Retour

imprimer l'article Imprimer

VIGNE

Champagne Nouveau pas vers la viticulture durable

AUDE LUTUN - La vigne - n°275 - mai 2015 - page 40

L'interprofession a édité son référentiel de viticulture durable. Elle invite tous les vignerons à s'en servir pour faire leur autodiagnostic puis établir un plan de progrès. Les plus investis sont déjà certifiés. Voici leur témoignage.
L'ENHERBEMENT ET LA BAISSE DES INTRANTS sont les axes prioritaires de la certification viticulture durable en Champagne. Les formations et les réunions d'informations s'inscrivent dans cette dynamique qui vise à toucher le plus grand nombre de viticulteurs. © CIVC

L'ENHERBEMENT ET LA BAISSE DES INTRANTS sont les axes prioritaires de la certification viticulture durable en Champagne. Les formations et les réunions d'informations s'inscrivent dans cette dynamique qui vise à toucher le plus grand nombre de viticulteurs. © CIVC

L'interprofession du champagne (CIVC) a l'ambition de convertir tous les professionnels de la région à la viticulture durable. Dans ce but, elle a publié, en avril 2014, son référentiel de viticulture durable qui comprend 125 mesures concernant :

- la maîtrise des intrants ;

- la préservation et la mise en valeur de la biodiversité et des paysages ;

- la gestion responsable de l'eau et des déchets ;

- la réduction de « l'empreinte carbone ».

Tous les viticulteurs sont invités à se servir du référentiel pour diagnostiquer leurs pratiques et réaliser des progrès. Les plus motivés d'entre eux peuvent faire certifier qu'ils satisfont à ce référentiel. Pour cela, un organisme indépendant doit pratiquer un audit validant qu'ils respectent au moins 90 % des 125 mesures du référentiel. Les pionniers se sont lancés dans cette aventure. Ils témoignent de leur expérience, qui a surtout consisté à réunir les preuves des efforts qu'ils accomplissent déjà en faveur de l'environnement.

Philippe Girard : « On peut être certifié sur 50 ares »

Viticulteur au Mesnil-sur-Oger (Marne), Philippe Girard a décroché sa certification viticulture durable en Champagne en janvier. « Je me suis intéressé à la viticulture durable dès 2001, précise-t-il. Quand le référentiel est sorti, en 2014, je me suis aperçu que j'étais conforme à la plupart des points. J'étais déjà passé au travail du sol sur 30 % de mes vignes et j'avais 76 % de mes surfaces enherbées alors qu'il en faut 50 % au moins pour être certifié. Je n'ai pas eu à me lancer dans des investissements spécifiques. »

Philippe Girard, adhérent à la coopérative UPR, exploite 11 ha et s'occupait en 2014 d'un hectare en prestation de services. En janvier 2014, il a passé avec succès son agrément en tant que prestataire de services, un examen dont les exigences en matière de traçabilité sont voisines de celles de la certification viticulture durable.

Pour préparer l'audit, il a été accompagné par le CDer pendant deux demi-journées. L'examen s'est très bien passé, avec seulement quatre points mineurs non validés sur les 125 points du référentiel.

En même temps que son exploitation, Philippe Girard a proposé aux deux très petits domaines pour lesquels il est prestataire de tenter la certification. Ils l'ont obtenue. « Autant faire le travail pour trois que pour un seul, résume-t-il. Mon objectif était aussi de montrer que l'on peut être certifié en exploitant 50 ares. La certification est à la portée de tous. Il faut y aller tranquillement... »

Xavier Muller : « Un atout pour l'Europe du Nord »

La coopérative Mailly Grand Cru, dans la Marne, est engagée dans la viticulture durable depuis une quinzaine d'années. « Quand le référentiel de viticulture durable en Champagne est paru, nous avons décidé d'engager une démarche collective pour avoir la reconnaissance du travail déjà accompli », témoigne Xavier Muller, son président. C'est ainsi que cinq adhérents de la coopérative vont passer l'audit de certification en mai et dix autres en octobre. Fin octobre, la coop devrait avoir fait certifier 60 de ses 70 ha. Et d'ici deux à trois ans, elle vise 90 à 95 % de sa surface. « 100 % me semble impossible à atteindre, car il est compliqué d'être certifié quand on n'exploite que dix à quinze ares, estime Xavier Muller. Nous avons demandé au CIVC d'accepter qu'une coopérative le soit si plus de 90 ou 95 % de ses surfaces étaient certifiées. »

La coopérative n'est pas partie de zéro. Ses membres satisfaisaient déjà l'exigence de traçabilité des interventions au vignoble. « Nous avions mis en place un outil de traçabilité il y a cinq ans, avec Maferme Smag-Néotic. Nos adhérents enregistrent leurs interventions (engrais, traitements, désherbage). Certains prestataires les saisissent directement. Ceux qui ne sont pas équipés nous donnent les informations par écrit et la coopérative les compile. Cela ne concerne que cinq ou six adhérents sur 78. »

Comme souvent, le point le plus compliqué a été de satisfaire l'exigence d'un enherbement à 50 %. Sur ce sujet, la coopérative a mis en place un accompagnement avec VitiConcept pour ses membres les moins avancés. « La présence d'un technicien rassure les adhérents. Ils s'initient sur une parcelle », souligne Xavier Muller.

La coopérative prend en charge l'intégralité des coûts liés à la certification. « L'agence de l'eau paie une partie des coûts de formation et de suivi des adhérents, précise Xavier Muller. Pour les audits, dont le coût varie entre 500 et 800 €, nous allons négocier un tarif de groupe. »

Xavier Muller constate avec satisfaction que la certification crée de l'émulation entre les adhérents. Elle favorise le partage d'expériences et la mise en place d'actions communes, comme l'implantation d'une haie.

« Je ne pense pas que la certification sera valorisée sur le prix des 500 000 bouteilles que nous vendons. Mais elle peut nous ouvrir des portes pour certains marchés, notamment en Europe du Nord. »

Aurélien Poussin : « Être rigoureux à tout moment »

Aurélien Poussin exploite 13 ha à Villers-sous-Châtillon (Marne) et commercialise 110 000 bouteilles, avec son épouse et ses beaux-parents, sous la marque Champagne Robert Allait. Il est certifié viticulture durable en Champagne depuis le 23 février 2015. « Nous étions déjà investis dans la diminution des intrants, explique Aurélien Poussin. Notre taux d'enherbement dépasse les 50 % [un point crucial de la certification, NDLR], mais l'objectif est de continuer à progresser. L'idéal serait d'atteindre les 80 %. La certification nous pousse à explorer d'autres voies alternatives à l'usage d'herbicides. »

L'audit a duré une journée et a révélé trois écarts mineurs sur les 125 points de contrôle. En amont, Aurélien Poussin s'est fait accompagner par son centre de gestion, le CDer, lors de deux demi-journées : « Cela m'a rassuré. J'ai vu que j'étais bien au point pour l'audit. » Surtout, il a passé dix jours à réunir tous les documents. Par exemple, il faut pouvoir prouver que l'on élimine les déchets non dangereux lors de collectes. « Auparavant, je ne me procurais pas ces justificatifs, précise Aurélien Poussin. Quand j'apportais mes emballages vides, je ne prenais pas le récépissé. La certification exige d'être rigoureux dans l'administratif, mais aussi et surtout dans le travail des vignes. »

Aurélien Poussin a également passé la certification HVE3 en même temps que la certification viticulture durable en Champagne. Les deux sont mentionnées sur le site internet de l'exploitation. Elles seront également annoncées dans leur prochaine newsletter qu'il édite. « Ces certifications valorisent notre travail, mais je ne pense pas que cela se traduira par une majoration de nos tarifs », conclut Aurélien Poussin.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :