Pouvez-vous nous définir la sous-activité ?
Jean-Marie Lataste : Le principe est très simple. Quand un viticulteur constate une petite récolte en raison d'un événement indépendant de sa volonté, notamment du fait d'un aléa climatique, le coût de revient du vin augmente de manière importante. Ses coûts fixes, qui ne varient pas, se reportent sur un plus petit volume de vin. Or, ils représentent l'essentiel des frais engagés. La méthode de la sous-activité consiste à déduire comptablement et fiscalement, dès l'exercice du sinistre, les coûts fixes correspondant au volume qui n'a pas été produit, apprécié par rapport au volume moyen produit sur l'exploitation.
Concrètement, comment procéder ?
J.-M. L. : Prenons l'exemple d'une exploitation qui récolte normalement 50 hl/ha pour un coût de production de cent, dont quatre-vingt-dix de frais fixes et dix de frais variables. Si la vendange de cette exploitation est détruite par la grêle à 50 %, le vigneron pourra déduire 50 % des frais fixes soit quarante-cinq, à titre de perte comptable.
La sous-activité est particulièrement adaptée à l'activité viticole, car les coûts fixes sont très importants, représentant la majeure partie des coûts de production. De plus, en cas d'aléas climatiques, l'économie de main-d'œuvre reste très limitée, car il faut continuer à mener la récolte restante à terme avec pratiquement le même nombre d'heures de travail à engager.
Cette méthode est-elle déjà appliquée en France ?
J.-M. L. : Oui. La sous-activité est appliquée depuis longtemps dans le monde industriel et commercial, alors que la part de coûts fixes dans leurs prix de revient semble moins importante qu'en viticulture. Quand une machine conçue pour fabriquer dix mille articles sur une période donnée n'en produit que cinq mille, pour des raisons extérieures à l'entreprise, les coûts fixes correspondant aux articles qui n'ont pas pu être produits sont déductibles du résultat de l'exercice subissant la sous-activité.
Dans quelles situations est-elle la plus intéressante ?
J.-M. L. : Quand les vignerons enregistrent, l'année du sinistre, de bons résultats issus de la vente des récoltes antérieures. Cette méthode permet d'écrêter les résultats de ceux qui vont bien. Elle permet de limiter les impôts sur les résultats de l'exploitation, évitant ainsi des sorties de trésorerie à un moment où cela n'est pas souhaitable
Il a fallu de longues années pour que l'administration fiscale accepte d'appliquer la sous-activité à la viticulture…
J.-M. L. : En effet. Arnaud Agostini, avocat à Bordeaux, et moi-même avons proposé d'étendre cette méthode à la viticulture dès 1991, année où un gel de printemps avait conduit à une très petite récolte. Il nous a fallu quatorze ans pour convaincre l'administration fiscale. Et presque vingt ans pour que la sous-activité soit reconnue en Gironde, car la Dircofi Sud-Ouest s'est opposée à ce qui avait été décidé par le Conseil national de la comptabilité et validé par Bercy dès 2005.
Y a-t-il eu des contentieux ?
J.-M. L. : Oui. Cette différence d'interprétation a généré des contrôles fiscaux dans le Bordelais, mais les positions contentieuses qui avaient été prises viennent d'être toutes abandonnées, à l'initiative de l'administration fiscale. Les viticulteurs de toute la France, y compris les Bordelais, peuvent appliquer la sous-activité sans crainte. Cette méthode est maintenant reconnue tant comptablement que fiscalement.
L'accord de l'administration ne vient-il pas au moins bon moment ?
J.-M. L. : Il est clair que oui. La sous activité a moins de portée qu'il y a vingt ans. Nous avions demandé son application dans les belles années, au début des années quatre-vingt-dix. Néanmoins, elle sera utile aux viticulteurs les moins touchés par la crise et il en reste, heureusement ! Pour ceux dont les résultats sont plus limités, la sous-activité permet de ne pas comptabiliser des valeurs qui ne correspondent pas à un produit en stock.