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GÉRER - LA CHRONIQUE JURIDIQUE

Pour résilier un bail, il faut des impayés, du temps et un juge

Jacques Lachaud - La vigne - n°218 - mars 2010 - page 86

Les motifs de la résiliation judiciaire d'un bail rural s'apprécient au jour de la demande en justice devant le tribunal paritaire des baux ruraux. Qu'importe si après cette date, les choses s'arrangent entre le propriétaire et le locataire.

L'actualité le démontre : beaucoup de vignerons connaissent des difficultés financières. Certains ne peuvent plus payer leur loyer. Comment le propriétaire doit-il réagir ? Le statut du fermage distingue deux hypothèses.

Première hypothèse : un seul terme de loyer n'est pas réglé à son échéance. Dans ce cas, le propriétaire doit notifier au locataire une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception dans laquelle il lui demande de s'acquitter de sa dette dans les trois mois. Si au bout de ce délai, le loyer n'est toujours pas payé, le bailleur doit renouveler sa mise en demeure. Ce n'est qu'après trois mois de cette seconde mise en demeure qu'il peut entamer une demande de résiliation pour non-paiement. La procédure s'effectue devant le tribunal paritaire.

Deuxième hypothèse : plusieurs termes sont impayés. Dans ce cas, le propriétaire peut réclamer l'ensemble des impayés par une seule mise en demeure. Si dans les trois mois de celle-ci, la dette n'est pas soldée, le propriétaire est en droit d'agir en résiliation devant le tribunal paritaire. Dans les deux cas, le fermier peut échapper à la résiliation en prouvant que la force majeure ou des raisons sérieuses ou légitimes l'ont mis dans l'impossibilité de payer.

Voici les faits de l'affaire jugée par la Cour de cassation le 26 mai 2009. Un vigneron est à la tête d'une exploitation peu rentable. Il est en coopérative et les acomptes se font attendre. Ses dettes se multiplient. Il arrête de régler son fermage. Sa propriétaire comprend ses difficultés. Elle se contente de le rappeler à ses obligations.

Pendant trois ans, le loyer demeure impayé. Puis la propriétaire décède. Ses héritiers ne partagent pas sa générosité. Ils notifient une mise en demeure conforme à la loi au vigneron. Cette fois, les choses sont sérieuses. Notre exploitant met en vente une maison qui lui appartient. Hélas, les acquéreurs se font attendre.

Les trois mois de la mise en demeure s'écoulent, toujours sans règlement. Puis, enfin, la vente se réalise. Le notaire adresse un chèque du montant du loyer à son confrère qu'il croyait chargé de la succession. Mais le destinataire du courrier lui retourne le chèque, expliquant qu'il n'est pas le mandataire des héritiers.

Le jour de l'audience du tribunal paritaire, les fermages ne sont toujours pas réglés ; les juges prononcent la résiliation.

Devant la cour d'appel, le vigneron fait valoir qu'il avait l'intention sincère de payer dans le délai, mais que le chèque n'est pas parvenu aux héritiers à cause de l'erreur de transmission. La cour lui donne satisfaction et ne confirme pas la résiliation. A l'appui de leur décision, les juges relèvent que les héritiers ont encaissé le chèque qui leur était parvenu après le jugement du tribunal paritaire…

Les héritiers se pourvoient en cassation. La Cour suprême leur donnera raison. Elle censurera la cour d'appel parce que : « Les motifs de la résiliation judiciaire s'apprécient au jour de la demande en justice. » Or, ce jour-là, la dette n'était pas réglée. La Cour de cassation ajoute que le vigneron aurait pu échapper à la résiliation s'il avait prouvé que son retard était dû à la force majeure, c'est-à-dire à un événement imprévisible ou à des raisons sérieuses et légitimes telles qu'un désaccord sur le montant du loyer. En l'espèce, il n'en était rien…

La situation aurait été tout autre si le vigneron avait été en redressement judiciaire. Dès cette décision, les héritiers auraient dû attendre l'apurement du passif pour espérer un paiement.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

RÉFÉRENCE :

Réf Cas 26 mai 2009 n° 0817413

et sur les éléments de la démonstration Cas 17 Novembre 1998 n° 9711840.

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