Dans le Nouveau Monde, la production est pilotée par le marché. Chez nous, l'idée d'être à l'écoute du client fait son chemin. Des entreprises testent et lancent leurs nouveaux produits grâce aux techniques de marketing, des interprofessions suivent.
'En Australie et en Californie, les producteurs n'essaient pas d'imposer leurs produits. Au contraire, ils écoutent le marché et s'y adaptent ', observe Dominique Delteil, consultant. Par attitude naturelle, les grands groupes du pays font des études de marché pour définir leurs produits avant de les lancer.
Quelques Français procèdent déjà de la même manière. En 1996, Pommery interroge des jeunes parisiens et londoniens en boîtes de nuit. ' Ils nous ont dit préférer un champagne un peu plus sucré que la normale. On ne s'y attendait pas du tout ! On a donc élaboré des extra-dry (17 g/l de sucre, contre 10 g pour le brut traditionnel) ', explique Thierry Gasco, chef de cave et directeur. Les réponses des jeunes ont guidé le service de marketing dans la création d'une bouteille très moderne, mais qui conserve le bouchon et le muselet traditionnels. Ainsi est né Pop, un champagne qui a mis les jeunes fêtards ' dans la poche '. Dès 1990, Moët & Chandon crée un service dédié aux études de consommateurs. Georges Blanck, chef de cave, se souvient de l'analyse réalisée en Asie et en Grande-Bretagne. Elle a conduit au brut rosé, innovant par sa couleur et ses arômes fruités marqués.
Autre précurseur, le groupe Castel. Dans les années 80, il décide d'orienter l'élaboration de ses vins selon des objectifs commerciaux et de marketing. Ainsi est lancé Baron de Lestac, qui devient la première marque de vin de Bordeaux. ' L'approche, alors assez instinctive, est aujourd'hui nettement plus scientifique ', observe Franck Crouzet, responsable de la communication du groupe. En 2002, Castel fait appel à une société spécialisée pour tester 240 échantillons de vins auprès d'un millier de consommateurs en Angleterre, aux Pays-Bas et en Allemagne. L'étude aboutit à la définition de plusieurs types de vins et se concrétise par le lancement, en 2003, de la marque Castel, comptant dix-huit références.
De leur côté, des interprofessions innovent en proposant du conseil en marketing. Inter-Rhône a ainsi lancé une enquête auprès de 500 consommateurs en 2003. De là est né le concept des sélections fruitée et corsée. ' Cette mention est aujourd'hui l'un des premiers critères de choix en grande surface ', annonce Olivier Legrand, du marketing. Une quarantaine de coopératives et de négoces se sont engagés à respecter les critères analytiques et de packaging auxquels doivent répondre ces vins. Inter-Rhône conseille ces entreprises pour élaborer ces deux vins.
L'interprofession des vins de Nantes vient d'achever une étude auprès de 600 consommateurs français, anglais, américains et japonais, afin de cerner les muscadets qui plaisent. ' L'enjeu est de redéfinir l'identité de l'appellation, quitte à faire évoluer son image , annonce Agnès Aubin, en charge du dossier au CIVN. Nous allons aider les producteurs à classer leurs muscadets. Puis, nous déclinerons les itinéraires techniques correspondants, à l'occasion d'un forum début novembre. ' L'objectif est que tous les vignerons et les négociants s'emparent de la démarche de marketing, afin que le muscadet trouve un nouvel élan.