Les machines de taille rase, dites tailleuses, permettent de réaliser d'importantes économies. Selon la chambre d'agriculture du Gard, leur utilisation fait chuter le temps de taille de 52 h/ha à 20 h/ha ! De quoi intéresser les viticulteurs. Afin d'observer les différentes machines du marché, les chambres d'agriculture et la FRCuma du Languedoc-Roussillon ont organisé une semaine de démonstrations mi-novembre. Voici ce qui s'est déroulé à côté de Nîmes, chez Bernard Angelras.
La démonstration a eu lieu sur une parcelle d'IGP, plantée en cabernet-sauvignon. Elle est plane, enherbée intégralement, avec un paillage plastique sous le rang. L'écartement interrang est de 2,50 m, le palissage est constitué de cornières et les ceps ont dix ans. Ils sont taillés en cordon de Royat, avec quatre coursons de deux yeux de chaque côté. L'année dernière, pour des raisons économiques, Bernard Angelras a fait appel à un entrepreneur qui lui a taillé sa vigne mécaniquement. Il en a été satisfait. La reprise manuelle derrière lui a demandé environ 15 h/ha. La vigne a donné beaucoup de petites grappes et il a eu un rendement de 10 tonnes/ha cette année, « ce qui n'est pas explosif », note-t-il.
Choisir entre scies et barres de coupe
Six des neuf constructeurs de tailleuses avaient répondu présents : Cellier-Boisset, CGC Agri, Chabas, Pellenc, Terral et Verdoire. Manquaient à l'appel : Brunel, Calvet et Provitis. Toutes ces machines sont à scies circulaires sauf celle de Chabas, revendeur de la marque italienne Tanesini, qui est sections. Pour Renaud Cavalier, responsable machinisme de la chambre d'agriculture du Gard, chaque principe a ses avantages. « Les sections ont une qualité de coupe inférieure aux scies une fois qu'elles ne sont plus neuves. Mais elles sont beaucoup moins dangereuses », explique-t-il.
Autre critère de différenciation : certaines machines prétaillent et taillent simultanément (Pellenc, CGC Agri et Verdoire), d'autres pas. Pour Renaud Cavalier, le fait d'effectuer les deux opérations en un seul passage est un atout incontestable. En revanche, cela laisse quelques sarments au niveau des piquets.
Lors de la démonstration, les machines n'ont pas réalisé un très bon travail, car la parcelle ne se prêtait pas bien à la taille mécanique. Le cordon était situé en dessous du fil porteur. Les machines ont du mal à bien se positionner, de peur d'emmener des fils. Et les bras n'étant pas attachés aux fils, ils bougeaient lors du passage des machine. Or, dès qu'un cordon bouge, la qualité de coupe est moins bonne. Par ailleurs, le cabernet est un cépage qui fait beaucoup de bois, ce qui a occasionné des bourrages. « Sur une vigne un peu plus adaptée à la taille rase et avec un chauffeur expérimenté, toutes les machines réalisent un bon travail, analyse Renaud Cavalier. Habituellement celle de CGC Agri a une meilleure appréciation qu'aujourd'hui. Enfin, la TRP de Pellenc est celle qui a été la plus rapide, grâce à son suivi de cordon. » La Chabas et la Terral sont quant à elles les machines qui ont taillé le plus nettement les sarments.
Verdoire
PRÉTAILLEUSE-TAILLE RASE
Quatre scies circulaires (deux horizontales, deux verticales) montées sur un mât pendulaire.
Attelage arrière.
Présence de patins de guidage.
Les +
Réalise les deux opérations, prétaille et taille, simultanément.
Vitesse d'avancement acceptable.
Les −
Ouverture au niveau des piquets réalisée par le chauffeur, en appuyant sur un bouton.
A provoqué de nombreuses projections.
Coupe pas très nette au niveau des sarments.
Laisse quelques bois au niveau des piquets.
Machine assez lourde.
Les autres machines du marché
Brunel
La machine à tailler la vigne de Brunel se passe sur vigne déjà prétaillée. Elle est composée de quatre lames de 400 mm de diamètre, deux horizontales et deux verticales, montées sur un portique, à l'avant du tracteur. La vitesse de rotation des scies est de 3 000 à 3 800 tr/min. La machine est dotée de skis de guidage sur le rang. L'ouverture aux piquets est automatique, grâce à un palpeur mécanique. Le débit d'huile nécessaire pour faire fonctionner les têtes est de 42 l/min. La vitesse de travail conseillée par l'entreprise est de 1,5 à 2 km/h. Brunel devrait sortir un combiné prétailleuse-tailleuse sous peu.
Prix : 11 500 € HT, avec centrale hydraulique.
Calvet
La société audoise Calvet propose une tailleuse hydraulique à scies indépendantes. Les quatre disques de coupe, deux horizontaux et deux verticaux, sont montés sur un bâti à double oscillation inversée. Ils font 350 mm et tournent à environ 3 000 tr/min. La machine possède des patins de guidage sur le rang, ainsi que des roues au-dessus des scies, permettant leur écartement aux piquets. Un débit d'huile d'environ 30 l/min suffit à alimenter la tailleuse. Elle travaille sur vigne préalablement prétaillée. Elle se monte en frontal, ou latéral sur tracteurs ou enjambeurs.
Prix : 12 600 € HT, avec le bâti.
Provitis
Provitis travaille sur un prototype de tailleuse. Elle sera montée sur un mat à parallélogramme de la firme en frontal et sera munie de quatre disques de 350 mm tournant à environ 2 000 tr/min. La détection aux piquets se fera via un système optique. L'appareil devrait être muni d'un suivi de cordon. Le débit hydraulique nécessaire sera de 40 l/min. La date de lancement n'est pas encore connue.
Trois viticulteurs nous donnent leur avis
Gérard Chabaud et Gautier Bouchon, de Roquemaure (Gard)
« Nous avons bien aimé les deux dernières machines, à savoir la Terral et la Chabas, car ce sont celles qui ont réalisé les coupes les plus nettes. C'est important, car ainsi, les vignes mettent moins de temps à cicatriser. Nous avons une préférence pour les machines qui ne font que la taille, car en passant sur une vigne préalablement prétaillée, on laisse beaucoup moins de bois au niveau des piquets, et le temps de reprise manuelle est moindre. Nous n'allons pas investir de suite, car les machines ne sont pas encore au point, et il faut un vignoble bien droit avec des ceps bien attachés. Et puis, on ne peut pas utiliser ces machines en AOC. L'investissement n'est pas très rentable si on ne peut pas utiliser l'outil partout. Mais c'est sûr qu'à long terme, on y viendra. »
Denis Grangetto, viticulteur à Chaissargues (Gard)
« La machine qui m'a plu est la TRP de Pellenc. Elle travaille vite et fait les deux opérations, prétaillage et taille, en un passage. C'est un gain de temps. Je trouve que la Cellier-Boisset est pas mal aussi. Elle nettoie mieux que d'autres. J'aime bien la Chabas aussi, car elle effectue une coupe bien nette, mais le système de taille est différent.
Je ne compte pas investir de suite. Mais c'est sûr que bientôt, on ne trouvera plus personne qui acceptera de tailler les vignes, donc il faudra bien trouver une solution. Mon exploitation n'est pas très loin d'ici. Je compte venir suivre l'évolution de la parcelle ici, pour me rendre compte de l'impact de cette taille par moi-même. Après, si cela me convient, pourquoi ne pas investir en Cuma ? »
Bernard Angelras, le propriétaire de la parcelle du test, à Nîmes-Saint-Césaire (Gard)
« Je constate que les matériels ont bien évolué par rapport à la première génération. Toutes les tailleuses présentées aujourd'hui marchaient bien. Les machines sont très différentes. La Pellenc, par exemple, est sophistiquée. Elle est poussée en électronique. En revanche, la Chabas est beaucoup plus simple. Tout est mécanique.
Personnellement, je ne compte pas investir dans ce type de matériel. Je préfère faire appel à un entrepreneur, qui connaît bien le matériel, sait bien l'utiliser, l'entretenir, etc. Et je préfère effectuer le travail en deux temps : prétaillage d'abord, taille ensuite. Je trouve que l'on voit mieux le fil ainsi, et que l'on fait un meilleur travail. »