Portés par la vogue des rosés, les metteurs en marché s'enhardissent et lancent des produits libérés des codes traditionnels du vin.
Une nouvelle vague de rosés déferle cet été. Elle se veut humoristique, un brin sensuel, décontractée et branchée. Avec leur Rosy en string, les vignobles Dom Brial, première coopérative du Roussillon, ont réussi un très joli coup. Malgré un modeste budget de lancement (5 000 euros), la cave a vendu 50 000 cols en trois mois. ' Notre objectif était de 35 000, surtout dans la distribution locale. Aujourd'hui, nous exportons des bouteilles en Italie, en Allemagne, en Belgique et à Monaco ', se félicite Claude Sarda, responsable commercial. Ce succès s'explique par la médaille d'argent obtenue au Concours mondial du rosé en avril, à Cannes, et par des retombées médiatiques inespérées. La bouteille en string a profité des foudres des féministes locales, qui ont vu en elle une agression machiste. ' Leurs manifestations nous ont fait une formidable publicité ', reconnaît Claude Sarda.
Toujours sur le thème vestimentaire, mais bien moins scandaleuses, Les tongs de Château Gassier. Cette filiale de Jeanjean offre une paire de sandales de plage pour tout achat d'un carton de six bouteilles. L'idée a déjà conquis les grandes et moyennes surfaces du sud de la France, friandes d'actions promotionnelles. Le produit vient d'être référencé par Métro et devrait ainsi gagner la restauration.
La cible privilégiée des opérateurs reste les jeunes et les femmes. La gamme Glamour, d'Alliance Loire, vise surtout les secondes. Les aventures d'Agathe, de Cordier, touchent les deux catégories avec leurs personnages de bande dessinée et leurs capsules à vis.
Même mode de bouchage pour la cuvée Pink, de Listel. Ce vin joue aussi la carte du faible degré d'alcool. ' Avec 9°, c'est 25 % de moins qu'un vin traditionnel ', note David Boissier, directeur de Listel. Pour offrir des arômes très fruités, le leader européen du rosé conserve ses moûts et les vinifie au plus prêt de la commercialisation. Sa cuvée Pink a aussi un taux de sucre résiduel assez élevé. ' Si nous voulons intéresser les jeunes consommateurs, nous devons prendre en compte leur goût pour les soft drink, poursuit le responsable. La cuvée Pink est un produit que l'on souhaite mettre en avant pour l'apéritif. '
Encore plus hardies, les tentatives de certains opérateurs pour conquérir les adeptes des boîtes de nuit. L'initiative d'Inter-Med, la Fédération des syndicats producteurs de vins de pays des portes de la Méditerranée, mérite un coup de chapeau. Pour faire la promotion de leurs vins, l'organisation a lancé la Pink attitude. C'est une attitude relax et branchée. Jugez-en par vous-même : on boit du rosé à la paille en portant des lunettes de soleil bleu turquoise.
' Au lieu de concevoir une plaquette de présentation, nous remettons un kit comprenant une bouteille, une paille et une paire de lunettes ', explique l'animateur d'Inter-Med, Vincent Degiovanni. Coût total de cette opération : à peine 4 500 euros. Elle a remporté un beau succès lors du dernier Festival de Cannes, où Inter-Med était partenaire de la Semaine internationale de la critique. Un millier de kits Pink attitude ont été remis gratuitement. Au total, 6 500 bouteilles seront distribuées tout au long de la saison. ' J'ai reçu plusieurs appels de responsables de discothèques, intéressés par le concept ', poursuit Vincent Degiovanni.
La cible des bars de nuit et autres endroits branchés est aussi celle de Pur Rosé. Ce vin est le fruit de deux créateurs de flacons de parfum, deux restaurateurs des bords de Seine et un viticulteur varois. Il est présenté comme un blend de grenache, syrah, cabernet-sauvignon et cinsault. Avec son design, très chic, il prétend concurrencer le champagne rosé, l'un des rares vins consommés par les night-clubbers ! Son prix est à l'image de son ambition. Il est proposé aux professionnels du secteur traditionnel à 11,50 euros HT. Reste à savoir la marge que prendront ces derniers...