, que ces dons manuels aient été déclarés, avec les facilités fiscales qui existent...
Référence : Cour de cassation, 4e chambre, 31 mars 2004, pourvoi n° 0210578 BC 2004-IV-68.