Les caves coopé- ratives ont pris conscience de la nécessité de mettre en place des démarches de marketing pour augmenter leurs ventes. Mais souvent, les budgets restent insuffisants. Du côté des vignerons, un gros travail reste à faire.
Le marketing, « c'est une vraie philosophie », annonce David Skalli, du cabinet Skalli & Rein, à Paris (8 e). Il consiste à placer le consommateur au coeur de la réflexion. Il s'agit d'évaluer ses besoins pour, ensuite, développer des produits répondant à ses attentes. Depuis longtemps, la Champagne et le Cognaçais ont bien compris l'importance d'une telle démarche. Mais il a fallu attendre la concurrence du Nouveau Monde pour que le reste de la filière viticole se lance. Cela fait deux à trois ans qu'elle a mis un sérieux coup d'accélérateur. Dans les caves coopératives, les services et les démarches de marketing fleurissent.
« Nous sommes passés d'une stratégie de l'offre à une stratégie de la demande. Nous avons pris conscience que le marketing, ce n'est pas uniquement une question de packaging », annonce Pierre Philippe, directeur des Vignerons de Buzet (Lot-et-Garonne). Depuis un an, cette cave mène une grande réflexion sur le marketing. Elle a créé un vrai service dédié à cette tâche et embauché deux salariés, alors qu'auparavant le marketing venait juste en support du service commercial. Une seule personne y était rattachée et s'occupait de sortir des statistiques de ventes, des études de prix de revient. Aujourd'hui, trois personnes y travaillent. Elles analysent la demande, l'offre de la concurrence et les panels. La cave a aussi constitué un comité de pilotage de dix-sept membres. Il est chargé de développer des produits et des designs correspondant aux attentes des consommateurs. Il définit les profils de vins et explore les itinéraires techniques pour les obtenir.
Il y a un an, la cave du Mont Tauch, à Tuchan (Aude), a amorcé un virage équivalent. Katie Jones, auparavant responsable de l'exportation sur le marché anglais, a pris la direction du service de marketing. Pour l'aider, elle a embauché deux autres personnes. Grâce à un budget représentant 2 % du chiffre d'affaires de la cave (23 Meuros), elle a pu développer de nouveaux concepts.
D'autres caves en sont encore aux balbutiements. C'est le cas de la Cave de Lugny (Saône-et-Loire). Il y a deux ans, elle a fait appel à un cabinet anglo-saxon afin de mieux connaître les attentes de ce marché. Puis, elle a lancé un produit haut de gamme spécifique sous la marque Unité. Néanmoins, elle ne dispose pas encore de service de marketing. « Il faudra qu'on y vienne dans les trois à cinq ans », estime Edouard Cassanet, directeur de la cave.
De l'avis des experts, la filière viticole ne pourra plus faire abstraction du marketing. « Dans les années à venir, les produits non marketés n'auront plus d'avenir », considère David Skalli. Mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. « Idéalement, il faudrait consacrer au marketing un budget représentant 10 à 15 % du chiffre d'affaires. En France, nous en sommes très loin », observe-t-il.
Selon Yohan Castaing, d'Acyon consulting en Gironde, il y a un gros travail à réaliser pour que la filière dédramatise le marketing. « Pour les vignerons, c'est du vent : on leur vend un service immatériel qu'ils ne peuvent pas toucher. Les syndicats doivent leur faire prendre conscience que le marketing est bénéfique, qu'il va créer de la valeur ajoutée. » Les vignerons ont besoin de se former aux techniques de marketing. Aujourd'hui, il ne suffit plus de savoir produire, il faut aussi savoir vendre.