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ACTUS - FRANCE

Les vins de France font envie

Bertrand Collard - La vigne - n°222 - juillet 2010 - page 17

COMMUNICATION - L'Anivin de France a présenté sa stratégie pour valoriser les vins de cépage sans indication géographique. Censée susciter l'envie, elle fait des envieux…
« Nous allons travailler sur un territoire d'expression glamour, ludique et gourmand », annonce Valérie Pajotin, directrice de l'Anivin de France. © J.-C. GRELIER/GFA

« Nous allons travailler sur un territoire d'expression glamour, ludique et gourmand », annonce Valérie Pajotin, directrice de l'Anivin de France. © J.-C. GRELIER/GFA

« Les Anglaises et les Américaines savent si elles préfèrent le chardonnay ou le sauvignon, pas les Françaises. Elles ne sont pas expertes en cépages », constate Valérie Pajotin. Mais la directrice de l'Anivin de France promet d'y remédier.

Le 22 juin, elle a présenté la stratégie de communication de son interprofession, chargée des vins sans indication géographique, encore dénommés vins de France. Ces vins, successeurs des vins de table depuis la récolte 2009, peuvent mentionner le cépage.

Pour Valérie Pajotin, c'est une aubaine. « A un cépage, correspond un goût », a-t-elle affirmé. Son interprofession va l'expliquer au grand public « afin de faciliter l'acte d'achat ». Elle ne le fera pas de manière savante, mais ludique.

Choisir selon son humeur

Ainsi le nouveau site vindefrance.org invite les internautes à glisser des bulles dans un verre pour apprendre que le cabernet-sauvignon sent le cassis, le poivron et le cèdre. Il permet aussi de choisir un cépage selon son humeur. A ceux qui ont envie d'humour, il conseille de boire un sauvignon, car il est vif, fruité et tonique. A ceux qui ont envie de faire la paix après une dispute, il suggère un vin de syrah, cépage charnel, puissant et épicé. Une communication radicalement différente de celle basée sur « l'expression du terroir », dominante jusqu'ici dans la filière.

Avant cette présentation, René Moreno, président de l'Anivin a rappelé que « le segment des vins de France a été créé pour accroître notre compétitivité à l'export ». Il a souligné tout l'intérêt d'assembler des vins d'un même cépage issus de différentes régions, la principale innovation introduite par les vins de France : « C'est la promesse d'un goût constant pour fidéliser les consommateurs. Nous allons reconquérir des marchés. Nous comptons qu'il se vendra un million d'hectolitres de vin de France durant la campagne 2011-2012. » Ce serait quatre fois plus que pour cette campagne 2009-2010 de lancement.

Avant de s'adresser aux journalistes français, l'Anivin avait dévoilé sa stratégie à la presse et aux acheteurs britanniques. C'était à la foire de Londres, du 18 au 20 mai. L'interprofession y avait pris un stand, signalé par un logo aguicheur montrant des lèvres rouges et pulpeuses embrassant un verre de « Vin de France ». On pouvait penser que ce stand représentait toute l'offre française.

Pour beaucoup, ce fut un choc ! Ils avaient compris que « Vin de France » ne serait qu'une mention d'étiquetage. Ils ont découvert que l'Anivin en avait fait une accroche de marketing très efficace. Le syndicat des vins de pays d'Oc y a vu « une agression caractérisée ». Les interprofessions d'AOC ont décelé « une captation de notoriété. Aucune catégorie de vin ne peut s'approprier le toit commun qu'est vin de France. Et surtout pas celle qui a le moins concouru au prestige des vins français », explique un responsable.

Début juin, le président du Cniv, le comité de liaison des interprofessions d'AOC et d'inter'Oc a écrit à son homologue de l'Anivin pour lui demander de suspendre sa campagne de communication. Cette demande sous-entendait que l'Anivin annule sa conférence de presse du 22 juin au luxueux hôtel de Crillon à Paris. Mais elle a tenu bon.

Convocation au ministère de l'Agriculture

Le 23 juin, la conseillère viticole du ministre de l'Agriculture convoquait le Cniv, l'Anivin et les organisations professionnelles nationales (Cnaoc, CFVDP, Vignerons indépendants, CCVF) pour calmer les esprits. Les responsables professionnels, à qui la moutarde était montée au nez, se sont retrouvés devant une jeune femme de 20 à 30 ans leur cadette. De quoi réveiller en eux la sagesse de l'âge…

Fin juin, le directeur et le président des deux interprofessions se sont à nouveau rencontrés, seuls cette fois. L'Anivin a pris l'engagement de trouver une autre accroche de communication que « Vin de France ». Les deux organisations attendent la remise d'une étude de FranceAgriMer pour définir les règles d'utilisation de cette bannière. Réponse début septembre. Quoiqu'il en soit, pour l'étiquetage des nouveaux vins, rien ne change : ils ont clairement le droit d'inscrire de manière voyante qu'ils sont de France !

Les négociants seront créatifs

« Plus de mille opérateurs ont demandé l'habilitation pour produire des vins de France de cépage », a annoncé René Moreno, président de l'Anivin, lors de la conférence de presse de lancement de ce nouveau segment qui a eu lieu le 22 juin. Pourquoi un tel engouement ? « Avec les vins de France, nous pouvons être créatifs dans les assemblages et inventer des vins, a expliqué Bruno Kessler, vice-président de l'Agev, le syndicat du négoce. Pour les vendre, nous pouvons nous appuyer sur les forces de la France : un patrimoine de cépages, une image forte, un savoir-faire et une situation géographique idéale. » Trois autres négociants étaient venus expliquer leur intérêt pour les vins de France. Tous ont assuré que ce nouveau segment sera synonyme de valeur ajoutée et non de baisse des prix. « Nous allons utiliser les qualités de chaque région pour tirer le niveau vers le haut et apporter de la valeur ajoutée à nos marques, a dit Bertrand Praz, l'acheteur de Grands Chais de France. C'est sur ce schéma-là que nous voulons construire. »

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