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Le dépôt de bilan sauve des exploitations en difficulté

La vigne - n°164 - avril 2005 - page 0

Mieux vaut déposer le bilan d'une exploitation en difficulté avant qu'il en soit trop tard. Cette procédure empêche les créanciers de poursuivre l'exploitant pendant un an. En contrepartie, il faut présenter un plan de redressement.

Dépôt de bilan, assignation au tribunal, redressement judiciaire... ces mots font peur, car ils font référence à l'échec et à l'inconnu. Et pourtant, ' il est important de ne pas aller voir le tribunal de grande instance trop tard , conseille Jean-Michel Cazes, expert foncier et agricole dans le Tarn, mais aussi administrateur judiciaire depuis quinze ans. ' Certains exploitants y vont une fois que le matériel indispensable à la vie de l'exploitation est déjà saisi . '
Depuis la loi du 30 décembre 1988, les agriculteurs peuvent bénéficier des procédures judiciaires. S'ils se retrouvent dans l'incapacité de payer leurs factures, ils peuvent ouvrir une procédure au tribunal de grande instance dont ils dépendent. C'est une grande chance pour les agriculteurs d'avoir à traiter avec des magistrats professionnels, et non avec des confrères, comme c'est le cas des commerçants et des artisans.

Souvent, ce sont les créanciers qui déclenchent la procédure en assignant. Tout d'abord, le juge peut nommer un conciliateur pour procéder à un règlement amiable des dettes entre l'exploitant et les créanciers. Le conciliateur, tenu au secret professionnel, a deux mois pour trouver un accord entre les deux parties. Pendant cette durée, les créanciers ne peuvent pas ordonner de saisie. En cas de désaccord ou de non-respect de la conciliation, le dossier passe à l'étape suivante, celle du dépôt de bilan, aussi appelée ' état de cessation de paiement '.
Il existe donc deux cas de figure pour qu'une exploitation soit en dépôt de bilan : soit l'exploitant le décide lui-même en allant au tribunal, soit l'un de ses créanciers l'assigne auprès du tribunal. La première option est largement préférable. ' Il est essentiel que l'agriculteur maîtrise sa procédure , rappelle Francis Thomas, directeur de l'association Solidarité paysans Provence. Il ne faut pas attendre d'être assigné, car le moment du dépôt de bilan est important dans le succès de la procédure.
Dans la mesure du possible, il faut déposer le bilan avant la récolte, au moment où la trésorerie va se reconstituer. Quand la procédure judiciaire est ouverte, il est en effet impossible de créer de nouvelles dettes. Il est donc indispensable d'avoir des entrées d'argent pour faire tourner l'exploitation. '
Le juge ouvre réellement la procédure de dépôt de bilan en convoquant l'exploitant à une première audience. A partir de cette date, l'exploitant ne peut plus être poursuivi par ses créanciers. Les résiliations de baux ne sont plus possibles non plus. Un mandataire judiciaire est nommé par le juge. L'ouverture de la procédure fige les dettes pour un an en général en agriculture, c'est-à-dire une saison culturale.

Pendant cette période d'observation, le mandataire va apprécier la capacité de l'agriculteur à redresser la situation. Pendant cette même période, l'agriculteur doit aussi proposer un plan de redressement au juge.
Ce plan peut s'étendre jusqu'à quinze ans maximum, mais il est conseillé de l'établir sur dix à douze ans, pour disposer d'une marge de manoeuvre en cas d'aléa climatique. L'exploitant présente plusieurs options aux créanciers et au juge. ' Il est obligé de proposer un plan où il rembourse toutes les dettes, explique Francis Thomas. En général, il propose un remboursement complet sur douze ans, avec un faible remboursement les premières années et une montée en puissance vers la fin. L'autre proposition courante consiste à proposer de payer 35 % de la dette au comptant et de bénéficier d'une remise de dettes sur les 65 % restants. De nombreux créanciers acceptent le deuxième plan, car ils craignent que le redressement judiciaire tourne en liquidation, auquel cas ils ne toucheront rien. ' S'il parvient à se redresser plus vite que prévu, il peut rembourser plus rapidement ses créanciers et clore sa procédure.

Si la situation économique est trop grave ou si l'exploitant ne parvient pas à assumer son plan de redressement, le juge ordonne la liquidation judiciaire de l'exploitation. S'il s'agit d'une exploitation individuelle, les biens personnels sont mis en vente avec les biens professionnels. Tout est mis en oeuvre pour éviter la vente aux enchères. Les juges acceptent souvent que l'exploitant propose des acquéreurs pour acheter ses biens dans un délai imparti, afin d'en tirer un meilleur prix.
La liquidation n'efface pas les cautions. L'argent récupéré finance en priorité les salaires restant dus, puis les impôts, les organismes sociaux et les autres fournisseurs. Pour limiter les drames personnels, le département des Bouches-du-Rhône, l'office des HLM Opac-Sud et d'autres organismes ont monté un partenariat. L'office des HLM rachète la maison de l'exploitant et la lui loue, ce qui lui permet de continuer à l'occuper. Vingt-sept maisons ont été rachetées à ce jour, et d'autres départements réfléchissent à proposer la même aide.


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