Les grandes surfaces anglaises ont inventé le BRC, les allemandes l'IFS. Ces référentiels imposent des manières de travailler et une liste de précautions à prendre pour garantir la sécurité alimentaire. Les caves et négoces sont obligés de s'y mettre pour conserver leurs marchés.
Les grandes surfaces veulent s'assurer de la qualité et de l'innocuité des aliments qu'elles vendent. Pour y parvenir, en 1998, le BRC (British Retail Consortium), association regroupant 90 % de la grande distribution britannique, a créé son propre référentiel. Ce document dresse une longue liste d'exigences. Il s'impose progressivement aux fournisseurs.
L'IFS (International Food Standard) est l'équivalent allemand du BRC. De nombreuses grandes surfaces françaises s'y sont rattachées (sauf les enseignes Intermarché, Leclerc et Système U). Il est question que les enseignes d'Italie, d'Espagne, de Belgique, des Pays-Bas et de Pologne fassent de même. Ces deux référentiels sont très similaires. Ils exigent la mise en place préalable de l'HACCP et d'un système de management de la qualité (Iso 9000). Au total, l'entreprise doit répondre à deux cents ou trois cents critères.
Par exemple, il faut un certificat annuel de dératisation, des preuves de formation du personnel, d'abonnement à une revue sur la réglementation. De même, l'usage de produits de désinfection à base de chlore est proscrit.
Les contraintes sont nombreuses et coûteuses, pour un certificat valable entre six et dix-huit mois ! Au bout de cette période, il faut demander son renouvellement. Une entreprise spécialisée dans les audits (Afaq-Ascert, CMI...) se rend alors dans les caves pour vérifier qu'elles continuent d'appliquer les règles à la lettre.
' D'une part, il y a la réglementation, d'autre part les normes commerciales. Celles-ci servent à donner confiance aux clients ', explique Françoise Dijon, d'Inter-Rhône qui a organisé, avec l'Afaq, une journée d'information sur le sujet en vallée du Rhône. Pour conserver la confiance des consommateurs, les Britanniques n'hésitent pas à bousculer leurs fournisseurs.
La cave de Beaumes-de-Venise en a fait l'expérience. En 2002, elle a eu deux mois pour se faire certifier selon le BRC, à ses frais. Elle n'avait pas le choix : l'Angleterre représente 45 % de son chiffre d'affaires à l'exportation, qui lui-même constitue 22 % du chiffre d'affaires global. Heureusement, ' grâce à l'Iso, on remplissait déjà 98 % des points. Cela a été facile de se mettre en conformité ' explique Michèle Vacher, responsable qualité. Depuis trois ans, tous les vins vendus en Angleterre le sont sous BRC. D'après l'importateur, la certification BRC a permis de faire gagner à la cave 35 % de parts de marché en Angleterre.
Le négoce Paul Sapin, installé en Mâconnais, n'a pas eu le choix, lui non plus. ' En 2003, l'administration australienne a exigé que nous soyons certifiés BRC pour continuer d'importer des vins australiens ', explique Emilie Malecki, responsable qualité. L'entreprise a pris tout une série de précautions, en particulier pour maîtriser le risque qu'un corps étranger se retrouve dans une bouteille : contrôles après rinçage des bouteilles, installation de moustiquaires, interdiction du port de bijoux... Huit mois ont suffi à mettre en place le référentiel BRC. La société, qui vend 70 000 hl de vin, fonctionnait déjà sous Iso.
' 92 % de nos ventes se font à l'exportation. Le BRC nous a permis de fidéliser la clientèle britannique ', explique Emilie Malecki. En 2004, la cave a souhaité devancer la demande de la grande distribution française. Elle s'est mise à l'IFS. L'obtention de tous ces certificats est coûteuse. Il faut acheter le référentiel. C'est un document qui coûte entre 50 et 100 euros. Mais surtout, il faut payer les frais d'audit, soit 4 200 euros par an pour deux journées de travail, plus les frais de déplacement de l'auditeur. ' Ces référentiels ne satisfont malheureusement pas tous les acheteurs. Certains ont encore leurs propres cahiers des charges. Ils viennent nous auditer, à nos frais ! '
' Si notre certification BRC n'était pas renouvelée, ce serait une catastrophe ! ' annonce Ludovic Guillerme, directeur de la cave de Bully (Beaujolais). La cave exporte deux tiers de son activité bouteilles, dont 60 à 70 % en Angleterre. En 2002, l'un de ses clients anglais lui demande de se certifier BRC. ' Cela nous a permis de maintenir et de développer certains marchés. ' La cave a instauré des procédures très strictes de lavage des mains, même si personne n'est en contact direct avec le vin. Elle a prévu un plan de gestion de crise, avec une ligne téléphonique pour joindre les responsables de la cave, même le dimanche, en cas de problème sanitaire.
Depuis qu'elle a obtenu la certification BRC en janvier 2003, la cave de Bully doit demander un audit de renouvellement chaque année. A cela, il faut ajouter les audits internes et ceux des clients de la grande distribution, qui ont conservé leurs propres cahiers des charges. Cela fait plus d'une dizaine d'audits par an ! ' En 2006, il est prévu que nous nous préparions à la certification IFS. Cependant, nous ne voulons pas aller à la course aux systèmes qualité. Avant d'engager trop de frais, nous questionnerons nos distributeurs pour vérifier si l'IFS est vraiment pertinent pour eux. '
L'arrivée de la nouvelle norme sur le management de la sécurité alimentaire, l'Iso 22 000 (voir ci-dessous), devrait changer les choses. Reste à la faire accepter par la grande distribution.